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ARŒR


à l’extrémité méridionale des possessions israélites, ne pouvait servir de limite commune à deux tribus dont l’une était au nord de l’autre. Cette distinction ressort d’un autre passage, Jud., xi, 33, où il est dit que Jephté, combattant les Ammonites, « frappa d’uu désastre immense vingt villes, depuis Aroër jusqu’aux abords de Mennith et jusqu'à Abel-Keramim. » « Il s’agit certainement ici, de même qu’au ꝟ. 26, d' Aroër de Gad, qui, d’après Jos., xin, 25, n'était pas éloignée de Rabbath-Ammon. Si on voulait y voir Aroër sur l’Arnon, Jephté aurait bien alors poursuivi les ennemis du midi au nord ; mais on n’indiquerait pas comment il eût pu, de l’extrémité méridionale, séparée du pays de Galaad par une longue étendue de terrain, commencer une pareille expédition. Les Ammonites, Jud., x, 17, avaient fixé en Galaad, c’est-à-dire à l’extrême sud de ce pays, leurs tentes, peu éloignées peut-être d' Aroër de Gad. » F. de Hummelauer, Commentarius in libros Judicum et Ruth, Paris, 1888, p. 227.

S’agit-il également de cette ville dans Il Reg., xxiv, 5? La question n’est pas si claire : il importe cependant de la traiter avant de parler d’un emplacement plus ou moins probable. Il est dit, dans ce texte, que Joab et sa suite, partant, d’après l’ordre de David, pour procéder au dénombrement d’Israël, « passèrent le Jourdain et vinrent à Aroër, à droite de la ville, qui est dans la vallée de Gad. » Leur trajet, décrit sommairement, nous les montre remontant de l’est au nord, puis descendant par les côtes de la Méditerranée jusqu'à la ville la plus méridionale de la Terre Sainte, c’est-à-dire Bersabée, pour rentrer de là à Jérusalem. Le commentaire suivant résume l’opinion de ceux qui appliquent notre passage à Aroër sur l’Arnon : « Cette ville célèbre est toujours décrite en ces termes : Aroër, qui est située sur la rive du torrent d’Arnon. Or, qu’elle soit maintenant décrite par ces mots : à droite de la ville, qui est dans la vallée de Gad, cela est tout à fait improbable ; ce serait, en effet, une description du connu par l’inconnu, puisque la vallée de Gad et la ville qui s’y trouvait ne sont mentionnées qu’en ce seul endroit. Donc avec Wellhausen nous unissons Gad au mot suivant : Ils vinrent… en Gad et jusqu'à Jazer. Jazer était presque au milieu de la tribu de Gad, tandis qu' Aroër était dans la tribu de Ruben. L’existence d’une Aroër de Gad, distincte d’Aroër sur l’Arnon, n’est pas suffisamment prouvée d’après Jos., xiii, 25, et Jud., xi, 26, 33 (voir plus haut cependant le commentaire du même auteur sur le dernier texte) ; cette ville existâtelle, il ne s’agit pas d’elle ici, car il est évidemment question d’un circuit commençant par l’extrême limite méridionale au delà du Jourdain, et se terminant à l’extrême limite méridionale en deçà ; enfin, si le trajet commençait à la tribu de Gad, la tribu de Ruben n’eût pas été recensée, quoique, d’après I Par., xxi, 6, les seules tribus de Lévi et de Benjamin soient exceptées. D faut donc traduire ainsi avec Calmet : Et ils campèrent (hébreu, Septante, chaldéen) à Aroër, à droite de cette ville, qui est au milieu de la vallée. Joab, avec sa suite nombreuse, semble s'être successivement arrêté dans les différents endroits où les habitants les plus éloignés pouvaient se rendre… Les mots suivants : en Gad et jusqu'à Jazer, indiquent la direction du voyage à partir d’Aroër, l’auteur ayant toujours devant les yeux le mot suivant : yâbô'û, « ils vinrent. » Il faut avouer cependant que toute la construction devient très simple au moyen d’une légère correction, proposée par Wellhausen, 17H7D, mê'Àrô'êr, au lieu de lyiTn, ba'Àrô'êr : et ils vinrent (Vulgate, syriaque) d’Aroër, de la partie orientale de la ville, qui est au milieu de la vallée, en Gad et jusqu'à Jazer. s, beth, et d, mem, sont très souvent mis l’un pour l’autre ; si le beth se lit maintenant dans tous les textes, ir peut se faire aussi que le changement soit antérieur à toutes les versions. » F. de Hummelauer, Commentarius in libros Samuelis, Paris, 1886, p. 447-448. On trouvera peut-être l’explication un peu compliquée.

BICT. DE LA BIBLE

Ceux qui, sans changer le texte, l’appliquent à Aroër de Gad, cherchent cette ville dans une vallée quelconque au-dessus ou aux environs d’Amman. Pour Gesenius, Thésaurus, p. 1074, la « rivière de Gad » est un bras du Jaboc (Nahr Zerka) ; pour d’autres, le Jaboc lui-même. Pour Keil, Josua, Leipzig, 1874, p. 109, c’est Youadi Amman, et la ville serait Qala’at Zerka Gadda, au nordest d’Amman, sur la route des Pèlerins. Mais peut-on dire d’une localité située à cette distance qu’elle est « en face de Rabbah s ? Et puis n’estelle pas trop dans le territoire ammonite ? Inutile aussi de chercher notre Aroër à Ayra ou Airéh, village situé au sud-ouest d’Es-Salt, sur une colline qui s’avance dans la plaine entre deux cours d’eau : ni le nom ni la distance ne conviennent. En somme, tout en maintenant la distinction entre les deux Aroër, nous restons jusqu’ici dans l’impossibilité de trouver à celle de Gad une identification plausible.

Les deux villes d’Aroër dont nous venons de parler sont vraisemblablement mentionnées dans Isaïe, xvii, 2. Le prophèfe, annonçant la ruine de Damas et celle d’Israël, débute par ces mots :

1. Voici que Damas va cesser d'être une ville, Et elle deviendra un monceau de ruines. _2. Les villes d’Aroër seront abandonnées, Livrées aux troupeaux qui s’y reposeront Sans que personne les en cbasse.

Quelques interprètes ont pensé qu’il s’agit ici d’une ville distincte d’Aroër sur l’Arnon et d’Aroër de Gad. Nous ne le croyons pas. Voici du reste les renseignements que nous fournit l’exégèse. Les manuscrits hébreux n’offrent pour 'Arô'êr aucune variante. Cependant les versions anciennes présentent des divergences. Les Septante, lisant 17 nr, 'âdê 'ad, au lieu de iy"ny, 'Ârô'êr,

ont traduit par eîç tov atwva, « abandonnée pour toujours. » La paraphrase chaldaïque a vu ici un verbe : « leurs villes abandonnées seront dévastées. » La version syriaque porte 'Adô'îr ; mais c’est une faute facile à comprendre, le dolath et le risch ne différant que par un point placé au-dessous ou au-dessus du signe. — Les principales opinions émises par les commentateurs sont les suivantes. J. F. Schelling, qui, dans ses Animadversiones philologico-crit. in difficiliora Jesaix loca, p. 29 et suiv., expose et réfute les conjectures des interprètes modernes, pense qu’il faut lire : ny _ ny, 'âdê-'Ar, « les

villes seront abandonnées jusqu'à Ar, » c’est-à-dire Ar-Moab. D’autres, admettant la leçon du texte hébreu, disent que 'ârê 'Arô'êr est mis pour « villes auprès ou autour d’Aroër », comme, Jos., xiii, 17, 'ârê Ifésbôn signifie « villes autour d’Hésébon », expression correspondant à celle que l’on retrouve si souvent : une ville et ses filles. Dans ce cas, quelques-uns, comme Adrichomius, Iheatrum Terrse Sanctæ, Cologne, 1590, p. 78, font « des villes d’Aroër » une contrée de la Syrie Damascène ; mais on n’en trouve mention nulle part. Gesenius, Der Prophet Jesaia, Leipzig, 1821, 1. 1, p. 556, applique le passage à l' Aroër du nord, celle de la tribu de Gad, et rapporte la dévastation de ce pays à l’invasion de Théglathphalasar. IV Reg., xv, 29. Enfin la plupart des auteurs pensent qu’il s’agit simplement ici des deux Aroër, celle de Ruben et celle de Gad, comme représentant tout le territoire transjordanique, menacé des mêmes châtiments que Damas. Cf. J. Knabenbauer, Commentarius in Isaiam, Paris, 1887, p. 358 ; Trochon, Isaïe, Paris, 1878, p. 105 ; Fr. Delitzsch, Commentar ùber dos Buch Jesaia, Leipzig, 1889, p. 233 ; Rosenmûller, Scholia in Vêtus Testamentum, Jesaias, Leipzig, 1829, t. i, p. 588-589. À. Legendre.

3. AROËR, ville de Juda, mentionnée une seule fois, I Reg., xxx, 28, à propos des dons que David, revenu à Siceleg, après sa victoire sur les Amalécites, envoya à

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