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AUROCHS


téristique de cet animal était d’avoir une corne plus ou moins longue et droite au milieu du front. Ce fait est déjà assez anormal en zoologie ; mais, quoi qu’il en soit, il est à remarquer que les versions traduisent par « licorne » des passages où l’on suppose formellement deux cornes à l’animal. Deut., xxxiii, 17 ; Ps. xxi, 21. La licorne n’est donc pas le re’em. Voir Licorne. — 2° Saint Jérôme n’a pas adopté l’explication des Septante, excepté Is., xxxiv, 7, mais il a cru néanmoins que le re’em était un animal à une seule corne et il a traduit toujours, sauf dans le passage d’Isaïe, par rhinocéros. (La traduction des Psaumes dans la Vulgate n’est pas de lui.) Cet animal a, en effet, sur le haut du museau, une corne unique, trapue, formée par l’agglutination d’une grande quantité de poils. Mais les textes bibliques ne peuvent pas plus s’appliquer à cet animal à une seule corne qu’à la licorne elle-même, puisqu’ils parlent de plusieurs cornes, comme

3C6. — Urus ou Bos primigenius.

nous l’avons vu. Deut., xxxiii, 17 ; Ps. xxi, 22. De plus, le rhinocéros ne vit qu’en Afrique et aux Indes orientales, et comme il appartient à la race des pachydermes, on ne l’aurait pas plus admis dans les sacrifices que le cheval ou l’hippopotame. Voir Rhinocéros. — 3° Bochart, Rosenmûller, Winer, etc., pensent que l’animal en question est l’antilope oryx. Bochart, Hierozoicon, ii, 335, remarque que les Arabes appellent encore rim l’antilope Oryx leucoryx du nord de l’Afrique. Mais comme les documents assyriens établissent que le re’em était un bœuf sauvage, cette explication doit être aussi abandonnée. Voir Oryx. — 4° D’après Gesenius, Quatremère (Journal des savants, mai 1845, p. 269-273), Le Hir, Knabenbauer, etc., le re’ém serait le bubalus férus ou buffle. C’est une espèce de bœuf plus sauvage que le bœuf ordinaire, avec des cornes noires rabattues en arrière. Voir Buffle, pour les raisons alléguées pour et contre cette identification. — 5° Enfin un grand nombre croient aujourd’hui que le re’êm est l’aurochs, Vurus de Jules César, le bos primigenius des naturalistes (fig. 366). Cette opinion a été soutenue par Arnold Boot, au xviie siMe, Animad. sacr., iii, 8, Londres, 1644, et suivie depuis par W. Houghton, Dictionary of the Bible, t. iii, p. 1595 ; Trochon, Introduction générale, t. ii, p. 90 ; Fillion, Atlas d’histoire naturelle de la Bible, p. 94 ; Tristram, The natural history of the Bible, 1889, p. 146-150, etc.

II, Description de l’aurochs. — Ce mammifère, dont le nom en allemand ( Auer - Ochs) signifie « bœuf de plaine », forme avec le bison d’Amérique le groupe des « bonases » parmi les « bovidés ». C’est, après l’éléphant et le rhinocéros, le plus gros des mammifères quadrupèdes. Il atteint jusqu’à deux mètres de hauteur et trois

mètres trente-trois centimètres de longueur. Il se distingue du bœuf domestique par son front bombé, plus large que haut, par une paire de côtes de plus, par son pelage composé de poils laineux recouvrant les parties inférieures, et de poils longs et grossiers sur le dos et la partie antérieure du corps^ et par la position de ses cornes, qui sont attachées latéralement, au-dessous de la crête occipitale, et non au sommet du front. Il aies jambes, la queue et les cornes plus longues, mais le poil plus court que le bison ou bœuf sauvage de l’Amérique septentrionale. L’aurochs est aujourd’hui confiné dans les grandes forêts de la Lithuanie, des Karpathes et du Caucase. Il habitait autrefois sous tous les climats tempérés. Il est probablement le même que Y urus, bos priscus ou bos primigenius (fig. 366) de l’époque quaternaire, bien qu’on ne puisse en aucune façon voir en lui la souche de l’espèce bovine actuelle, comme plusieurs naturalistes l’avaient avancé. À l’époque de César, les urus se rencontraient dans la forêt Hercynienne. Voici ce qu’en rapporte le célèbre écrivain : « Ils ne le cèdent guère en taille aux éléphants. Ils ont l’aspect, la couleur et la forme du taureau. Ils sont très forts et très agiles, et quand ils aperçoivent quelque homme ou quelque animal, ils fondent sur lui. Il faut se donner beaucoup de peine pour les capturer dans des fosses et pour les tuer… Quant à s’accoutumer aux hommes et à s’apprivoiser, ils en sont incapables, sauf quand-ils sont très jeunes. Par la grandeur, les formes et l’aspect, leurs cornes diffèrent beaucoup des cornes de nos bœufs. » Bell, gall., vi, 28.

III. Le « re’êm » et le « rîmu » assyrien. — Dans les inscriptions assyriennes, il est souvent question du rimu, dont le nom est écrit en assyrien par des signes idéographiques qui signifient « bœuf de montagne » (voir Bœuf sauvage), et est identique à l’hébreu re’êm. Sennachérib est comparé à un rimu vigoureux, et les énormes taureaux qui ornent le vestibule des palais assyriens sont appelés des rimâni. Voir Delattre, L’Asie occidentale et les inscriptions assyriennes, dans la Revue des questions scientifiques, octobre 1884, p. 517. L’identité du rimu assyrien et du bœuf sauvage ne fait doute pour personne, et M. Fried. Delitzsch, après avoir cru que l’animal en question était le bubale, a reconnu ensuite que Fr. Hommel avait parfaitement démontré l’identité du rîmu et du bœuf sauvage ou aurochs. Voir W. Lotz, Die Inschriften Tiglathpileser’s, mit Beigaben von Frd. Delitzsch, in-8°, Leipzig, 1880, p. 159. La chasse du rîmu était en grande faveur chez les anciens rois d’Assyrie. Téglathphalasar, antérieur d’un siècle environ à David, relate ainsi un de ses exploits- : « Avec le secours de Ninib, mon protecteur, j’ai tué quatre rimâni, puissants, énormes, dans le désert, au pays de Mitani, et dans le territoire d’Araziki, en face du pays de Khatti, » sur la rive droite de l’Euphrate. Prisme de Téglathphalasar I er, vi, 58. Ce même roi chassa aussi le rîmu au pied du Liban. Broken Obelisk, 5. Comme "il ne raconte en détail que les chasses du rîmu, de l’éléphant et du lion, et ne fait qu’une mention générale des autres animaux, il en faut conclure que l’aurochs n’était pas moins redoutable au chasseur que l’éléphant et le lion. M. Maspero, dans ses Lectures historiques, p. 274, décrit en détail l’une de ces chasses. On poursuivait les aurochs sur le char de guerre ou à cheval. Au cours de la chasse (fig. 367), « le roi s’attache au plus gros, qu’il est presque certain d’avoir blessé au défaut de l’épaule, le gagne peu à peu de vitesse, range adroitement son char à côté de lui, sans ralentir l’allure, et, posant son arc, dégaine l’un des poignards qu’il porte à la ceinture. D’une main il saisit à la volée une des cornes de l’animal, de l’autre il lui enfonce son arme dans la nuque : la lame courte et large divise la moelle épinière à la jonction du cou et de l’épaule, le taureau s’affaisse sur lui-même, en bloc, comme foudroyé. » Au retour, on faisait hommage à la déesse Istar de l’aurochs que le roi avait tué (fig. 368), et l’on gardait dans le trésor, après les avoir préparées avec soin »