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ARPHAXAD


pays élevé des Chaldéens ; d’autres y voient la racine arp ou arpou, conservée en arabe et en éthiopien, mais disparue des autres dialectes sémitiques, avec le sens de forteresse, mur ou frontière des Chaldéens. Cette dernière conjecture est regardée comme la meilleure par Westcott, dans Smith, Dict. ofthe Bible., 1. 1, p. 115 ; elle est suivie également par Ewald, Geschichte Isræls, Gœttingue, 1864, t. i, p. 405 ; Eb. Schrader-Whitehouse, The cuneifonn Inscriptions and the Old Testament, 1. 1, p. 97. Michælis, Spicilegium geographise tieb. exter., 1780, t. ii, p. 75, avait aussi proposé cette étymologie tout en rejetant pour ce nom d’Arphaxad la signification ethnique. Cependant elle repose sur une coupure tout arbitraire ; de plus le composé ainsi formé n’a pas un seul analogue dans tous les noms de la table ethnographique, qui sont ou des noms d’individus, comme Noé, Sem, ou de simples noms ethniques comme Ha-Iebousi (le Jébuséen) ; enfin les inscriptions cunéiformes qui nous ont conservé un grand nombre d’appellations géographiques mésopotamiennes en renferment qui commencent par Bit, comme Bit-lakin, maison de lakin ; Bit-Houmri, maison d’Omri, c’est-à-dire le royaume d’Israël ; par Dour, comme Dour - ili, forteresse de Dieu, en Bubylonie ; par Kar, etc. ; mais aucun élément initial ne rappelle dans la Mésopotamie méridionale l’Arp d’Arphaxad.

Frd. Delitzsch, Wo lag dus Paradies, p. 255-256, croit pouvoir le rapprocher de l’expression arba kisadi, que l’on retrouve pour désigner le royaume des monarques soitd' Assyrie, soit de Babylonie : sar arba kisadi, « roi des quatre régions » ; mais ce terme n’est pas une localité géographique définie, il désigne uniquement les quatre points cardinaux, et s’emploie aussi bien à Ninive qu'à Babylone ; en outre la formule consacrée n’est jamais celle que propose M. Delitzsch, c’est généralement kiprat irbitti, qui n’offre plus aucune ressemblance avec le nom d’Arphaxad. À cette raison décisive s’ajoutent encore, contre cette opinion, celles que nous avons opposées à l’identification précédente.

L’analogie nous incline donc à penser qu’il se cache quelque désignation ethnographique sous le nom d’Arphaxad, comme cela est certain pour Élam, Assur, Aram et Lud ; suivant l’indication fournie par Josèphe, ce nom doit s’appliquer à quelques populations sémitiques de la Mésopotamie, comme les Chaldéens ou les Babyloniens, dont la Bible ne donnerait pas sans cela les origines ; cette hypothèse est donc vraisemblable : mais la science, à l’heure présente, ne nous donne encore aucun moyen de la vérifier. E. Panmer.

2. ARPHAXAD (Septante : 'AppaÇcfô), roi mède mentionné dans Judith, I, 1-12, comme adversaire de Nabuchodonosor, roi d’Assyrie. Celui-ci le défit à Ragau. Les Septante ajoutent que les États d’Arphaxad furent envahis par le roi d’Assyrie, qui le fit prisonnier et le mit à mort. 1, 12-15.

On remarque dans le livre dé Judith des altérations considérables, particulièrement dans les noms propres. Celui d’Arphaxad est altéré, comme aussi très probablement celui de son adversaire Nabuchodonosor. II est certain d’ailleurs qu’on trouve, dans le livre de Judith, un tableau fidèle de l'état général de l’empire assyrien et des nations tributaires durant le règne d’Assurbanipal, vers l'époque de la révolte de Samas - soum - oukin, roi de Babylone. Robiou, Deux questions de chronologie et d’histoire éclaircies par les annales d’Assurbanipal, dans la Revue archéologique, 1875, et Comptes rendus de l’Académie des inscriptions et belles-lettres, 4e série, t. iii, p. 231 ; Vigouroux, La Bible et les' découvertes modernes, 5e édit., t. iv, p. 281-286. C’est, en effet, vers cette époque que les Mèdes, jusque-là divisés en tribus indépendantes, arrivent à constituer un royaume unique, capable bientôt d’entrer « n lutte avec l’Assyrie et de sub juguer les Perses : G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. ii, p. 378-383 ; les inscriptions cunéiformes nous représentent aussi les Mèdes comme vaincus par Assurbanipal, roi de Ninive ; malheureusement, les annales d’Assurbanipal faisant défaut pour la dernière moitié de son règne, il ne nous est pas donné d'établir le parfait accord entre les textes assyriens et le texte biblique, et la personnalité d’Arphaxad reste toujours obscure. Comme l’attribution à l'époque de Manassé et d’Assurbanipal des événements rapportés au livre de Judith a seule en sa faveur de très hautes probabilités, nous laisserons de côté sans les discuter les identifications proposées qui ne satisfont pas à cette condition chronologique, par exemple celle de Kitto, Biblical Cyclopœdia, t. i, p. 233, qui voit dans Arphaxad Assuérus ou l’Astyage d’Hérodote ; celle de Kaulen, Einleitung in die heilige Schrift, p. 223, qui le confond avec Arbace.

Hérodote, i, 98, attribue à Déjocès la fondation d’Ecbatane : aussi plusieurs commentateurs ou chronologistes, comme Ussher, Bellarmin, Huet, et récemment Gillet, dans la Bible de Lethielleux, Judith, p. 74, le confondent avec TArphaxad biblique ; mais la Vulgate ne dit pas que ce prince fut le premier fondateur d’Ecbatane ; le terme ledificavit qu’elle emploie, comme l’wxo8<5|Aii<7E des Septante, peut signifier simplement qu’il fortifia, agrandit sa capitale. C’est bien le sens du mot « bâtir » chez les écrivains anciens, sacrés et profanes. Cf. III Reg., XII, 25 ; Strabon, xi, 13, édit. Didot, p. 450, etc. H faut bien reconnaître ainsi que la forme Déjocès, ou sa transcription assyrienne Daiakku, ne se rapprochent guère de la forme biblique. Quant à dire que ce Déjocès s’appelait aussi Phraazad, du nom d’un Phraorte, souche de cette lignée royale, c’est pour le moins très hypothétique.

Houbigant, Montfaucon, dom Calmet, et plus récemment O. Wolf, Bas Buch Judith als geschichlliche Urkunde vertheidigt, 1861 ; Smith, Dictionary of the Bible, t. i, p. 116, et F. Vigouroux, Les Livres Saints et la crirtique rationaliste, ¥ édit., t. iv, p. 568-571, ont rapproché Arphaxad d’un autre Phraorte, fils de ce même Déjocès, en transcription mède et perse Parruvartis ou Pirruvartis, qui régna de 657 à 635. L’bistoire de ce dernier, rapportée par Hérodote, i, 102, s’accorde assez facilement avec le récit biblique : il s’asservit d’abord les Perses, puis d’autres nations circon voisines, et attaqua enfin les Assyriens de Ninive ; mais il fut vaincu et périt avec la plus grande partie de son armée, après un règne de plus de vingt et un ans. Tandis que Maspero, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, 1886, p. 496 et 508, et G. Rawlinson, The five great Monarchies, t. ii, p. 383, n. 10, contestent l’existence même de Déjocès et de Phraorte, sans raison bien décisive d’ailleurs, Fr. Lenormant, Lettres assyriologiques, 1™ série, t. i, p. 55-72 ; Lenormant-Babelon, Histoire ancienne de l’Orient, t. v, p. 420-421, 424-428, et Delattre, Le peuple et l’empire des Mèdes, p. 129-175, démontrent l’authenticité des récits d’Hérodote relatifs à ces deux règnes, au moins dans les grandes lignes. Non seulement cette conclusion est aussi admise par M. J. Oppert, mais ce savant n’hésite même pas à attribuer la défaite de Phraorte à Assurbanipal, roi de Ninive (668626), qui est très vraisemblablement le Nabuchodonosor de Judith, Ije peuple et la langue des Mèdes, p. 21. Il est possible que cet événement ait pris place dans la seconde moitié du règne d’Assurbanipal, dont nous n’avons pas les annales ; mais on peut aussi en retrouver quelque trace dans la première partie des annales, qui relatent, avant un soulèvement général des tributaires de l’empire ninivite, à l’instigation de Samas-soum-oukin de Babylone, une campagne contre la Médie et les régions voisines dans laquelle le roi d’Assyrie combattit « Birizljatri, chef des Mèdes, le prit vivant, et l’emmena à Ninive », après s'être emparé aussi « de soixante - quinze places fortes ». The cuneiform Inscriptions of Western Asia, t. iii, p. 31, col. iii, J. 111, col. iv, 1. 15 ; J. Menant, Anna les des rois