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ASPERSION

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De somniis, et De victimas offerentibus, Opéra, Paris, 1640, p. 596-597, 848-849. Il est probable aussi que Moïse, en prescrivant aux Juifs cette eau expiatoire, s’est proposé de les. détourner de l’emploi de certaines eaux lustrales en usage chez plusieurs peuples païens, et peu dignes d’une nation polie et civilisée. Ainsi, chez les Perses, l’eau lustrale renfermait de l’urine de bœuf ; chez les Indiens, de la bouse ou de l’urine de vache ; chez les indigènes du Malabar, de la fiente de vache, desséchée et réduite en poussière. Zend-Avesta, traduit en français par Anquetil Duperron, Paris, 1771, t. ii, p. 544-550 ; Paulin de SaintBarthélémy, Systema brahmanicum, Rome, 1791, p. 202 ; Lois de Manou, v, 105, 122, 124, dans Pauthier, Les livres sacrés de l’Orient, Paris, 1841, p. 384-385 ; Winer, Bïblisches Realwôrterbuch, au mot Sprengwasser, Leipzig, 1838, t. ii, p. 587. Qui ne voit combien le rite de purification des Hébreux était supérieur à ces rites païens, au double point de vue de la dignité morale et de l’hygiène ? Cf. Saalschûtz, Bas Mosaische Recht, Berlin, 1853, k. 40, p. 340, note. Pour le symbolisme complet du rite mosaïque, voir aussi Vache rousse.

7° Eau bénite des chrétiens. — D’après quelques auteurs, qui l’affirment ou le supposent, 1' « eau bénite » des chrétiens est une imitation de l’eau lustrale des Hébreux. Rien ne s’oppose à cette hypothèse, pourvu qu’on regarde notre eau bénite non pas comme un type ou une figure, ainsi qu'était l’eau lustrale des Hébreux, mais comme un rite pieux institué par l'Église pour exciter en nous la foi et la dévotion, et nous attirer ainsi des grâces qui nous aideront à obtenir le pardon de nos fautes. Ce qui est certain, c’est que l’usage de l’eau bénite remonte aux premiers siècles. Cf. Const. Apost., viii, 29, dans Migne, Patr. gr., t. i, col. 1125. On a retrouvé, dans les catacombes, des vases, des coquilles, en marbre ou en terre cuite, assujettis à une colonne, à la portée de la main, qui évidemment étaient ce que nous appelons des « bénitiers ». Cf. Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, Paris, 1865, p. 222. S’il faut en croire le Liber Pontificale, l’institution de l’eau bénite est due au pape Alexandre, qui régnait vers l’an 110. Il est à remarquer que le Liber Pontificalis donne à cette eau le nom d’aqua sparsionis, « eau d’aspersion ; » nom analogue à celui que la Vulgate Num., xix, 9 (aqua aspersionis), donne à l’eau lustrale des Hébreux. Liber Pontificalis, In Aleœandrnm, édit. Duchesne, Paris, 1886, t. i, p. 127.

II. Aspersion avec l’eau ordinaire. — D’après quelques auteurs, les Hébreux avaient aussi des « aspersions » proprement dites avec de l’eau ordinaire ; ils donnent comme exemple l’aspersion qui est mentionnée Num., viii, 7, et qui devait se faire dans la consécration des lévites ; l’eau de cette aspersion, disentils, se puisait sans doute dans le bassin d’airain dont il est question Exod., xxx, 17-21, et qui ne contenait que de l’eau commune. Nous croyons qu’il s’agit ici encore d’une aspersion avec l’eau lustrale ; car l’eau qui devait servir à cette aspersion est appelée, Num., viii, 7, mê hattâ't, « eaii de péché, » c’est-à-dire eau symbolisant la rémission du péché ; or ce nom ne convient bien qu'à l’eau lustrale ; aussi la Vulgate traduit - elle aqua lustrationis ; de plus, nous voyons, Num., xix, 17, que la vache rousse, dont les cendres servaient à faire l’eau lustrale, est appelée hattâ't, « péché » ou « victime pour le péché » (cf. Maimonide, More Nebochim, iii, 47, traduction latine de Buxtorf, Bâle, 1629, p. 494) ; le nom de mê hatlâ'f, « eau de péché, » convient donc parfaitement à l’eau lustrale ; aussi les rabbins lui donnaient ce nom, Winer, Bïblisches Realwôrterbuch, t. ii, p. 585 ; il est donc très probable que l’aspersion dont il s’agit Num., viii, 7, se faisait avec l’eau lustrale. Cornélius a Lapide, In Num., viii, 7 ; Rosenmùller, In Num., Vin, 7. — Sans doute il est possible que les Hébreux, qui avaient tant d' « ablutions » avec l’eau ordinaire, aient eu aussi des aspersions avec cette eau, d’autant plus que ces aspersions étaient en usage chez tous les peuples païens.

Tertullien, De Baptismo, , t. i, col. 1204-1205 ; Virgile, Enéide, ii, 717-720 ; iv, 635 ; vi, 229-231, 635-636, édit. Lemaire, Paris, 1819, t. ii, p. 293, 549 ; t. iii, p. 126, 173 ; Ovide, Metam., i, 369-372 ; vii, 189-190, édit. Lemaire, Paris, 1821, t. iii, p. 91-92, 490. Cf. D. Classenius, Theologia Gentilis, iii, 6, dans Gronovius, Thésaurus grœcarum antiquitatum, Venise, 1735, t. vii, p. 131-132. Mais ce genre d’aspersion, pour les Hébreux, n’est signalé, au moins d’une manière expresse et formelle, ni dans la Bible, ni dans la Mischna, qui a plusieurs traités sur les purifications légales, ni dans les commentaires hébreux sur ces purifications ; bien plus, Philon oppose ces aspersions païennes avec une eau commune à l’aspersion juive avec l’eau lustrale, et fait ressortir l’excellence de celle-ci sur la première, à raison même de sa matière prescrite par Moïse : ce qui semble supposer que les Juifs n’avaient aucune aspersion semblable, pour la matière, à celle des païens. Philon, De victimas offerentibus, loc. cit.

III. Aspersion avec le sang. — L’aspersion avec le sang des victimes est souvent prescrite par la loi ; nous la trouvons, d’une manière ordinaire, dans certains sacrifices, dans certaines fêtes ou cérémonies ; nous la rencontrons aussi, d’une manière extraordinaire, dans quelques événements plus importants de l’histoire du peuple hébreu.

1° Aspersions ordinaires. — Dans les sacrifices, le sang des victimes était offert à Dieu ou appliqué aux personnes ou aux choses, de différentes manières, tantôt sous forme d’aspersion, Lev., iv, 5, 6 ; xvi, 14, 15, 19 ; tantôt par effusion, lente ou rapide, Lev., i, 5, 11, 15 ; iii, 1, 8, 13 ; iv, 7, etc. ; d’autres fois par simple attouchement. Lev., 1% 7, 18, 25. Nous n’avons à parler ici que des « aspersions » strictement dites, renvoyant pour tout le reste à l’article Sacrifice. — 1. Nous trouvons l’aspersion avec le sang dans deux sacrifices solennels, le sacrifice « pour le péché » du pontife suprême, et le sacrifice « pour le péché » du peuple tout entier. Dans ces deux cas, le pontife, prenant, dans un vase sacré destiné à cet usage, une partie du sang de la victime offerte en sacrifice, pénètre dans le tabernacle, plus tard dans la partie du temple appelée le Saint, et, trempant son doigt dans ce sang, il en fait sept fois l’aspersion devant le voile du Saint des saints. Lev., iv, 5-6, 16-17 ; cf. Lev., vi, 30 ; Heb., XIH, 11. — 2. Dans l’immolation de la vache rousse, la loi prescrit aussi ces aspersions ; le prêtre, ayant égorgé la victime en dehors du camp, plus tard en dehors de Jérusalem, trempe son doigt dans le sang recueilli, et fait sept aspersions dans la direction du tabernacle ou du temple. Num., xix, 4. — 3. Nous retrouvons ce même genre d’aspersion dans une fête très solennelle, qui revenait chaque année, la fête de l’Expiation. Lev., xvi. Le grand prêtre, étant entré dans le Saint des saints ( ce qu’il ne pouvait faire que ce jour-là dans l’année), trempait son doigt dans le sang du jeune taureau immolé pour ses péchés et ceux de sa famille, et en faisait sept aspersions vers la partie orientale du propitiatoire ; il faisait, de la même manière, sept aspersions avec le sang du bouc offert pour les péchés du peuple ; et il renouvelait dans le Saint cette double série d’aspersions. Lev., xvi, 14-16. — La tradition rabbinique fit précéder chacune de ces quatre séries d’une aspersion générale, ce qui portait le nombre de ces aspersions à trente-deux. Puis le grand prêtre, ayant ainsi purifié le Saint des saints et le Saint, s’approchait de l’autel des parfums, et faisait avec le sang mélangé des deux victimes onze nouvelles aspersions, quatre aux angles et sept sur l’ensemble de l’autel. Lev., xvi, 18-19 ; Josèphe, Ant. jud., III, x, 3. Les rabbins avaient compté avec un soin minutieux toutes ces aspersions, dont le nombre, quarante-trois, était sacré ; le grand prêtre ne devait en faire ni une de plus ni une de moins ; on lui enseignait la manière de les faire ; la moindre faute entraînait la nullité des opérations. Mischna, traité Yômâ', v, 1-7, édit. Surenhusius, t. ii, p. 231-239 ; Maimonide, Yâd hâzàqâh, VIII, viii, De solemni die Expiationum, traduc-