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ASCENEZ — ASCENSION ​

Médie, mais, à ce moment, du royaume de Lydie. C’est un pays vassal de la monarchie médique, c’est-à-dire situé à l’est du fleuve Halys, qui forma la frontière entre les Mèdes et les Lydiens, à la suite de la grande guerre entre Alyatte d’une part, Cyaxare, puis Astyage de l’autre ; c’est en même temps un pays contigu à ceux d’Ararat et de Menni, dont la réunion forme l’Arménie majeure ou orientale. Il n’y a donc pas moyen de douter qu’Ascenez ne désigne ici l’Arménie propre ou occidentale, l’Arménie au sens primitif du nom.

Mais il faut remarquer que Ἀσ-κάνιος semble, par sa composition même, avoir un caractère plutôt ethnique que géographique, désigner une tribu ou une nation plutôt qu’un pays. Le nom d’’Aškenaz, expliqué de la façon la plus vraisemblable par celui d’Ascaniens, indique, dans l’ethnographie biblique, non pas la province spéciale d’Ascanie, mais l’ensemble de la nation phrygienne, auquel il appartient en dehors même de son premier séjour, plus spécialement qualifié d’Ascanie, car elle l’a transporté avec elle dans la Phrygie. Le passage de Jérémie nous fournit donc une date de la plus haute valeur pour déterminer l’époque où les Arméniens d’origine phrygienne étaient déjà limitrophes des pays d’Ararat et de Menni, où ils allaient bientôt pénétrer Les éléments linguistiques que nous avons signalés tout à l’heure avec P. de Lagarde font croire que le pays ou le peuple arménien avait été nommé d’après Ascenez avant de l’être d’après Thogorma.

On a rapproché l’hébreu ’Aškenaz de l’assyrien (mât) Aš-gu-za, nom d’un pays mentionné dans un cylindre d’Asarhaddon. Ce prince fit deux expéditions contre les gens de Manna et d’Askhouz. Cf. Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, Paris, 1886, p. 450. Nous retrouvons ici deux des noms cités dans Jérémie, li, 27, et M. Sayce, Journal of the Royal Asiatic Society, t. xix, 2e part., p. 397, propose même de corriger en Askhouz l’Askenaz du prophète. Il est plus simple d’admettre que le mot primitif Ašgunza, Aškunza = אשכנז, est devenu peu à peu, par l’assimilation du nun, Ašguzza, et finalement Ašguza. Cf. E. Schrader, Die Keilinschriften und dos Alte Testament, Giessen, 1883, Nachträge von Dr  Paul Haupt, p. 610.

A. Legendre.

ASCENSION. Ce mot signifie l’élévation miraculeuse de Notre-Seigneur au ciel, quand il y monta en corps et en âme, par sa propre puissance, en présence de ses disciples, le quarantième jour après sa résurrection. Act., i, 3.

Circonstances de cet événement.

Quand fut venu pour Jésus le moment de retourner à son Père, il apparut une dernière fois à ses disciples à Jérusalem, et il les conduisit sur le mont des Oliviers. Après leur avoir renouvelé la promesse de l’Esprit-Saint, et leur avoir déclaré qu’ils seraient ses témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie et jusqu’aux extrémités de la terre, il leva les mains au ciel et il les bénit. Act., i, 8 ; Luc, xxiv, 51. Ainsi le dernier acte de Jésus sur la terre fut une bénédiction. Au moment où il les bénissait, il s’éleva au ciel. Lus., xxiv, 51. Le texte sacré semble indiquer qu’il ne disparut pas subitement, comme il l’avait fait pour les disciples d’Emmaüs ; mais qu’il s’éleva vers le ciel graduellement et avec une majestueuse lenteur. Comme les témoins de cette scène tenaient leurs yeux fixés sur leur divin Maître, une nuée resplendissante le déroba à leurs regards, Act, i, 9, et voici que deux anges sous une forme humaine, vêtus de blanc, se présentèrent devant eut et leur dirent:« Hommes de Galilée, pourquoi vous tenez-vous là, regardant au ciel ? Ce Jésus, qui du milieu de vous a été enlevé au ciel, viendra de la même manière que vous l’avez vu allant au ciel. » Act., i, 11. A ces mots, les disciples se prosternent et adorent Jésus comme le vrai Fils de Dieu, Luc, xxiv, 52; puis ils quittent le mont des Oliviers et reviennent à Jérusalem avec une grande joie. Luc, xxiv, 52. Ainsi Jésus monta au ciel, où il est assis à la droite de Dieu. Marc., xvi, 19.

Quand nous disons qu’il monta au ciel, nous entendons qu’il y est monté comme homme. Comme Dieu, étant présent partout par son immensité, il était déjà au ciel et n’avait pas besoin d’y monter. Ce fut l’humanité de Jésus, toujours unie à la divinité, qui monta au ciel, c’est-à-dire son corps et son âme, qui n’y étaient pas encore.

Quand nous disons que Jésus est assis à la droite de Dieu, nous prenons ces mots dans un sens métaphorique. Parmi les hommes, être placé à la droite d’un personnage est regardé comme un honneur. C’est par allusion à cet usage et en appliquant aux choses du ciel le langage de la terre, que l’on dit de Jésus qu’il est à la droite de Dieu. On veut faire entendre qu’il participe à la puissance de son Père. Les mots « est assis » ne doivent pas non plus se prendre dans le sens d’une attitude corporelle, mais dans le sens de la perpétuelle possession du souverain pouvoir qu’il a reçu de son Père.

Nous ne croyons pas que les Apôtres furent les seuls témoins de l’Ascension. Les évangélistes ont gardé le silence sur ce point. Il paraît cependant très probable que cette faveur fut accordée au moins à tous ceux qui, étant entrés au cénacle avec les Apôtres, priaient avec eux. C’est le sentiment de Benoît XIV, De festis D. N. J. C, vi, 46 et 47. Il est certain qu’au livre des Actes, saint Luc, après avoir raconté l’ascension, le retour du mont des Oliviers à Jérusalem et l’entrée des Apôtres au cénacle, ajoute:« Tous ceux-ci persévéraient unanimement dans la prière, avec les femmes, et avec Marie, mère de Jésus, et avec ses frères. En ces jours-là, Pierre, se levant au milieu des frères (or le nombre des hommes réunis était d’environ cent vingt), leur parla. » Act., i, 14-15.

Lieu de l’Ascension.

L’endroit précis d’où Notre-Seigneur s’éleva au ciel est le sommet central du mont des Oliviers. Voir Oliviers (Mont des). Saint Matthieu, saint Marc et saint Jean ne nous renseignent pas sur le lieu de l’Ascension ; mais saint Luc nous aide à le fixer d’une manière certaine. Dans son Évangile, xxiv, 50, il nous montre Jésus conduisant ses Apôtres à Béthanie, et, après les avoir bénis, s’élevant vers le ciel, xxiv, 51. Il ne faut pas en conclure que Béthanie fut le théâtre de l’Ascension. En effet, saint Luc, dans les Actes, i, 12, nous apprend que les Apôtres, après avoir été témoins de cette merveille, retournèrent à Jérusalem de la montagne des Oliviers, et n’eurent à parcourir que le chemin que l’on peut faire le jour du sabbat. On sait que le chemin d’un jour de sabbat était la distance qu’un Juif pouvait franchir sans violer le repos sabbatique ; cette distance est évaluée, d’après les rabbins, à 1 392 mètres environ. Bacuez et Vigouroux, Manuel biblique, 8e édit., t. i, n° 187, p. 311. Or Béthanie est à trois ou quatre kilomètres de Jérusalem, c’est-à-dire à la distance de deux mesures sabbatiques. Les Apôtres n’étaient donc pas à Béthanie même quand ils furent témoins de l’Ascension, mais sur le sommet du mont des Oliviers, qui est à la distance d’une mesure sabbatique de Jérusalem. Le passage dé l’Évangile de saint Luc, xxiv, 51, qui donne Béthanie comme le théâtre de ce mystère, s’accorde avec le passage des Actes, i, 12, du même saint Luc, soit en supposant, comme le fait Benoit XIV, De festis D. N. J. C, vi, 46-47, que Jésus conduisit d’abord ses Apôtres à Béthanie, et les ramena ensuite au sommet du mont des Oliviers, d’où il s’éleva au ciel ; soit en supposant, comme le fait M. V. Guérin, Jérusalem, p. 343, que le territoire de Béthanie commençait au sommet même de la montagne des Oliviers, et que le lieu où Jésus s’éleva au ciel faisait partie de ce territoire. Voir aussi Lamy, Comm. in harm., 1. v, c. xlvi, 19. Ajoutons que la leçon dés manuscrits B, C, D, L, Sinaiticus, Bedæ, porte ἕος πρὸς Βηθανίαν au lieu de ἕως εἰς Βηθανίαν. D’après cette leçon, le ꝟ. 50 du chapitre xxiv de saint Luc signifie : Jésus mena les Apôtres vers Béthanie, du côté de Béthanie, et non à Béthanie.