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ARMENIE


dans la vallée de l’Araxe. L’Arménien est trapu et vigoureux ; il s’entend à l’agriculture, mais plus encore au commerce, dont il est le roi en Orient. Les centres d’habitation sont loin d’avoir l’importance et la population dont ils jouissaient s’rant les invasions arabes et tartares, qui ont décimé ou chassé les habitants.

III. Histoire. — Il est démontré que, dans les temps historiques, l’Arménie a été habitée par deux races différentes : une race blanche allophyle et une race aryenne.

A) La race blanche allophyle est celle que la table ethnographique delà Genèse, .x, 2, désigne scfUs le nom ethnique de Magog (Lenormant, Les origines, t. ii, p. 470 et suiv. ; Histoire ancienne, t. i, p. 295 et 302), second fils de Japhet. Elle correspond aux Alarodiens et aux Saspires d’Hérodote. Par les traits physiques elle se rattache incontestablement au type de la race aryenne ; mais elle s’en distingue radicalement par sa langue. Cette race semble avoir d’abord habité les vallées du Kour et de l’Araxe, d’où elle se serait répandue dans les montagnes et sur les hauts plateaux de l’Arménie, à une époque difficile à préciser. Là elle établit un royaume que les monuments indigènes nomment Biaïna, tandis que les monuments assyriens l’appellent Urartu ; on peut expliquer ce désaccord apparent en supposant que le royaume & Urartu désignait primitivement la vallée de l’Araxe, l’Ararat de Moïse de Khorène, et que ce royaume ayant été dans l’origine le plus puissant de l’Arménie, les Assyriens prirent l’habitude de désigner le pays tout entier par le nom d 'Urartu, même après que le royaume de Van, Biaïna des textes vanniques, lui eut ravi l’hégémonie de l’Arménie.

Quant à la capitale, la ville de Van actuelle, elle est appelée Dliuspas par les inscriptions vanniques, et Turuschpa par les textes assyriens. L’histoire de l’Urartu = Biaïna nous est connue par les annales des rois d’Assyrie et par les monuments indigènes. Ceux-ci sont en très grande partie de colossales inscriptions sculptées sur la face préalablement aplanie des rochers, ou des inscriptions votives gravées sur des stèles, dont quelques-unes semblent avoir servi d’autels. On a trouvé aussi quelques fragments de boucliers avec des inscriptions dédicatoires aux dieux nationaux. Perrot, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. ii, p. 756.

Voici, d’après les monuments des deux pays, la liste synehronistique des rois d’Urartu et d’Assyrie, pour l'époque qui nous occupe.

Bois d’Assyrie.

Rois d’Arménie.

859

825.

Salmanasar II.

Arram, vaincu en 857 et 845°

Lutipris. »

Sarduris I, vaincu en 833.

824

812.

Samsi-Rammân III.

Ischpuïnis.

811

783.

Raramâu-Nirâr III.

Menuas.

782

773.

Salmanasar III.

Argischtis I.

772

755.

Assurdan III. »

7.M

746.

Assur-Nirâr II.

Sarduris II.

745

-728.

Théglatûphalasar II. » battu en 743.

722

705.

Sargon.

Ursa, vaincu, se suicide en 71°

Argischtis II intrigue en 708.

704

681.

Sennacliérib. »

631

669 (?) Asarhaddon.

Ériménas.

609

626

(?) Assurbanipal.

Rusas. »

Sarduris lit.

Les deux rois d’Urartu les plus célèbres sont Ménuas et son fils Argischtis I er. Celui-ci porta à son apogée la gloire militaire de son pays ; c'était à une des périodes d’abaissement de l’Assyrie. Sarduris II ne fut pas moins heureux que son père, pendant les premières années de son règne ; mais l’Assyrie s'étant relevée plus forte que jamais avec Sargon, le roi d’Urartu vit rapidement décli ner sa fortune. Son successeur Ursa, homme aussi diplomate que belliqueux, lutta héroïquement, mais en vain. L Urartu ne fut pas moins maltraité que le royaume d’Israël, qui avait succombé quelques années auparavant sous les coups du conquérant assyrien. Ursa préféra se donner la mort que de tomber aux mains du vainqueur. Néanmoins, grâce à ses montagnes presque inaccessibles et à son éloignement, l’Urartu se releva insensiblement et vécut en assez bons termes avec sa puissante voisine, jusqu’au jour où la fortune de celle-ci commençant à décliner, les Mèdes, entraînant les Urartiens à leur suite, allèrent se joindre aux Chaldéens pour renverser définitivement le colosse ninivite, qui les avait tous opprimés pendant si longtemps.

Les Urartiens adoraient le dieu Khaldis, leur dieu national, et d’autres dieux, dont quelques-uns, quarantesix environ, ont chacun leur nom, tandis que d’autres sont désignés par le titre d’enfants de Khaldis. Khaldis est généralement associé aux dieux de l’Air et du Soleil (Teïsbas et Ardinis, suivant M. Sayce). Cette triade suprême semble empruntée du Panthéon assyrien ; suivant M. Sayce, les Urartiens avaient aussi pris des Assyriens le culte de la déesse Istar, la seule divinité féminine de leur Panthéon. D’ailleurs il est démontré que le syllabaire vannique est d’origine assyrienne : il fut introduit par Sarduris I er, et même les deux inscriptions que nous avons de ce roi sont rédigées en langue assyrienne. — La langue employée par les successeurs de ce roi n’a rien de sémi- tique ni d’aryen. Fr. Lenormant a été le premier à montrer qu’elle était étroitement apparentée au géorgien, et cette découverte a été confirmée par les études des savants qui se sont occupés après lui de la langue des anciens Arméniens. — Les arts industriels de l’Urartu, tels que nous les connaissons d’après les objets de bronze ou autres, trouvés dans les fouilles de Toprak-Kaléh, près de Van, sont également empruntés des Assyriens.

Le quatrième livre des Rois et celui d’Isaïe, xxxvii, 38, nous disent qu’Adramélek et Sarasar, après avoir assassiné leur père Sennachérib, s’enfuirent en Ararat. D’après Moïse de Khorène, qui s’appuie sur le témoignage de Mar Apas Catina (Moïse de Khorène, i, 32, dans la Collection des historiens anciens et modernes de l’Arménie, par Langlois), Sarasar ou Sannasar se serait établi dans la montagne de Sim, entre le Murad-Sou et le Tigre occidental. Adramélek ou Atramélek, appelé aussi Arkamozan, aurait eu en partage les montagnes au sud du lac de Van. C’est de ce dernier que descendraient les deux grandes familles des Ardzrouniens et des Kenouniens. La famille des Ardzrouniens acquit une influence considérable en Arménie, à l'époque des invasions arabes, et fonda un royaume qui eut Van pour capitale (908-1080). Un de ses rois les plus fameux, Sennachérib (1003-1021), fonda le fameux monastère dit maintenant « les sept églises », dans la montagne de Varak, à l’est, et près du lac de Van. Cf. Moïse de Khorène, Histoire d’Arménie, passim, dans la Collection de V. Langlois, et aussi Dulaurier, Historiens arméniens [dans les Historiens des Croisades], Chronologie arménienne, etc. — Le souverain d’Arménie qui accueillit si bien les deux parricides est probablement l’Argischtis II des inscriptions vanniques. Moïse de Khorène, i, ch. xxiii, le nomme Sgaïorti.

B) Bace aryenne. — Cette race est désignée dans la table ethnographique de la Genèse, x, 3, par l’ethnique Thogormah, troisième fils de Gomer. D’après Fr. Lenormant, les fils de Gomer. après avoir erré dans les grandes plaines au nord du Caucase et du Pont-Euxin (plaines où ils habitaient probablement encore au temps de la rédaction de la table ethnographique), continuèrent, en descendant sur le bassin inférieur du Danube, la migration qu’ils avaient commencée sur les hauts plateaux de l’Asie centrale. De là ils passèrent en Thrace ; puis, franchissant l’Hellespont et le Bosphore, ils pénétrèrent dans l’Asie Mineure. Les uns (Ascenez) s'établirent dans la partie occidentale,