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ÀSTARTH&

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gieuse de la Bible, qui ne nous parle d’Astarthé que pour nous dire en quelles circonstances les Hébreux se laissèrent entraîner à son culte, interdit comme celui de toutes les divinités étrangères. (Nous mettons entre crochets les passages où la déesse est appelée Aschéra, car la Bible désigne aussi sous ce nom tantôt la déesse ellemême et tantôt sa représentation symbolique. Voir Aschéra.) — À peine établis au milieu des populations chananéennes, après la conquête, les Hébreux se mêlèrent aux cultes locaux de Baal et d’Astarthé. Jud., ii, 13 ; [ni, 10] x, 6 ; cf. I Reg., xii, 10. Le prophète Samuel parvint à les en détourner. I Reg, vii, 3, 4. Dans les dernières années de Salomon, parmi les divinités qui eurent des sanctuaires royaux, figure « Astarthé, dieu [déesse] des Sidoniens ». III Reg., xi, 5, 33. Ce ne fut que sous le troisième successeur de Salomon, Asa, que ces cultes impurs furent déracinés à Jérusalem, III Reg., xv, 12, et en particulier celui d' Aschéra, ꝟ. 13. Chassé du royaume de Juda, il s’introduisait quelque temps après dans celui d’Israël, à la suite de l’alliance de la maison d’Amri avec celle' des rois de Sidon. Jézabel, mariée à Achab, ramena avec elle dans le royaume d’Israël le culte de Baal et celui d’Astarthé. [III Reg., xvi, 31-33 ; xviii, 19.] Avec Athalie, la fille de Jézabel, ces cultes pénétrèrent aussi en Juda. [IV Reg., xi, 18 ; cf. II Par., xxiv, 7, 18.] Dieu suscita les prophètes Elie et Elisée contre l’invasion de ces divinités en Israël, et aussi la réaction violente de Jéhu. Sous Achaz et surtout sous Manassé, l’emblème de la déesse reparut à Jérusalem. [IV Reg., xviii, 4 ; xxi, 7 ; xxm, 4 ] Malgré les réformes successives d'Ézéchias et de Josias, elle eut encore des dévots, que les derniers malheurs du royaume de Juda ne parvinrent pas à corriger ; car c’est elle sans doute que s’obstinaient à adorer comme « la reine du ciel » ces égarés dont nous parle Jérémie, xliv, 17, 18, 19, 25 ; cf. vii, 18. — Nous n’avons guère, dans tous ces passages, que le nom de la déesse, et, en passant, quelques données incomplètes sur l’extension de son culte, sur ses attributs, sur la nature même de ce culte, données qu’il importe d'éclairer par des renseignements puisés aux monuments profanes.

I. Extension de son culte. — La Bible la donne en particulier comme « la divinité des Sidoniens ». III Reg., xi ] 5, 33 ; IV Reg., xxiii, 13. On a retrouvé en Phénicie de nombreuses représentations de la déesse. Une figurine conservée maintenant au Louvre nous la représente debout, vêtue d’une longue tunique et tenant une colombe de la main gauche (fig. 328). Nous connaissions aussi, par les auteurs grecs et romains, les attaches phéniciennes d’Astarthé. Les inscriptions phéniciennes nous ont surtout montré l’importance de son culte à Sidon ; elles nous parlent du temple de la déesse, contenant des ex-voto. Les médailles la représentent comme la divinité tutélaire. Dans les noms propres phéniciens, le nom d’Astarthé entre souvent en composition : Abdastart, Bodostart, Ger(?)astart, Astaryathan, pour les hommes ; Amastart, pour les femmes. Corpus inscript, semitic, t. i, p. 13, 21, 264, 269, 340, 341, etc. Les rois de Sidon placent même le titre de prêtre

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328. — Astarthé.

Terre cuite phénicienne.

Musée du Louvre.

d’Astarthé avant celui ae roi, comme le montre l’inscription d’un sarcophage royal trouvé à Saïda ; elle commence ainsi : « C’est moi, Tabnit, prêtre d’Astarthé, roi des Sidoniens, fils d’Eschmunazar, prêtre d’Astarthé, roi des Sidoniens, qui suis couché dans cette arche. » Acad. des inscript, et belles-lettres, 1887, 4e série, t. xv, p. 183, 340. Après la mort de Tabnit, le sacerdoce d’Astarthé passa à sa veuve Amastart, appelée « prêtresse (kohenef) d’Astarthé » sur le sarcophage d’Eschmunazar II, conservé au Louvre. Corp. inscript., 1. 1, n. 3°, 1. 14-15. Bien avant Tabnit, le père de Jézabel devait aussi réunir en sa personne les dignités sacerdotale et royale ; d’après ni Reg., xvi, 31, Ethbaal

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329. — Arche d’Astarthé.

IULIA PATTLA AUG. Tête de Julia Paula. — ^. COL AVR PI À MBTB SID. Emblème d’Astarthé, placé sur un char surmonté d’un dais à quatre colonnettes.

est roi des Sidoniens, et, d’après Josèphe, prêtre d’Astarthé. Des médailles frappées à Sidon, à l'époque romaine, représentent tantôt le char ou l’arche roulante d’Astarthé (fig. 329), tantôt le vaisseau qui porte la déesse (fig. 330). Les Phéniciens répandirent le nom et le culte d’Astarthé dans leurs colonies, et on le retrouve sur leurs inscriptions

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330. — Astarthé maritime de Sidou.

SIA. Tête de femme tourelée. — fy SIAÛNIÛN. Astarthé debout sur une galère tenant de la main droite le gouvernail et de la gauche la stylis cruciforme.,

à Citium et Idalium, en Chypre ; à Malte, en Sicile, à Car-^ thage, en Sardaigne. À l'époque gréco-romaine, beaucoup de ces sanctuaires prirent le nom d’Aphrodite -Vénus ; mais son origine et son vrai nom n'échappaient pas aux gens instruits. Cf. Cicéron, De nat. deor., iii, 23 : « La quatrième (Vénus) est la Syrienne, conçue à Tyr ; elle est appelée Astarthé, et l’on dit qu’elle épousa Adonis. » Dans la région syro-palestinienne, on trouve partout des traces de son culte : à Hiérapolis dans la Syrie du nord, à Héliopolis dans la Syrie centrale, des temples lui sont consacrés. Chez les Philistins, il y avait un temple d’Asr tarthé, où furent déposées les armes de Saûl. I Reg., xxxi, 10. À l’est du Jourdain, une ville, célèbre dès le temps d’Abraham, Gen., xiv, 5, porte le nom de la déesse, Astaroth-Carnaïm ; ailleurs, dans le Hauran, près de Qanaouât (autrefois Canath, I Par., ii, 23), on a trouvé parmi les ruines d’un temple une figure colossale d’Astarthé, exécutée en haut relief. Il ne reste qu’une partie du visage de la déesse. J. L. Porter, Randbook for Syriaand Palestine, 1875, p. 480. Id., Five years in Damascus, 1856, t. ii, p. 106 ; S. Merril, East of the Jordan, 1881, p. 40-42. Un autre bas-relief, mieux conservé, trouvé au même lieu, nous représente la déesse sur le côté d’un autel. Des rayons sont au-dessus de sa tête. À gauche, on