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AUTEL


élevé en l’honneur de Jéhovah doit être d’une très grande simplicité, construit en terre, Exod., xx, 24, ou tout au plus avec des pierres brutes. Exod., xx, 25. Le nombre des autels n’était pas restreint par ce précepte primitif ; il semble même que les Hébreux reçurent la faculté d’en élever partout où ils voulaient honorer le nom de Jéhovah. Exod., xx, 24. L’hébreu poile littéralement : « partout où je ferai souvenir de mon nom, » c’est-à-dire partout où j’ordonnerai de célébrer mon culte, ce qui doit s’entendre de toutes les circonstances dans lesquelles, soit par un ordre formel, soit par une autorisation implicite résultant d’une manifestation surnaturelle ou d’un bienfait extraordinaire dont il était opportun de garder le souvenir, les Hébreux étaient amenés à ériger des autels en différents lieux distincts du tabernacle, comme sur le mont Hébal, Jos., viii, 30 ; cf. Deut., xxvii, 4-6 ; sur le rocher d’Ophra, Jud., vi, ii, 24-26 ; à Sichem, Jos., xxiv, 26, 27 ; à Masphath, I Reg., vii, 9 ; à Ramatha, I Reg., vir, 17 ; ii Aïalon, I Reg., xiv, 35. Tel était aussi le gigantesque autel élevé par les tribus transjordaniques, Gad, Ruben et la demi-tribu de Manassé, sur les bords du Jourdain, selon le type de celui qui était devant letabernacle. Jos., xxii, 9-34.

— 2° Quand le tabernacle eut été construit, pour prévenir l’îdolâtrie à laquelle les Hébreux étaient toujours enclins, et dont ils auraient pu mêler les observances à l’immolation des animaux qui leur servaient de nourriture, Dieu établit, Lev., xvii, 3-5, que tous les animaux qu’on tuerait, même uniquement pour s’en nourrir, lui seraient offerts devant la porte du tabernacle. Cette loi, d’une observation facile tant que les Hébreux voyagèrent dans le désert, fut abrogée par Moïse quarante ans plus tard, lors de l’entrée dans la Terre Promise. Deut., xii, 15. — 3° À cette époque furent renouvelées, et dans des termes presque identiques, les prescriptions données au Sinaï. Exod., xx, 24-25. Les sacrifices devront être offerts « dans le lieu que Jéhovah aura choisi dans une des tribus ». Deut., xii, 43-14. En attendant qu’il fût déterminé et que Jérusalem devint le seul lieu habituel des sacrifices, la législation du livre de l’alliance subsistait : il était toujours licite d’immoler à Jéhovah là où il avait ordonné « de foire mémoire de son nom », et les expressions de la nouvelle législation, Deut., xii, 13-14, sont telles, que tout en restreignant à un seul lieu l’érection des autels pour le culte ordinaire et officiel, elles n’excluent pas que dans des circonstances extraordinaires on ne put, même après la construction du temple, ériger accidentellement et transitoirement d’autres autels et y offrir des sacrifices. Le seul passage où le mot d’  « autel unique » soit écrit dans la Rible, II Par., xxxii, 12, ne peut être une raison suffisante de nier cette assertion, le sens étant seulement d’opposer V « autel unique » du culte officiel et ordinaire à Jérusalem avec les autels extralégaux élevés par les Juifs sur les hauteurs ; et d’ailleurs celui qui, dans ce passage, allègue cette unicité d’autel en Israël, étant un païen peu au courant des usages religieux des Juifs, il n’y a pas lieu de se baser sur son témoignage.

Il est certain qu’à Gabaon, où le tabernacle resta après la translation de l’arche à Jérusalem, on continua de pratiquer les cérémonies du culte, I Par., xvi, 39 ; xxi, 29 ; cf. III Reg., iii, 4, ce qui suppose l’érection d’un autel. Dans les derniers temps des rois, il y eut des tentatives de réformes entreprises par Asa et Josaphat, pour ramener le culte à sa pureté parfaite. Mais leur résultat n’alla pas jusqu’à l’abolition des autels élevés sur les hauteurs en l’honneur du vrai Dieu. III Reg., xv, 14 ; xxii, 44. Ils subsistèrent du moins jusqn’à Ezéchias et Josias, qui purent les faire disparaître en même temps que les hauts lieux idolâtriques. IV Reg., xviii, 4 ; xxiii, 4-24. En tout cas, ce ne fut que pour un temps, car l’usage reparut avec les successeurs de Josias. Ces autels extra-légaux, par leur existence transitoire et accidentelle, ne faisaient que mieux ressortir le caractère public, officiel et immuable, des deux autels institués par Jéhovah comme éléments

essentiels de l’organisation du culte : l’autel des holocaustes et celui des parfums. Voir Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. iii, p. 172-186 ; de Broglie, La loi de l’unité du sanctuaire en Israël, in-8°, Amiens, 1892.

A ces premières prescriptions sur la construction des autels se rattache la prohibition de disposer des degrés pour y monter, Exod., xx, 26, prohibition qui regardait non seulement l’autel de l’alliance construit au pied du Sinaï, Exod., xxiv, 4, mais aussi tous les autres, et pour la même raison. Les vêtements spéciaux imposés plus tard aux prêtres pour monter à l’autel, Exod., xxviii, 42-43, rendirent cette défense inutile, et elle tomba en désuétude. Il y a lieu de penser que dans le temple de Salomon, et ensuite dans celui d’Hérode, la rampe qui conduisait à l’autel était coupée par trois séries de degrés. Vigouroux, Les Livres Saints et la critique rationaliste^ ¥ édit., t. iii, p. 173.

III. L’autel des holocaustes. — Voir Exod., XXVII, 1-8 ; xxxviit, 1-7. En hébreu : mizbêah hà’ôlâh, Exod., xxx, 28 ; appelé aussi l’autel d’airain, mizbêab. hannehô’set, Exod., xxxix, 39, et quelquefois par excellence hammizbêal, i, « l’autel. » III Reg., ii, 28.

1° Autel des holocaustes du tabernacle. — Selon les règles tracées par Dieu à Moïse, Exod., xxvii, 1-8 ; xxxviii, 1-7, il était de forme quadrangulaire, en bois d’acacia, haut de trois coudées, long et large de cinq, et sur toutes ses faces garni d’un revêtement en airain. Aux quatre angles supérieurs, il se terminait par quatre proéminences ou cornes de même matière, également revêtues d’airain et faisant corps avec lui ; en hébreu : « sortant de lui, » c’est-à-dire ne faisant qu’un morceau avec lui. Exod., xxvii, 2. Le nom de « cornes », qarnôt, leur fut sans doute donné à cause de leur ressemblance avec les cornes des animaux. Quoiqu’on ne puisse dire exactement quelle était la forme de cet ornement, ni si ces cornes émergeaient des parois de l’autel verticalement ou horizontalement, leur nom donne à penser qu’elles s’élevaient verticalement, avec une légère déviation vers le dehors. Sur les autels païens qui nous ont été conservés, elles avaient différentes formes (voir fig. 369 et fig. 377). On versait sur elles le sang des victimes, comme pour signifier que le péché était expié. Lev., iv, 7. Jérémie, voulant signifier un péché d’une gravité inexpiable, dit qu’il est gravé sur les cornes de l’autel « n caractères ineffaçables. Jer., xvii, 1. Celui qui les tenait embrassées, fùt-il le plus criminel des hommes, était réputé inviolable, III Reg., i, 50 ; ii, 28, hormis le cas de meurtre volontaire. Exod., xxi, 14. Si les cornes de l’autel ou seulement l’une d’elles étaient brisées, l’autel perdait son caractère sacré. Am., m, 14.

L’autel des holocaustes était encadré à sa partie supérieure par une sorte de corniche ou bordure, karkôb, Exod., xxvii, 5, au-dessous de laquelle descendait, à mihauteur de l’autel, une sorte de grille ou treillis d’airain, mikbâr, que plusieurs exégètes placent à la partie inférieure, Fillion, Atlas archéol., 2e édit., pi. xcviii, fig. 6, tandis qu’ils entendent par le karkôb une sorte de gradin émergeant autour de l’autel, à mi-hauteur et au-dessus de la grille, gradin sur lequel les prêtres pouvaient aller et venir comme sur un chemin de ronde. Cette dernière interprétation peut difficilement s’harmoniser avec les dimensions de l’autel des holocaustes dans la période du tabernacle. Quatre anneaux d’airain fixés aux quatre coins permettaient d’introduire les bâtons destinés à porter l’autel des holocaustes, que personne ne pouvait toucher excepté les prêtres, Exod., xxix, 37 ; xxx, 29, et les criminels qui s’y réfugiaient. Il était placé dans la cour du tabernacle. Lev., iv, 18.

Les règles de construction semblent n’avoir pas été les mêmes pour l’autel de l’alliance, Exod., xx, 24 ; xxiv, 4, et celui des holocaustes ; car le premier devait être plein et massif, le second creux à l’intérieur. Exod., xxvii, 8 ;