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ASPERSION

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des Hébreux, Exod., xii, 22, soit pour l’aspersion qui accompagna l’inauguration de l’alliance. Exod., xxiv, 2. On aurait pu se contenter d’un rameau d’hysope, la loi n’exigeant que cela ; mais comme, dans d’autres purifica(ions légales, la loi exigeait un rameau d’hysope joint à une branche de cèdre au moyen d’une bandelette de laine écarlate, Lev., xiv, 4, 6, 49-52, cette prescription fut étendue à l’aspersoir de l’eau lustrale. Barnabee epistula, loc. cit. On peut voir dans la Mischna les subtilités des rabbins au sujet de l’espèce d’hysope qui était requise pour la légitimité de l’aspersion. Mischna, tr. Pârâh, xi, 7-9 ; xii ; édit. Surenhusius, t. vi, p. 307-313.

4° Usage et efficacité de cette aspersion. — Le principal usage était d’enlever l’impureté légale qui provenait du contact du cadavre humain. Quiconque touchait un mort, ou même simplement un tombeau, un ossement humain, était impur devant la loi ; bien plus, quand la mort avait lieu dans une tente, plus tard dans une maison, l’impureté légale frappait tous ceux qui entraient dans la tente ou la maison, et même tout le mobilier, sauf les vases à couvercle. Num., xix, 11-16 ; v, 2 ; xxxi, 19. Cette espèce d’impureté était très tenace ; elle durait sept jours, et excluait non seulement du temple et de la participation aux choses saintes, mais encore de la société des hommes. Voir Impuretés légales. Or c’est l’aspersion dont nous parlons qui enlevait cette impureté légale ; on la répétait deux fois, le troisième et le septième jour (à partir du moment où la souillure avait été contractée) ; le septième jour, la personne « impure » prenait un bain, lavait ses vêtements, demeurait encore « impure » jusqu’au soir, et le lendemain se trouvait purifiée. Num., xix, 12, 18-19. Outre cet usage principal, nous voyons encore l’eau lustrale employée dans la consécration des lévites, Num., vhi, 7 ; puis, dans un cas spécial, pour la purification du butin. Num., xxxi, 20-33. On s’est demandé si l’aspersion de l’eau lustrale, qui enlevait l’impureté légale contractée par le contact d’un mort, avait la même efficacité sur les autres impuretés. Quoi qu’en disent certains auteurs, par exemple, Tostat, In Num., xix, q. xv, Venise, 1596, t. iv, p. 269 b ; Cornélius a Lapide, In Num., xix, 9, il paraît certain que l’eau lustrale n’effaçait que l’impureté dont nous parlons ; comme nous le voyons dans le Lévitique, xii, Xili, XIV, xv, chaque impureté légale avait son rite particulier de purification, approprié à sa nature ; le rite fixé pour telle impureté n’avait aucune efficacité pour telle autre ; pourquoi ne dirions-nous pas la même chose de l’aspersion de l’eau lustrale, que Moïse, Num., xix, prescrit expressément pour purifier de l’impureté provenant des cadavres, sans faire aucune mention des autres impuretés'? Aussi la plupart des commentateurs juifs et chrétiens disent ou supposent qu’on n’employait l’eau lustrale que dans le cas dont nous parlons, sauf peut-être quelques cas moins importants ajoutés par les rabbins.

Mentionnons un effet curieux de l’eau lustrale : elle purifiait, avons-nous dit, les « impurs », sur lesquels on la répandait avec l’hysope ; au contraire, elle souillait les « purs ». Celui qui faisait l’aspersion devait, après cet acte, laver ses vêtements ; quiconque touchait l’eau lustrale était impur jusqu’au soir. Num., xix, 21. Les exégètesont cherché à expliquer cette anomalie. S. Augustin, Qusest. in Hep ta t., Num., xix, t. xxxiv, col. 735 ; Spencer, De Legibus Hebrœorum ritualibus, La Haye, 1686, t. i, p. 361 ; Deyling, De aqua expialoria, dans ses Observationes sacrée, Leipzig, 1739, t, iii, p. 101 ; J. Leclerc, In Num., Xix, Amsterdam, 1710, p. 409. Leurs explications, très subtiles, ne sont guère satisfaisantes ; disons plutôt simplement que l’eau cendreuse, n'étant guère propre par elle-même au point de vue physique f causait chez tous Ceux qui la touchaient une très légère impureté légale, pour laquelle le législateur voulut imposer une purification proportionnée de quelques heures ; c’est la pensée de Cornélius a Lapide, In Num., XIX, 21.

5° Notions historiques. — Moïse, dans l’institution de

cette eau lustrale, put être guidé par les usages des peuples environnants ; car la cendre, et spécialement la cendre de veau, était employée par les païens dans leurs lustrations. Cf. Ovide, Fast., iv, 638-640, 725-727, 732-733, édit. Lemaire, Paris, 1822, t. vi, p. 284, 291, 292 ; Virgile, Ecloga viii, 101, édit. Lemaire, Paris, 1819, t. i, p. 190 ; Arnobe, Adversus Gentes, vii, 32, t. v, col. 1262-1263. Les Juifs observèrent fidèlement le rite prescrit par leur législateur. C’est à lui que fait allusion David, Ps. L, 9. Comme l’impureté légale provenant du contact des morts était par sa nature même extrêmement fréquente, il est fort probable que la cérémonie de l’immolation de la vache rousse avait lieu tous les ans ; c’est l’opinion de saint Jérôme, Epist. cviii, Ad Euslochium, XII, t. xxii, col. 887, suivie par la plupart des commentateurs chrétiens, malgré l’opinion contraire des rabbins, qui font cette immolation beaucoup plus rare. Reland, Antiquitates sacras, II, v, 10, Utrecht, 1708, p. 108-109 ; Lorinus, In Num., xix, 9, Lyon, 1622, p. 706 ; Cornélius a Lapide, In Num., xix, 22. Pour la même raison, il est très vraisemblable que les cendres de la génisse, après avoir été recueillies dans le lieu du sacrifice, étaient ensuite distribuées au moins dans les principales villes de Judée, afin que les Hébreux ne fussent pas obligés de faire si fréquemment le voyage de Jérusalem. Bonfrère, Pentateuchus Mosis, In Num., xix, 12, Anvers, 1625, p. 821 ; Cornélius a Lapide, In Num., xix, 9. Ce rite mosaïque était en pleine vigueur du temps de Notre-Seigneur ; saint Paul en parle comme d’une chose parfaitement connue et pratiquée, Heb., rx, 13 ; Philon et Josèphe le signalent comme institué par Moïse ; Philon, De victimas offerenlibus, dans ses Opéra omnia, Paris, 1640, p. 847-849 ; Josèphe, Ant. jud., IV, iv, 6 ; Cont. Apion., Il, 23. La Mischna ; écrite vers l’an 200 de notre ère, expose avec un détail infini tout ce qui concerne ce rite, Mischna, tr. Pârâh, édit. Surenhusius, Amsterdam, 1702, t. vi, p. 269-313 ; mais il est bien probable qu’alors ce rite n'était plus observé ; car depuis la destruction du temple de Jérusalem, en 70, et surtout depuis la terrible répression de 137 par Adrien, les Juifs prétendent que ce rite et les rites similaires concernant les impuretés légales ne les obligent plus ; c’est ce que dit le rabbin Léon de Modène, Cérémonies et coutumes des Juifs, I, viii, 1, Paris, 1681, p. 18.

6° Symbolisme et but de la loi. — L’eau lustrale était la figure du sang de Jésus-Christ. Saint Paul, Hebr., IX, 13-14, fait entre l’une et l’autre un rapprochement frappant. De même que l’eau lustrale répandue par l’aspersion sur les personnes ou les objets souillés par le contact d’un mort les purifiait de cette impureté, ainsi le sang de Jésus-Christ répandu sur la croix purifie notre âme des souillures contractées par nos péchés, qui sont des œuvres mortes. Ce symbolisme a été mis en pleine lumière par les Pères et les saints docteurs. Barnabee epistula, viii, p. 27 ; S. Augustin, Qusest. in Heptat., iv, 33, t. xxxiv, col. 732-737 ; Théodoret, Qusest. in Num., q. xxxv, t. lxxx, col. 386 ; Bonfrère, Pentateuchus Mosis, p. 826 ; Cornélius a Lapide, In Num., xix, 4, 9. Cette interprétation a été suivie par les auteurs protestants, Witsius, Mqyptiaca sacra cum Hebraicis collata, II, viii, 5-11, dans Ugolini, Thésaurus antiquitatum sacrarum, Venise, 1744, t. i, p. 855-858 ; Deyling, De aqua expiatoria, dans ses Observationes sacras, Leipzig, 1739, t. iii, p. 89-102 ; Lightfoot, De ministerio templi, xvil, 11, Opéra omnia, Utrecht, 1699, t. i, p. 752-753 ; Otho, Lexicon rabbinico-philologicum, Genève, 1675, p. 659 ; Constantin L’Empereur, Talmudis babylonici Codex Middotk, Leyde, 1630, p. 14. Il n’y a pas jusqu’aux Juifs qui n’aient vu dans l’eau lustrale dont nous parlons le symbole de l’expiation de nos péchés. Cf. Deyling, loc. cit., p. 98-99. Philon en donne une explication allégorique ; d’après lui, Moïse a voulu rappeler aux Juifs que, de même que l’eau lustrale est composée d’eau et de cendres, ainsi le corps de l’homme n’est qu’un composé de poussière et de liquide. Philon,