Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/664

Cette page n’a pas encore été corrigée

un

    1. ASSYRIENNE##

ASSYRIENNE (LANGUE)

1172

deux consonnes : bat, mit, tum). Soit, par exemple, le signe formé de plusieurs traits entre-croisés, représentant une étoile, p > ^[<f — À ce si ë ne correspondent les

valeurs idéographiques : kakkabu, « étoile ; » ëamu, Samie, « ciel ; » Anu, « le dieu suprême ; » ilii, « dieu ; » et la valeur syllabique simple an (dérivée visiblement de Anu). Autre exemple : soit le signe figurant un triangle, une surface

limitée et terminée par un sommet, ^V4. À ce signe correspondent les valeurs idéographiques : matu, « pays ; » kuru, kurtu, « région ; » Sadu, « montagne ; » kasadu, « posséder, conquérir ; » ktëittu, « propriété ; » napahu, « s'élever ; » niphu, « lever » (en parlant du soleil), et les valeurs syllabiques complexes mat, kur, Sat (abrégées de matu, kuru, kurtu, sadu), lat, mit (dont l’origine est inconnue). Qu’on ajoute à cette polyphonie la polymorphie, — car chaque signe a subi, au cours des temps, de nombreuses modifications, qui souvent, d’une inscription à l’autre, le rendent méconnaissable, — et l’on aura une idée des difficultés de la lecture et du déchiffrement de l’assyrien.

IV. Caractères. Affinités et différences Avec les autres langues SÉMITIQUES. — La langue assyrobabylonienne offre les principaux traits caractéristiques des langues sémitiques : trilittéralité des racines, riche gradation des lettres gutturales, rôle prépondérant des consonnes dans la constitution des mots, nuances de sens amenées par le déplacement des voyelles, pauvreté des temps du verbe, dualité des genres, addition de préfixes et suffixes, absence de composés, simplicité de la syntaxe.

Outre ces caractères, communs à tous les idiomes sémitiques, elle présente certaines particularités remarquables, qui constituent son originalité et lui font une place à part dans ce groupe de langues. Nous noterons seulement les principales : 1° Chute des lettres emphatiques, ', ii, ii, '. Exemples : hébreu, 'âh ; assyrien, al}U, « frère ; » héb., hâlak ; ass., alaku, « aller ; » héb., râhôq ; ass., rûqu, « lointain ; » héb., 'ârab ; ass., erebu, « entrer. » — 2° Suppression des diphtongues. Ex. : héb., bait ; ass., bitu, « maison. » — 3° Changement de S en l devant les dentales d, f, t, et en s après ces mêmes lettres. Ex. : altur ( pour asfur), « j'écrivis ; » lubultu ( pour lubuStu), « vêtement ; » belutsu (pour belutsu), « sa seigneurie. » — 4° Dans les noms, substantifs ou adjectifs, la terminaison en u souvent complétée par l’addition de la lettre finale m ou mimmalion ( la mimmation se retrouve en sabéeri dans les noms propres, et devient en arabe la nunnalion) : Sarru, « roi ; » sarrum-ma, « le roi aussi ; » les cas obliques marqués par les désinences i au génitif et a à l’accusatif (on les rencontre aussi en arabe) : sarri, « du roi ; » Sarra, « le roi ; » l'état construit (il n’existe que dans les langues sémitiques du nord, hébreu et araméen) : sar (mat) Assur, « roi d’Assyrie ; » la terminaison du pluriel en âni ou ê : ilàni, o les dieux ; » samie, « les cieux. » — 5° Dans le pronom personnel, la forme anaku, pour la première personne (elle s’est conservée dans l’hébreu 'dnokî et est tombée dans les autres langues sémitiques), et, pour la troisième personne, les formes Su, Si, au lieu de hû', M' (elles ont persisté dans le dialecte minéen). — 6° Dans le verbe, le prétérit caractérisé par des préformantes, iskun, taSkun, etc. (à la différence des autres langues sémitiques, où le prétérit est caractérisé par des adformantes ; hébreu : qâpal, qâflâh, etc.) ; le temps du permansif (il ne se retrouve pas ailleurs) sakin, saknat, etc. ; le schaphel, conjugaison de sens causatif, usâskin, tusâskin, etc. ; les formes verbales dérivées obtenues par l’insertion des deux consonnes t et ii, eomme Viphtanaal, Vuphtanaal, etc. — 7° La formation ordinaire des adverbes par l’accession de la finale is : rab-is, « grandement ; » agg-is, « fortement, s — 8° Le remplacement des prépositions sémi tiques ordinaires be, le, par les prépositions originales : ina, « dans ; » ana, « vers. »

V. Développement littéraire. — La littérature assyrienne avait produit des œuvres importantes et nombreuses, si l’on en juge par les fragments considérables que nous ont révélés, en moins d’un demi-siècle, de Botta à M. de Sarzec, les fouilles opérées à Ninive, à Babylone et dans la basse. Chaldée. Les inscriptions qui nous ont été conservées sur ces fragments, bas-reliefs, prismes ou cylindres, tablettes, sont de nature fort diverse. Elles comprennent : 1° des documents historiques qui ont permis de reconstituer, sauf les lacunes, les annales des rois de Babylone et d’Assyrie, depuis Sargon d’Agadé et Naram-Sin (vers 3800 avant J.-C.) jusqu'à Nabonide (538 avant J.-C) ; — 2° des contrats d’intérêt privé qui nous renseignent exactement sur les institutions, mœurs et coutumes ; — 3° des grammaires et lexiques, des recueils de littérature, mythologie, magie, statistique et droit civil, des traités de sciences naturelles et mathématiques, des livres d’astronomie et d’astrologie, enfin des pièces d’archives (tout cela constituant le fond même de la bibliothèque d’Assurbanipal) ; — 4° toute une littérature épistolaire inscrite sur de nombreuses tablettes, dont les plus importantes, découvertes à Tell el-Amama, en 1887, contiennent la correspondance des rois et satrapes orientaux avec Aménophis III et Aménophis IV.

Ces documents ont été dispersés, au hasard des découvertes et des acquisitions, dans les divers musées d’Europe. Dans ce partage des antiquités assyro-babyloniennes, un lot important est échu au musée du Louvre ; mais au British Muséum est dévolue sans contredit la meilleure part. C’est là que se trouvent réunis les débris de la fameuse bibliothèque d’Assurbanipal, qui à eux seuls forment une masse de plus de cent mètres cubes, et dont le contenu représente environ cinq cents volumes de cinq cents pages in-quarto.

VI. Utilité de la langue assyro-babylonienne pour les études bibliques. — Elle est d’un précieux secours pour l’interprétation littérale et critique de la Bible. Voici quelques exemples :

1° Pour l’interprétation littérale. — 1° Dans le récit du déluge, la plupart des interprètes ont donné au terme sohar, Gen., vi, 16, le sens de « fenêtre », et y ont vu un synonyme de halôn. Gen., viii, 6. Quelques-uns cependant, s’appuyant sur l’arabe zahr, lui attribuaient la signification de « dos, toit », et le rapprochaient de miksêh. Gen., viii, 13. L’assyro-babylonien siru, « dos, plaine, » est venu confirmer cette dernière interprétation, qui d’ailleurs s’accorde parfaitement avec le contexte. — 2° Avant le déchiffrement des textes assyro-babyloniens, on n’avait pas bien compris le mot 'orên, qui se trouve une seule fois dans Isaïe, xliv, 14. Les Septante avaient traduit iutuç, et la Vulgate pinus. On savait donc seulement que ce mot désignait « une sorte de pin ». Or rien de plus fréquent, en assyro - babylonien, que le terme erinu, avec le sens de « cèdre ». Orèn doit être entendu de même. C’est un synonyme de 'êrêz, qui, en hébreu, est le terme ordinaire pour exprimer l’idée de « cèdre ». — 3° Le passage suivant, I Esdr., iv, 13 : Mindàh belô vahâlâk la' întenûn ve’aptôm malkîm (ehanziq, avait été jusqu’ici mal rendu par les interprètes. Dans ce seul membre de phrase, ils n’avaient pas pu rendre compte de la vraie signification des mots mindah, belô et ve’aptôm. Ils attribuaient à mindàh le sens de « mesure », en rattachant ce mot à la racine mâdad, « mesurer. » En nous fondant sur les formes assyro-babyloniennes correspondantes madatu, mandatu (pour mandantu), _s& rattachant à la racine nadânu, « donner, » nous arrivons pour mindàh au sens de « contributions ». Quant au terme belô, on le dérivait de bâlàh, « vieillir, périr, consumer ; » puis, en rapprochant d’une manière forcée les mots « consumer, consommer, » en faisant un véritable calembour, on lui découvrait la signification de « redevances en nature ». Or belô désigne tout