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ARMÉNIENNE (VERSION) DE LA BIBLE — ARMON


Bibliographie. — Parmi les ouvrages cités dans le cours de cet article, on devra consulter plus spécialement : Joh. Joacb. Schrœder, Thésaurus lingvse armenicæ antiquse et hodiernx, in-4°, Amsterdam, 1711 ; Lelong, Bibliotheca sacra, édit. de Maseh, 5 in-i°, Halle, 1778-1790 ; Sukias Somal, Quadro délia storia letteraria cl’Arrnenia, in-8°, Venise, 1829 ; Neumann, Versuch einer Geschkhte des armenischen Literatur, nach den Werken der ilecliitaristen frei bearbeitet, in-8°, Leipzig, '1836 ; P. Karekin, Bibliographie arménienne : historique et catalogue des livres arméniens imprimés du xvi' siècle jusqu'à nos jours, avec extraits des préfaces ( en nxinénien moderne), in-8°, Venise, 1883 ; du même auteur, Catalogue des anciennes traductions arméniennes (ive-xme siècle), in-8°, Venise, 1889 (en arménien moderne). On trouvera d’intéressantes notices sur les éditions complètes de 1666, 1705 et 1733, dans Clément, Bibliothèque curieuse, t. iii, p. 428 et suiv. H. Hiterxat.

    1. ARMON##

ARMON (hébreu : Haharmônâh, avec l’article ; Septante : 'Pojijiiv ou TE|i[j.dc), lieu d’exil où devaient être transportés les Israélites. Amos, IV, 3. C’est un nom qu’on ne lit qu’une fois dans la Bible et qui est une énigme pour les interprètes. Les moyens que fournissent la critique textuelle et l’exégèse n’ont pu jusqu’ici en donner une explication satisfaisante. Voici les renseignements que nous pouvons tirer des manuscrits, des versions, des interprètes et du contexte.

Au point de vue des variantes, on trouve : dans seize manuscrits, " : 2-nn, haharmanah ou haharmonah, sans vav porte cholem ; dans trois : nnsinn, haharmônâh, avec heth et vav porte cholem ; dans un : ~-~2 "~n, hahar Monah, en deux mots ; enfin, dans un autre : - :  !  : - ; -, ha’armônah, avec aïn. Cf. B. Kennicott, Vêtus Testamentum hebraicumeum variis lectionibus, Oxford, 17701780, t. ii, p. 264 ; J.-B. de Rossi, Scholia critica in V. T. Ubros, Parme, 1798, p. 85-86.

Les versions anciennes, suivant plus ou moins l’une ou l’autre de ces leçons, ont toutes vu ici un nom composé, dont la première partie est ~nn, hàhâr, « la montagne ; » Symmaque seul fait exception. Les Septante semblent avoir lu jsi inn, hâhàr Rimmân, puisqu’ils traduisent :

eî ; t’o opoç tô 'Po ; j.u.dcv ou 'Pe|i)xiv, « vers la montagne de Remman. » Aquila donne : e ! ç 'Apijiavoc ô'po : , « vers le mont Armana ; » Théodotion : eî ; j^ïjXôv 6'po ; , « vers une montagne élevée ; » et la cinquième version : [s !  ; 6'po ; ] Movi, « [vers la montagne] de Mona. » Pour ces deux dernières, nous suivons les Hexaples d’Origène, d’après l'édition de Montfaucon, Paris, 1713, t. ii, p. 356 ; car saint Jérôme, dans son Commentaire sur Amos, t.xxv, col. 1024, attribue à Théodotion la traduction de la cinquième version et vice versa. Symmaque donne simplement : d ; 'Epur^i’av ou 'Appievîav, « vers l’Arménie. » C’est également cette province que désignent la paraphrase chaldaïque et la version syriaque, qui traduisent toutes deux : > ; >mn >", ."'3, turc

harmênî, « les montagnes d’Arménie. » Saint Jérôme, dans la Vulgate, se rapproche d' Aquila en mettant Armon. En résumé, les versions anciennes, à l’exception d’une seule, voient dans Haharmônâh un nom propre, soit celui de l’Arménie, soit celui d’une montagne particulière. Parmi les interprètes anciens et modernes, les uns, de l'école juive surtout, reconnaissent ici un nom commun ; les autres, et c’est le plus grand nombre, y trouvent un nom propre. — Raschi prétend qu’il faut demander l’explication de Haharmônâh à l’araméen nrc", harmô nah, ou NJDin, harmântV, usité aussi dans le Talmud,

et qui signifie « pouvoir royal ». Le sens de la phrase serait alors : Et abjicietis auctoritatem seu potestatem regiam, c’est-à-dire « vous perdrez ce faste, cette arrogance, cette autorité dont vous vous prévalez aujourd’hui ». Cf. Rosenmûller, Scholia in V. T., Prophète minores,

Leipzig, 1827, t. ii, p. 93. La ponctuation massorétique, d’après laquelle le verbe n ; r : Ttri, hislakténâh, est à la

forme hiphil, par conséquent active, semblerait favoriser cette opinion ; mais une double difficulté se rencontre. D’abord on ne comprend pas comment, pour une chose si souvent mentionnée dans l’Ancien Testament, le prophète eût employé ici un mot qui ne se retrouve pas dans l’ancien hébreu ; c’est la remarque de Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1838, p. 193, n. 1. Ajoutons ensuite avec Rosenmiiller. loc. cit., que, si haharmônâh était un nom féminin. l’accent serait sur la dernière syllabe, tandis qu’il est placé sur la pénultième : le lié final est donc local ; à moins qu’on en fasse un lié paragogique. Kimehi, pensant que ri : 1.-", hartnônâh, est mis pour

n : '~-s, 'armûnàh (avec permutation entre hé et aleph),

adopte ce sens : « Vous vous précipiterez vous-mêmes dans le palais » ou la citadelle royale, pour fuir de là par une porte dérobée, comme fit Sédécias. IV Rcg., xxv, 4 ; Jer., xxxix, 4. C’est également, avec une légère variante, l’opinion de Gesenius, Thésaurus linguee heb., p. 390. Rattachant harmônâh à la racine inusitée nin,

hâram, identique à r _ x, 'âram, « être élevé, » il assimile

harmôn à 'armôn, « palais, citadelle, » et traduit ainsi le passage d’Amos : « Vous serez jetées, » c’est-à-dire captives, vous serez honteusement emmenées, « dans la citadelle ennemie. » Afin que ce sens fût acceptable, il faudrait au mot « palais » ou « citadelle » un déterminatif quelconque.

Pour les exégètes qui admettent ici un nom propre, c’est un nom de lieu ; pour quelques-uns seulement, un nom de déesse. Bochart, Phaleg., Cæn, 1646, p. 22, 23, se demande si nra, mônâh, ne serait pas identique à

iîd, Minnî, dont parle Jérémie, li, 27, contrée qui, jointe

à 'Arâratet 'Askenâz, doit correspondre à Minyas, partie de l’Arménie. En effet, dit-il, au lieu de Minni, le chaldéen a Harmênî, « Arménie ; » ce qui n’est probablement pas inexact, car le mot « Arménie » semble venir de > : D™in, Har-Mini, c’est-à-dire « montagne de Mini » ou de Minyas, dénomination qui s'étendit plus tard à toute la province. Vater, adoptant la leçon ru-n^n-, haharmônâh, avec un

heth, traduit ainsi : « Vous serez chassés vers l’Hermon, » c’est-à-dire que, pour être transportés en Assyrie, les Israélites devaient passer au delà du grand Ilermon, frontière septentrionale du royaume d’Israël. Reuss, Les Prophètes, Paris, 1876, t. i, p. 106, ne trouvant au texte imprimé aucun sens plausible, admet cette traduction, tout en la regardant comme purement conjecturale. Il ne lui manque, pour être acceptable, que d'être appuyée par un plus grand nombre de manuscrits.

Malgré leurs défauts, ces opinions sont encore plus admissibles que certaines conjectures des commentateurs modernes, rapportées et justement combattues par Keil, Die kleinen Propheten, p. 193. Hitzig veut décomposer nrainn en inrt, hàhâr, et ni^2, mônâh, mis pour n : 'yc,

me'ônâh : « vous vous précipiterez dans la montagne comme dans une place de refuge. » À ce sens s’oppose cette triple raison : 1° que le verbe hislik ne signifie pas « se précipiter » ; 2° que la contraction de me'ônâh en mônâh est invraisemblable, puisque Amos, au chapitre précédent, iii, 4, emploie me'ônâh ; 3° enfin que me'ônâh signifie « habitation », et non pas « place de refuge ». Ewald lit comme les Septante Hâhàr Rimmônâh, et traduit : « Vous jetterez dans la montagne la Rimmona, » qu’il tient pour une déesse des Syriens. Mais de cette divinité l’antiquité ne sait rien, et de l’existence du dieu Bimmon, mentionné IV Reg., v, 18, ne suit pas celle d’une déesse Rimmona. Encore plus faible est l’explication donnée par Schlottrnann, Hiob, p. 132, et Paul Botticher, Rudimenta mythologim semiliese, in-8°, Berlin,