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ARTAXERXËS I" — ARTAXERXÈS II

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comme on le voit, leur place naturelle et très suffisamment justifiée dans la trame de l’histoire d’Artaxerxès I er. On a pensé pourtant que le récit qui termine le premier livre, vii-x, n'était peut-être pas à sa vraie place ; il a paru peu naturel qu’Esdras ait été autorisé à recueillir des sommes considérables et à réquisitionner des provisions dans le pays même que les troupes royales allaient avoir à traverser. Frappé de ces raisons, M. Van Hoonacker, professeur à l’université de Louvain, a cherché à démontrer que le retour d’Esdras n’avait pas eu lieu treize ans avant Néhémie, sous Artaxerxès I er, mais cinquante-neuf ans plus tard, sous Artaxerxès II. Voici les principales raisons sur lesquelles il appuie sa thèse : 1° Néhémie est envoyé à Jérusalem pour rebâtir la ville sainte et ses murs, II Esdr., ïi, 5 ; Esdras, au contraire, trouve la ville rebâtie, et s’y occupe surtout de l’organisation du culte et de la réforme des mœurs. I Esdr., vii-x. — 2° Quand Néhémie revient, c’est le grand prêtre Éliasib qui est en fonction, II Esdr., iii, 1 ; sous Esdras, c’est Johanan, fils d'Éliasib. I Esdr., x, 6. Ce Johanan ne serait autre que Jonathan, nommé dans la liste des grands prêtres, II Esdr., XII, 10-11, comme fils de Joïada et petit-fils d'Éliasib. Josèphe, Ant.jud., XI, vii, 1, 2, l’appelle aussi 'Iioâwïi ; . Bien que petit-fils d'Éliasib, il est présenté comme son fils, parce que le pontificat de Joïada ne paraît avoir été ni long ni important. — 3° Esdras fait rompre les mariages contractés avec les femmes étrangères, et cette mesure est si bien acceptée, que l’on fait le dénombrement de ceux qui avaient contracté ces unions, et que l’on garde la liste des prêtres qui eurent à répudier les étrangères. IEsdr., x, 11-44. Sous Néhémie, ces sortes de mariages sont fortement blâmés, mais non rompus ; on ne fait aucune allusion à la réforme radicale qui aurait été exécutée vingt-cinq ans auparavant, et on voit même un petit-fils du grand-prêtre Éliasib marié à une étrangère. II Esdr., xin, 23-28. — 4° Si, la septième année d’Artaxerxès I « r, Esdras arrive à Jérusalem muni de pleins pouvoirs et exerce parmi ses compatriotes une autorité incontestée, comment peut-il, treize ans plus tard, n’apparaître que comme simple scribe, lecteur de la loi, aux côtés de Néhémie, sans qu’il soit fait allusion au grand rôle rempli par lui précédemment ? — 5°> Si, en l’an 457, Artaxerxès I er, malgré les grandes difficultés qui le préoccupaient, s’est montré si franchement sympathique aux Juifs et si généreux envers leur temple ; si, au moment où ses armées allaient et venaient à travers la Palestine, il a constaté que Jérusalem méritait toutes ses faveurs, comment, six ou sept ans plus tard, a-t-on osé lui écrire une lettre de dénonciation si calomnieuse contre ses protégés, I Esdr., iv, 11, et comment a-t-il pu l’accueillir si facilement ? Voir Van Hoonacker, Néhémie et Esdras, in-8°, Louvain, 1890, et Le Muséon, janvier 1892, t. xi, p. 83. Les conclusions qui ressortent de ces remarques sont que les chapitres vu-x du premier livre d’Esdras traitent de faits postérieurs et non antérieurs à ceux que raconte le second livre, et qu’Esdras, venu une première fois à Jérusalem avec Néhémie, comme simple scribe, âgé d’une trentaine d’années, retourna ensuite en Perse, et revint en Judée, à la tête d’une nouvelle caravane, avec l’autorisation et la faveur d’un autre Artaxerxès. A. Kuenen a combattu ces conclusions dans un mémoire présenté à l’Académie royale des sciences d’Amsterdam, et intitulé De chronologie van hel perzische lijdvak der joodsche geschiedenis, 1890. La principale raison invoquée est la supposition que la réforme des mariages mixtes entreprise par Esdras aurait avorté. Le célèbre rationaliste ajoute d’ailleurs que l’ancienne hypothèse maintenait mieux « le terrain sur lequel la critique moderne élevait l'édifice de sa théorie sur la formation de l’Hexateuque ». M. Van Hoonacker a répondu en réfutant les objections de Kuenen, et en démontrant que la réforme d’Esdras a pleinement réussi, ce dont le texte sacré ne permet pas de douter. Néhémie en Van 20 d’Artaxerxès I", Esdras

en Van 7 d’Artaxerxès II, Gand, 1892. Voir Le Muséon, janvier 1892, p. 86. Voici comment les faits rapportés I Esdr., vu-x, prendraient place, d’après lui, dans l’histoire d’Artaxerxès II. L’exposé de son système. sera suivi de la discussion critique des raisons sur lesquelles il s’appuie.

H. Lesêtre.

2. artaxerxès II (fig. 281) (405-358 avant J.-C.) fut surnommé Mnémon à cause de sa mémoire extraordinaire. Second fils de Darius II Nothus, il fut investi de la royauté au détriment de Cyrus, son frère aîné. Sa douceur et sa générosité le portèrent à laisser à ce dernier les titres de vice-roi et de généralissime des troupes royales.

Î81. — Darlque d’Artaxerxès Mnémon.

Artaxerxès II, tenant une javeline de la main droite et un arc dô

la main gauche. — Sf. Carré creux irréguller.

Mais Cyrus mit les Grecs dans ses intérêts, se révolta contre son frère, fut défait et périt à la bataille de Cunaxa, près de Babylone (401). Xénophon, Anabas., i, 8, 24 et suiv. ; Plutarque, Artaxerx., 10. Les treize mille Grecs qui l’avaient soutenu entreprirent alors cette fameuse retraite dont l’Athénien Xénophon fut le chef et plus tard l’historien. Anabas., ii, 5, 24 et suiv. La lutte séculaire entre les Perses et les Grecs se concentra alors en Asie Mineure. Les Spartiates y guerroyèrent, avec des péripéties diverses, contre Tissapherne, satrape des provinces maritimes, et Pharnabaze, satrape des provinces septentrionales de l’Asie Mineure (Xénophon, Hellenic., iii, 1, 3 ; Diodore de Sicile, xiv, 35). En 399, ce dernier conclut un armistice, Diodore, xiv, 39, qui ne fut rompu qu’en 396, par Tissapherne. Xénophon, Hellenic., iii, 4, 11-15. La lutte se poursuivit jusqu’en 387, où le traité d’Antalcidas consacra la souveraineté d’Artaxerxès II sur les villes et plusieurs lies d’Asie. Xénophon, Hellenic., v, 1, 31 ; Diodore, xiv, 110 ; Plutarque, Artaxerx., 21. Voir Curtius, Histoire grecque, t. iv, p. 161 et suiv. Artaxerxès II n’eut donc point à subir de grands revers, comme Artaxerxès I" ; après la bataille de Cunaxa, la paix régna sur le continent asiatique, et le théâtre de la lutte avec les Grecs resta très éloigné de la Chaldée, de la Judée et des provinces intermédiaires. Une caravane de Juifs pouvait donc se rendre en toute sécurité de Babylone à Jérusalem. Bien plus, la septième année de son règne, en 398, Artaxerxès II, dont le caractère était bienveillant, n’avait rien à démêler avec les Grecs. Les ressources du trésor royal étaient alors en partie disponibles. Esdras aurait profité de ces heureuses conjonctures et des dispositions favorables du prince, pour obtenir l’autorisation de conduire à Jérusalem une nouvelle caravane. Agé d’une trentaine d’années quand il accompagna Néhémie à Jérusalem, en 445, il en aurait eu alors environ soixante-quinze. C'était un âge assez avancé, mais qui permettait fort bien à Esdras de remplir le rôle qu’on lui suppose.

Les arguments invoqués en faveur de la thèse qui place le retour d’Esdras sous le règne d’Artaxerxès II sont spécieux, parfois même paraissent assez plausibles. Toutefois, jusqu'à présent du moins, ils ne semblent pas suffisants pour autoriser une modification si considérable dans l’histoire traditionnelle d’Esdras et dans la disposition des livres qui la racontent. Voici ce qu’on pourrait opposer aux principaux arguments de M. Van Hoonacker, résumés plus haut : — 1° Il est bien vrai que Néhémie arriva à Jérusalem avec le projet de rebâtir la ville, II Esdr., ii, 5, et sa qualité de gouverneur le mettait à même d’exécuter ce dessein. Quant à Esdras, qui n'était qu’un simple prêtre, ,