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ASTAROTH


(neuf kilomètres) d’Adraa (Édrei, aujourd’hui Der'ât) ; la dernière, par une erreur assez singulière, y est placée dans les environs de la mer Morte, in supercilio Sodomorum. Cependant le même article mentionne deux villages du même nom d’Astaroth, en Batanée, situés à neuf milles l’un de l’autre, entre Adara et Abila. Ailleurs le même livre nous apprend que Carnaïm-Astaroth était alors (IVe siècle) « un grand village », appelé Carnæa, là, ajoutent-ils, d’après la tradition, on montre la maison de Job. Et c’est pour vénérer le tombeau de ce saint pahiarche que sainte Sylvie, vers 387, fit le pèlerinage de Carneas. (Peregrinatio, édit. Gamurrini, p. 56 et suiv.) Malheureusement le seul manuscrit que nous ayons de cet intéressant « Pèlerinage » présente ici une regrettable lacune.

Le Talmud babylonien (Soukka, 2 a ; voir Neubauer, Géographie du Talmud, p. 246) met Astaroth-Carnaïm entre deux hautes montagnes qui y répandaient beaucoup d’ombre : interprétation fantastique du mot Qarnaïm = « deux cornes » (voir Buxtorf, Leodcon, au mot 'Astarôf). Dans un autre traité talmudique (Pesikta rabbatha, ch. xvii, dans Neubauer, Géographie, p. 258, 276), un Kefar-Qarnaïm est mis en relation avec l’histoire de Job. — Ajoutons que d’après Trochon (Introd., t. ii, p. 273), les célèbres listes géographiques de Thothmès III mentionnent une ville d’Astartu.

Des savants éminents, récemment encore R. von Riess, Bibelvtlas, 2e édit., p. 3, ont pensé que tous ces renseignements n’ont trait qu'à une seule ville, qu’ils placent soit à Tell el - As’arï, soit à Tell 'Astarâ : deux anciennes ruines dans le Hauran occidental, à peu de distance à l’ouest du « chemin des Pèlerins » (de la Mecque), entre Naouâ au nord et El-Mozeirïb au sud. (Pour les noms nous suivons l’orthographe de Schumacher, qui d’ordinaire est très exact ; notons néanmoins que sur les lieux j’ai entendu prononcer El-'Asâri pour El-As’arl. Cependant la dernière forme est aussi donnée par Wetzstein.)

Le Tell el-AS’ari est une colline artificielle qui s'élève à 25 ou 30 mètres sur la plaine environnante, et à 470 mètres au-dessus du niveau de la mer. Sur le sommet, on remarque une dépression de terrain qui court du centre à l’extrémité méridionale, — et c’est dans les deux pointes ainsi formées des deux côtés que Schumacher a voulu voir les deux cornes qui auraient donné à Astarolh le surnom de Carnaïm, « Astaroth aux deux cornes. » — La colline est occupée par un petit village de nègres : en 1885, Schumacher y comptait une cinquantaine de huttes ; mais, en 1890, on ne me parlait plus que de vingt familles. C’est le seul village de Syrie où les habitants m’aient dit qu’ils n’avaient pas de bétail. D’après leur témoignage, cet endroit n’est habité que depuis dix ans. Les gens y sont venus de Seih Sa’d. (Voir ci-dessous.)

Les ruines anciennes, dispersées sur le reste du plateau, ne sont que des pierres informes de nature basaltique. On y découvre néanmoins les restes d’un mur qui semble avoir entouré le sommet, à l’exception peut-être du côté ouest et nord-ouest, où il était protégé naturellement par le profond Ouadi el-Ehreir, aux flancs presque perpendiculaires. M. Schumacher a trouvé les traces d’un second et même d’un troisième mur de défense au pied méridional de la colline ; et de nombreux vestiges d’anciennes habitations, dispersées de ce côté dans la plaine, le font incliner à chercher là l’ancienne ville, dont le tell n’aurait été que l’acropole. Maintenant ce terrain est couvert de petits jardins et de vignes, où les anciens débris finiront bientôt par disparaître. J’y ai cherché en vain une pierre basaltique avee une inscription arabe, mentionnée par le même explorateur.

Plus loin, vers le midi, se trouve le Bahret el-AS’art, espèce de petit lac ou plutôt de marais, d’où sort un ruisseau qui ne tarit jamais, et qui, après avoir fait tourner

un moulin, tombe par jolies cascades dans l’ouadi, où il continue à couler et où il est grossi, à quelque distance du marais (toujours vers le midi), par une source, le 'Aïn el-Modjâ'ibé : ces eaux s arrosant un sol admirablement fertile, expliquent à merveille pourquoi l’homme s’est établi très anciennement dans ce heu. À l’est de la colline et à très peu de distance, on remarque un monceau considérable de pierres, restes informes d’un édifice dont la tradition du pays fait des thermes et un mausolée ; la crédulité populaire croit même que les trésors des califes ommyades y sont enfouis.

En partant d’ici vers le nord-est, pour traverser l’Ouadi el-Ehreir sur le djisr (pont) du même nom, on suit jusqu'à la Route des Pèlerins le tracé d’une belle voie romaine. Pour arriver à Tell 'Astarâ, il faut| de nouveau quitter le grand chemin, car le tell se trouve directement au nord du précédent, à une distance d’environ sept kilomètres. Il doit avoir à peu près la même hauteur et la même étendue. Sa plus grande dimension est du nord au sud. Ici une dépression bien marquée court dans la même direction, sur toute la longueur du plateau. Les ruines aussi ont le même aspect général, mais les pierres, dont on a bâti quelques enclos pour le bétail, m’ont semblé plus anciennes : c’est peut-être parce que les pierres taillées y étaient plus rares. On remarque des arasements de murs si larges, qu’on pourrait les prendre pour des ruelles. À l’extrémité méridionale du plateau se voient des restes qui paraissent être ceux d’une porte. En bas on aperçoit de ce côté des traces de fortifications, nommément d’une sorte de tour, bâtie de blocs basaltiques qu’on pourrait appeler cyclopéens. Il est vrai qu’au pied de cette colline les débris anciens ne couvrent qu’un espace bien restreint, en comparaison de ce que nous avons vu à Tell el-AS’arl.

Ici encore le tell est presque entièrement entouré d’eau. A l’est, c’est un ruisseau large, mais peu profond et peu rapide, sortant d’une petite source située au nord du tell, le "Aïn 'Aëtarà ou 'Aïn Abou - '1 - Hammam (source du père du bain). À l’ouest, la colline est longée par le Moyet en-Nebi Éyoub (eau du prophète Job), dont nous trouverons la source à Seih Sa’d.

Car on s’approche ici du pays traditionnel de Job. En se dirigeant vers le nord-nord-est, on franchit après vingt minutes un petit cours d’eau ; cinq minutes après, on trouve une petite source, et après vingt autres minutes, on arrive à la partie méridionale du ëeilj Sa’d, le Merkez (centre) ou siège du Motasarrif (gouverneur) du Hauran (fig. 327). C’est un groupe d'édifices modernes, bâtis en belles pierres taillées, autour d’une place carrée d’environ cent mètres de côté : le serâya (hôtel du gouvernement) au sud, le bureau télégraphique à l’est » une caserne au nord, et la résidence privée du Motasarrif à l’ouest. Plus loin, vers l’est, on voit les maisons des divers employés et un petit bazar.

C’est ici que se trouvait le célèbre « couvent de Job », peut-être le plus ancien couvent du monde, bâti, selon des auteurs arabes, par le roi jefnide 'Amr I", probablement vers le milieu du IIIe.siècle après J.-C. Wetzstein, en 1860, en trouva encore des restes considérables, qui ont dû faire place au Merkez. Il n’y reste maintenant que deux pièces anciennes : l’une est dans l’angle nord-ouest et fait partie de la caserne ; l’intérieur, tout badigeonné en blanc, n’a rien de remarquable ; à l’extérieur, sur le linteau de la porte, une croix avec À et Û en atteste encore l’origine chrétienne. L’autre pièce ancienne se trouve à l’ouest de la place carrée, et porte le nom de Maqâm Éyoub, « Place de Job ; » c’est là que les musulmans viennent vénérer les tombeaux du saint patriarche et de sa femme. Malheureusement ces tombeaux sont de date très récente. On montrait encore à Wetzstein le tombeau de Job là où nous allons trouver celui de Seih Sa’d, c’est-à-dire à un. bon kilomètre plus loin vers-le nord.