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ABANA — ABARIM

au-dessus de la Méditerranée. Traversant les montagnes par de profondes coupures où l’on entend mugir ses eaux souvent invisibles entre les parois des rochers, il arrose l’antique Abila, aujourd’hui Soūq-Ouadi-Barada ; puis, au milieu de ruines de la domination romaine, il vient se grossir des eaux de l’Aïn-Fidjéh, une des sources les plus remarquables de la Syrie. Il débouche ensuite dans la plaine de Damas, et, se dirigeant vers l’est, longe le mur septentrional de la ville (fig. 2), et va enfin se perdre, à une vingtaine de kilomètres de Damas, par plusieurs bras différents, dans un grand lac, le Bahr el-Àleibéh, divisé lui-même en deux parties : Bahret esch-Scharqiyéh (lac oriental), et Bahret el Qebliyéh (lac méridional). Jamais rivière ne fut mieux utilisée. Dès la plus haute antiquité, on a dérivé de son lit principal, à divers niveaux, une multitude de canaux, dont sept plus importants. Sans ce fleuve aux eaux limpides et dignes de l’admiration de Naaman, Damas n’existerait pas ; mais avec lui, malgré les calamités et les révolutions, elle est restée l’une des plus populeuses et des plus brillantes cités de l’Orient. Cf. V. Guérin, La Terre Sainte, Paris, 1882, 1. 1, p. 384-387 ; J. L. Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, 1. 1, p. 255-278.

ABARBANEL (don Isaac-ben-Juda-barbanel ou Abravanel), rabbin portugais, né à Lisbonne en 1437, dans une famille opulente, mort à Venise en 1508. Il reçut une brillante éducation, embrassa la carrière de la politique et devint ministre des finances d’Alphonse V, roi de Portugal, puis de Ferdinand le Catholique, roi de Castille. L'édit de 1492, qui expulsait les Juifs, le força de quitter l’Espagne ; il se rendit à Naples, où il occupa un poste éminent à la cour de Ferdinand Ier et d’Alphonse II, son successeur. L’invasion des Français le fit passer en Sicile ; de là il se rendit à Corfou, et, après avoir séjourné quelque temps dans la Pouille, il s’arrêta enfin à Venise, où il mourut à l'âge de soixante et onze ans. Dans ses pérégrinations, Abarbanel composa de nombreux ouvrages. Voici, d’après Aboab, la liste de ses œuvres scripturaires et le lieu de leur composition : en Portugal, le commentaire du Deutéronome, intitulé Mirkébet hammišnéh, Le second char, Gen., xli, 43 ; en Castille, les commentaires de Josué, des Juges et des Rois ; à Naples, Les sources du salut, Ma’ayenê yesu’ah, Is., xii, 3, commentaire sur Daniel, et le livre appelé Sacrifice de la Pâque, commentaire sur la manière de célébrer la Pâque ; à Corfou, un livre sur Isaïe ; à Venise, un commentaire sur les autres prophètes et sur les quatre premiers livres de la Loi. Abarbanel composa encore deux dissertations sur le Messie : Mašmi’a yešu’ah, Isaïe, lii, 7, Le héraut du salut, et Yešu’of mešiho, Ps. xxviii, 8, Le salut ou secours de son Messie. Ces deux dissertations. avec Les sources du salut, forment les trois traités compris sous le titre de Migdôl yešuot, II Sam., xxii, 51, (Dieu) signalant sa grandeur par des secours. Citons encore Lahaqaf nebi’im, I Sam., xix, 20, La réunion des prophètes, dissertation sur les prophéties de Moïse et des autres prophètes, et La couronne des anciens, Ἁtéret zeqênim, Prov., xvii, 6, commentaire philosophique sur le ש 20 du chapitre XXIII de l’Exode, sur le chapitre xxiv du même livre, et sur le ש 1 du chapitre III de Malachie.

Écrivain distingué, à l’intelligence élevée, au style facile, élégant et abondant, Abarbanel jouit d’une grande autorité près des Juifs, qui lui ont donné les noms de Sage, de Prince. Il s’attache avec bonheur à expliquer le sens littéral, et à montrer en particulier l’enchaînement des idées. Pour mieux interpréter le texte sacré, il a recours à l’histoire : par là, il ouvre une voie nouvelle à l’exégèse biblique. Deux mots caractérisent donc très bien son exégèse : elle était grammaticale et historique. Enfin, par ses savantes Introductions, il a rendu d’importants services à la critique sacrée. Cependant Richard Simon vante un peu trop Abarbanel, lorsqu’il le regarde comme c celui de tous les rabbins dont on peut le plus profiter pour l’intelligence des Livres Saints… », et lorsqu’il porte sur lui ce jugement : « Abarbanel n’a pas moins de netteté et d'éloquence en hébreu que Cicéron en a en latin. » Il reconnaît d’ailleurs qu’il est plus rhéteur qu’exégète, et que parfois il est trop subtil et trop prolixe. On trouve, en effet, dans ses commentaires, des dissertations longues et diffuses sur des questions théologiques qui vont plus ou moins au sujet. Souvent aussi il se répand en attaques violentes contre la religion chrétienne.

Bibliographie. — Les ouvrages d’Abarbanel, en tout on en partie, ont été très souvent publiés, dans le texte original ou dans une traduction latine. Le commentaire sur le Pentateuque a été imprimé à Venise, 1579, in-f°, et réimprimé dans la même ville, 1584, après des suppressions et corrections faites par ordre de l’Inquisition. L'édition de 1710, in-fol., Hanovre, donnée par H. J. Bashuysen, reproduit la première édition de Venise et est plus correcte. Le commentaire sur le Deutéronome avait été imprimé séparément à Sabionetta (Italie), in-fol., 1551. — Éditions particulières : Commentaire sur les premiers prophètes, Naples, 1593 ; et, plus correctement, in-fol., Leipzig, 1681 ;

Hambourg, 1687. Commentaire sur les derniers prophètes, Pesaro (Italie), 1520 ; Amsterdam, 1641, édition plus élégante que la première et augmentée de deux tables. Commentaire sur Daniel, Les sources du salut, in-4°, 1551, sans nom de heu ; Amsterdam, in-4o, 1647 ; selon Wolf, il y aurait eu une édition à Naples, in-4°, 1497. Le sacrifice de la Pâque, Constantinople, 1496 ; Venise, 1545 ; Crémone, 1557 ; Le héraut du salut, Salonique, in-4o, 1526 ; Amsterdam, 1644 ; traduit en latin par H. May, in-4o, Francfort, 1712 ; Les secours du Messie, manuscrit de la Bibliothèque nationale, imprimé en 1828 à Carlsruhe. La couronne des anciens, Sabionetta, in-4°, 1557 ; Amsterdam, 1739. — Voir Joh. Heinrich May, Dissertatio historico-philologica de origine, vita et scriptis I. Abrabanielis , Altdorf, 1708 ; in-4o, Francfort, 1712. Voir aussi Nicéron, Mémoires, t. xli ; Gràtz, Geschichte der Juden, t. viii, p. 334 ; t. ix, p. 6, 46 ; Jost, Geschichte des Judenthums, t. iii, p. 204.

ABARIM, chaîne de montagnes du pays de Moab. Ce nom est toujours accompagné de l’article en hébreu : har hâ'abarim, Num., xxvii, 12 ; Deut., xxxii, 49, harê hâ'abarîm, Num., xxxiii, 47, 48, « la montagne » ou « les montagnes des Abarim » ; τὸ ὄρος τὸ Ἀϐαρίμ,έν τᾦ πέραν τοῦ Ἰορδάνου. La racine 'éber, qui est la même que celle du mot hébreu, peut avoir une double signification : « la région au delà [de l’Euphrate], trans flumen, » ou « les passages » ; aussi la Vulgate, Deut., xxxii, 49, ajoute cette traduction étymologique : « c’est-à-dire, des passages ». Dans ce dernier cas, les montagnes en question seraient ainsi appelées parce qu’on descendait d’Hésébon à la vallée du Jourdain par les gorges qu’elles renferment.

D’après divers endroits de l’Écriture Sainte, nous savons que les monts Abarim se trouvaient « dans la terre de Moab », Deut., xxxii, 49, et avaient pour sommets principaux le Nébo, « en face de Jéricho, » ibid., le Phasga (Pisgâh) et le Phogor (Pe’or), d’où l’on pouvait facilement « contempler la terre promise aux enfants d’Israël ». Num., xxvii, 12. Aussi est-ce là que Dieu transporte Moïse avant sa mort, pour lui faire embrasser d’un coup d’œil le pays de Chanaan, vers lequel le grand législateur a conduit son peuple, mais qu’il ne pourra lui-même fouler de ses pieds. Deut., xxxiv, 1. C’est de là que Balaam vient considérer et bénir les tentes d’Israël, Num., xxiii, 14, 28, fixées au pied de ces montagnes. Num., xxi, 20 ; xxii, 1. C’est là aussi que Jérémie cache le tabernacle, l’arche d’alliance et l’autel des parfums. II Mac, ii, 4. Enfin le même prophète ajoute ce nom à ceux du Liban et de Basan au chap. xxii, 20 ; car il est plus conforme au contexte de lire avec l’hébreu mê'abarîm, « de l'Abarim, » que de traduire comme la Vulgate : « à ceux qui passent ».