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ASSYRIE


la superficie de la Grande-Bretagne, répartie, à largeur variable, sur environ 330 kilomètres de longueur. (Voir la carte, fig. 313).

Cette contrée est arrosée et presque entourée par le Tigre et l’Euphrate ; le nom grec de Mésopotamie, « au milieu des fleuves » et le nom arabe de Djéziréh, « île, » font allusion à cette situation. En allant du nord au sud, l’Euphrate reçoit sur sa rive gauche le Bélikh, puis le Chabourou Chaboras ; son cours inférieur ne reçoit guère d’affluents, la contrée qu’il traverse est tour à tour déserte et marécageuse. Le Tigre, au contraire, reçoit sur sa rive gauche de nombreux et puissants tributaires : le Chabour au nord de l’Assyrie, qu’il ne faut pas confondre avec l’affluent de l’Euphrate du même nom ; le Chauser, qui baigne les ruines de Ninive ; le Zab grand ou supérieur (anciennement Zabu élu ou Aûxoç), le Zab petit ou inférieur (Zabu supalu ou Kâirpo ?), l’Adhem (Radânu ou 1°û<txoç) ; les affluents méridionaux, le Schirvan, le Tornadotus, le Kerkhan et le Karoun n’appartiennent pas à l’Assyrie, non plus que les nombreux canaux, comblés presque entièrement aujourd’hui, qui unissaient autrefois le Tigre et l’Euphrate dans leur bassin inférieur.

La partie nord-est de l’Assyrie est couverte de chaînes de montagnes dont la direction générale est parallèle au Zagros, devant lequel elles semblent former une sorte de gradin, les premières assises n’ayant que quelques centaines de mètres, les dernières atteignant jusqu'à 2600 mètres, dominées elles-mêmes par les sommets du Zagros, qui atteignent jusqu'à 4300 mètres, la région des neiges éternelles. Quant à la portion sud-ouest, elle ne présente que de légères ondulations ; il faut cependant mentionner sur la rive droite du Tigre la rangée de collines nommée Singar, à la hauteur de Mossoul. Enfin on trouve souvent des collines ou tells artificiels, qui ne sont que d’anciennes cités en ruines.

Le climat des diverses parties de l’Assyrie ne peut naturellement pas être le même. Dans l’est, l'été est tempéré par la brise descendant des montagnes ; mais bien que la chaleur y soit moins étouffante que sur la rive occidentale du Tigre, elle est cependant encore assez forte pour être nuisible aux Européens. La pluie tombe très largement durant l’hiver et le printemps, le reste du temps une rosée abondante entretient un peu de fraîcheur dans l’atmosphère et de végétation dans la plaine. Plusieurs des fleuves d’Assyrie ont aussi leur période de débordement pendant la fonte des neiges, d’avril à juillet, aux endroits où leurs rives ne sont pas trop élevées. Au nord, l’hiver est assez rigoureux, à cause de l’altitude du pays et du voisinage de l’Arménie, avec ses neiges éternelles et ses six mois de froid. Mais la chaleur de l'été y est assez intense : à Orfa et à Haran, le thermomètre atteint souvent 48° centigrade. Au sud, le. climat se rapproche beaucoup de celui de la Babylonie, les chaleurs y sont véritablement étouffantes. Autrefois une canalisation savante et une luxuriante végétation procuraient sans doute à l’Assyrie un peu plus de fraîcheur. Le palmier, l’olivier, le citronnier, la vigne et quelques arbustes ou plantes aromatiques, les céréales surtout, avaient rendu célèbre la fertilité de l’Assyrie. On y rencontre aussi le myrte, le laurier rose, le sycomore, le platane, le chêne, le peuplier, le sumac et le noyer ; parmi les arbres fruitiers, l’oranger, le grenadier, Fabricotier, le figuier, le pistachier et le mûrier ; enfin on y a introduit le tabac, le riz, le coton, Je maïs. La faune du pays est également riche : les monuments semblent indiquer qu’on y trouvait le lion, le tigre, le léopard, l’hyène, l’ours, la gazelle, le chacal, le porcépic, l'âne sauvage, le buffle, l’autruche, etc. Actuellement plusieurs espèces ont disparu de la contrée, notamment le buffle et l’autruche. Enfin le sol ou les rochers du Masius et du Zagros offraient aux architectes assyriens l’argile, le calcaire, les grès, le basalte, l’albâtre et plusieurs sortes de marbre ; ils recelaient aussi le fer, le cuivre, le plomb,

l’antimoine, l’argent, le soufre, l’alun, le bitume, le naphte et le sel.

Les villes les plus célèbres étaient Assur, entre les deux Zab, maintenant Kaléh-Sergat ; Halah, aujourd’hui Nimroud, au confluent du Zab supérieur ; enfin, à la jonction du Chauser et du Tigre, Ninive, dont les ruines, situées en face de la Mossoul actuelle, forment les tells de Koyundjick et de Nebi -Younous : ces trois villes furent tour à tour les capitales de l’Assyrie. Mentionnons encore DourSargani, actuellement Khorsabad, résidence du roi Sargon, à quatre lieues environ au nord de Ninive ; Arbèles ou Arbil, à soixante kilomètres est de Nimroud ; Singar, au pied de la chaîne de montagnes du même nom, à l’ouest du Tigre ; Nisibe, près du Chabour, résidence de Tigrane et citadelle des Romains contre les Parthes ; Haran, près du Belikh, l’ancienne Charræ où séjourna Abraham, Gen., XI, 31, et Orfa, l’antique Édesse. Voir El. Reclus, Géographie universelle, t. IX, p. 377-461 ; Frd. Delitzsch, Wo lag dos Parodies, p. 182-192, 252-262 ; G. Rawlinson, The five great monarchies, t. i, p. 181-236 ; LenormantBabelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. iv, p. 120 ; Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 1-14 ; Layard, Nineveh and Babylon, passim ; Nineveh and its remains, t. i, passim ; M. von Niebuhr, Geschichte Assurés und Babel’s, p. 378-428, etc.

II. Ethnographie. — L'Écriture nous apprend que les Assyriens étaient Sémites : la table ethnographique, Gen., x, 22, les mentionne, sous le nom hébraïque d"A§sur, parmi les descendants de Sem. Le ꝟ. Il du même chapitre signifie de plus, au dire d’un bon nombre de commentateurs anciens et modernes, non pa% que Nemrod partit en Assyrie pour y fonder Ninive, Résen et Chalé ; mais que les Assyriens étaient une colonie originaire du Sennaar, où vivaient côte à côte des races différentes, issues de Sem et de Cham. D’après l’interprétation contraire, ce verset indiquerait au moins une action très marquée de Nemrod et de la civilisation babylonienne sur les origines du royaume assyrien.

Ces deux assertions, maintenant pleinement justifiées par les découvertes assyriologiques, ont été assez généralement contredites jusqu’au milieu de ce siècle. D’après M. Renan, dans son Histoire des langues sémitiques, 1858, p. 61-68, des cinq fils de Sem, Elam, Assur, Arphaxad, Lud et Aram, ce dernier seul aurait été Sémite ; l’Assyrie se montrait tout l’opposé de la race sémitique par son caractère sédentaire, sa civilisation matérielle avancée, son architecture colossale, ses aptitudes militaires, sa religion presque iranienne, sa tendance à envisager ses rois comme des divinités, son esprit de centralisation et de domination ; les noms mêmes de ces rois n’auraient rien eu de sémite, et il aurait fallu, avec Lorsbach, Gesenius et Bohlen, les faire dériver du persan, etc. Le même auteur fait pourtant une légère concession à la Bible, ouvr. cit., p. 69, en reconnaissant que le fond de la population aurait bien pu être sémitique, mais entremêlé d'éléments couschites ; il pense néanmoins que la puissance de Ninive était d’origine aryenne.

L’assyriologie a tranché la question : Ninive est étrangère aux Aryens, et les Assyriens sont des Sémites. Leur langue, comme les idiomes araméens, palestiniens, arabes et éthiopiens, est trilittère, c’est-à-dire que la généralité des racines y est formée exclusivement de trois consonnes ; mais c’est avec l’hébreu qu’elle offre les affinités les plus frappantes, tant pour le vocabulaire que pour la grammaire, phonologie, morphologie et syntaxe, prose ou poésie ; un bon nombre d’idiotismes hébraïques, long^ temps demeurés sans explication, se sont éclaircis par une simple comparaison avec l’assyrien. Voir Assyrienne (langue).

Les caractères physiologiques confirment l’induction tirée du langage. Sur les bas-reliefs, qu’on possède en très grand nombre, tous les Assyriens, rois ou sujets, ont le type sémite fort accentué, particulièremant celui