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ASER (TRIBU)


nord pour couper le Nahr el-Qasmiyéh un peu au delà du milieu vers l’est. Plusieurs villes de Nephthali nous « servent de jalons pour ces limites : Arama (Er-Raméh), Jéron (Yàrûn), Enhasor (Khirbet Haziréh), Iléleph (Beil-Lif) et Magdalel (Mudjeidel). Jos., xix, 36, 37, 38. D’un autre côté, nous savons que la frontière occidentale de Zabulon descendait par la vallée de Jephtahel jusqu'à Bethléhem (Beit-Lahm). Jos., xix, 14, 15. Nous arrêtons la pointe méridionale au sud de Misalli, puisque Dor [Tantoura) fut enlevée à Aser pour être donnée à Manassé. Jos., xvii, 11. Jusqu’où s'étendait la tribu au nord ? Nous ne savons au juste ; tout ce que nous pouvons constater, c’est qu’il n’y a pas actuellement au delà du Nahr el-Qasmiyéh, ou « fleuve de la séparation », d’identifications certaines. À l’exception de plusieurs villes importantes, telles qu’Accho et Achzib, elle occupai^ vers l’ouest, toute la côte méditerranéenne, comme on le voit d’après le cantique de Débora, Jud., v, 17 :

Aser habitait sur le rivage de la mer, Et se reposait dans ses ports.

Elle était ainsi, bornée à l’est par la tribu de Nephthali, au sud-est par celle de Zabulon, au sud par celles d’Issachar et de Manassé.

3° description. — La tribu d’Aser comprenait donc tout le versant méditerranéen du massif septentrional de la Palestine, massif dont l’arête principale est formée de trois sommets avec leurs prolongements vers le nord et le sud, le Djebel Adâthir (i 025 mètres), le Djebel Djermak (1199 mètres), le Djebel Zaboûd (1114 mètres). A l’ouest de cet axe se profilent transversalement ou obliquement des chaînons tourmentés, rattachés entre eux par des contreforts latéraux, surtout près de la mer, où ces contreforts semblent les restes d’une chaîne bordière parallèle ou littorale. Le Râs Oumm Qabr, au nord de Ya’ter, y atteint 715 mètres ; le Tell Bêlât, plus bas, s'élève à 616 mètres ; enfin, plus au sud encore, le rebord de Terchiha est à 632 mètres d’altilude. Les rivières de ce versant, arrêtées jadis dans les cavités des entrecroisements, ont rompu cette barrière, et quelques marais seulementindiquent aujourd’hui pendant les pluies la place des anciens lacs. Les nombreuses vallées qui forment tout ce dédale occidental réunissent leurs eaux en plusieurs courants principaux, les ouadis El-Houbeichiyéh, El-Ezziyéh, Ez-Zerka, Kerkera, El-Qourn, les Nahr Mefchoukh, Semiriyéh et Na’mein. La plaine côtiére, depuis le Léontès jusqu’au Râs eh-Abiad ou « cap Blanc », en passant par Tyr, est large en moyenne de deux kilomètres. Barrée par le Bas en-Naqoura ou « Échelle des Tyriens », promontoire qui tombe à pic sur le rivage, elle s'élargit à six ou huit kilomètres en passant par Êz-Zîb et Accho. La baie de Khaïfa et le Carmel terminent cet ensemble.

Dans ces vallées, sur les flancs ou sur le plateau supérieur des montagnes, s'élevaient autrefois une multitude de villes et de bourgades, aujourd’hui renversées ou encore en partie debout et habitées, jouissant sur ces hauteurs d’une vue plus étendue, d’un air plus salubre et d’un.e sécurité plus grande. Au milieu de fourrés presque inextricables de lentisques, d’arbousiers, de chênes verts, de térébinthes et de caroubiers, le voyageur rencontre des ruines d’un haut intérêt : arasements de murs d’enceinte, de tours, d'édifices et de maisons avec les pieds-droits et les linteaux de leurs portes encore en place. Ces ruines appartenant quelquefois à toutes les époques et à toutes les civilisations, ruines chananéennes, judaïques, byzantines, ou datant des croisades, sont comme autant de couches superposées et successives des nombreuses populations, conquérantes ou conquises, qui ont tour à tour habité le pays. Des excavations de toutes sortes pratiquées dans le roc, telles que tombeaux, magasins souterrains, réservoirs, citernes, puits, pressoirs, attestent que cette contrée était autrefois très peuplée et merveilleusement

cultivée, dans les endroits même les plus désertés aujourd’hui par l’homme, et les plus rebelles en apparence à toute culture. Cf. V. Guérin, Galilée, t. i, p. 79-80.

Dans les plaines, comme celles de Saint-Jean-d’Acre et de Tyr, et sur les collines cultivées jusqu'à leur sommet, croissaient en abondance, comme maintenant encore, du blé, de l’orge et d’autres céréales. Sur les pentes des montagnes s'étageaient de belles plantations d’oliviers, de figuiers, de vignes et d’autres arbres fruitiers, que des broussailles ont en partie remplacées depuis longtemps ; malgré cela ce territoire, boisé et fertile, passe encore pour un des plus beaux cantons de la Palestine. C’est ainsi que s’accomplit à la lettre la prophétie de Jacob, Gen., xlix, 20 :

D’Aser vient un pain excellent, Il fait les délices des rois.

Ainsi se réalisa également la bénédiction de Moïse, Deut., xxxin, 24, 25, promettant à la tribu l’accomplissement du présage contenu dans son nom, Aser, « bienheureux : »

ꝟ. 24. Béni soit Aser en enfants ;

Qu’il soit agréable à ses frères,

Et qu’il baigne ses pieds dans l’huile, y. 25. Que le fer et l’airain soient tes verroux,

Et que ta force dure autant que tes jours !

Comblé des biens terrestres et toujours en paix dans de puissantes forteresses, Aser trouvait de l’huile en abondance dans le pays qui lui échut en partage. On dit dans les Talmuds, à propos du verset biblique, que « dans les possessions d’Aser l’huile coule comme un ruisseau », Siphré, Deutéronome, 355 (édit. Friedmann, p. 148 a), et qu' « il est plus facile d'élever une légion (forêt) d’oliviers en Galilée que d'élever un enfant en Palestine ». Bereschith rabba, ch. 20. On fabriquait en Galilée un genre de vases tout particuliers pour conserver l’huile. Cf. A. Neubauer, La géographie du Talmud, Paris, 1868, p. 180. La ville la plus renommée pour l’abondance de ses huiles était précisément Gouch Halab, l’ancienne Ahalab, aujourd’hui El-Djich. Voir Ahalab. Le fer et l’airain, dont il est question au J. 25, marquent, suivant certains auteurs, l’esprit guerrier de la tribu. I Par., vu, 40. Ils font allusion, selon d’autres, aux métaux qu’on trouvait dans cette tribu ou dans son voisinage au Liban. D’autres appliquent ces mots aux habitations d’Aser, fermées avec des verroux solides, fortes et imprenables comme « des forteresses de fer et d’airain ». Cf. Trochon, Les Nombres et le Deutéronome, Paris, 1887, p. 212-213.

II. Histoire. — Dans le premier dénombrement qui fut fait du peuple hébreu, au Sinaï, la tribu d’Aser comptait 41500 hommes en état de porter les armes. Num.„ i, 40, 41. Le chef qui fut chargé de procéder au recensement était Phégiel, fils d’Ochran. Num., i, 13. Dans le campement et la marche à travers le désert, elle se trouvait placée entre Dan et Nephthali, au nord du tabernacle. Num., ii, 27. Les dons qu’elle offrit à Dieu pour la dédicace de l’autel, par les mains de Phégiel, sont ainsi énumérés : « Un plat d’argent pesant cent trente sicles, une coupe d’argent pesant soixante-dix sicles, au poids du sanctuaire, pleins l’un et l’autre de farine pétrie d’huile pour le sacrifice ; un petit vase d’or pesant dix sicles, plein d’encens ; un bœuf du troupeau et un bélier, et un agneau d’un an pour l’holocauste, et un bouc pour le péché ; et pour hosties pacifiques, deux bœufs, cinq béliers, cinq boucs, cinq agneaux d’un an. » Num., vii, 72-77. Parmi les explorateurs du pays de Chanaan, celui qui la représentait était Sthur, fils de Michaël. Num., xiii, 14.

Au second dénombrement qui fut fait dans les plaines de Moab, elle comptait 53400 hommes. Num., sxvi, 47. Après l’entrée dans la Terre Promise, elle se tint, « pour prononcer la malédiction, sur le mont Hébal, avec Ruben, Gad, Zabulon, Dan et Nephthali. » Deut., xxvii, 13. Après le partage du territoire, elle fournit quatre villes aux Lé-