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ARMÉNIE


dant la surface quadrangulaire, limitée par ces quatre lignes extrêmes, englobe certains pays qui n’ont jamais été arméniens, au sens propre du mot, et, en retour, la domination et l’influence arméniennes ont fréquemment dépassé ces limites, à l’ouest de l’Euphrate surtout. Déjà, au temps des Romains, une partie de l’Asie Mineure occidentale était devenue l’Arménie Mineure, le grand massif dont nous avons parlé ayant pris le nom d’Arménie Majeure. Nous étudierons rapidement : A, la géologie ; B, l’orographie ; C, l’hydrographie : D, le climat ; E, les productions ; F, la population de l’Arménie.

A) Géologie. — Le massif de l’Arménie consiste en chaînes de montagnes parallèles, reliées par de hauts plateaux au-dessus desquels elles ne s'élèvent pas considérablement. Ces chaînes suivent la même direction que celles du Caucase, de l’Asie Mineure et du Kurdistan ; d’ailleurs elles sont dues aux mêmes causes que celles-ci ; elles remontent à la même époque et sont composées des mêmes roches. Ces roches sont, en très grande partie, d’origine plutonienne, et dans l’espèce le trachyte et le porphyre y sont plus communs que le granit et la syénite. A la fin de l'époque tertiaire, l’Arménie avait déjà le relief et l’aspect général qu’elle présente aujourd’hui, et la période d’activité volcanique avait commencé. Celle-ci fut de très courte durée sur les hauts plateaux : elle ne réussit même pas à y former de vrais cratères d'éruption, sans doute à cause de la trop grande résistance des assises plutoniennes. En revanche elle s’exerça librement le long des grandes lignes de dislocation, où elle créa de gigantesques cônes de soulèvements : par exemple, sur le rebord méridional du haut plateau qui domine la vallée de l’A. axe au nord (Ala-Gueuz, 4100 iii), et sur le rebord septentrional du haut plateau qui domine cette même vallée au sud : le grand et le petit Ararat, respectivement 5 1(50™ et 4 000 m ; le Tandourek, 3300™ ; l’Ala-Dagh, 3520™, et toute la rangée des cônes qui jalonnent l’Aghri-Dagh, à l’ouest de l' Ararat ; de même encore sur les bords du lac de Van : le Seïpan-Dagh, 3800 m au nord, et le NimroudDagh, 2600 m à l’ouest. Sur ces différents points, l’action volcanique fut persistante autant qu'énergique, et finit par ouvrir une longue ceinture de cratères d'éruption, d’où s'échappèrent de fortes coulées de laves et d’autres roches volcaniques, qui couvrirent comme d’une série de manteaux les anciens cônes de soulèvement. Cette activité des forces intérieures survécut à l'époque tertiaire ; elle était encore puissante à l’aurore des temps historiques, et maintenant elle n’est pas encore complètement éteinte.

B) Orographie. — On peut réduire tout le système orographique de l’Arménie à deux grandes chaînes (lig. 273). L’une part du mont Ararat, d’où elle se dirige vers l’ouest en décrivant une courbe, dont la convexité est tournée vers le nord, et qui se termine au Bin-gueul-Dagh ; puis elle se continue, toujours vers l’ouest, presque en ligne droite, s’abaissant graduellement, et s’arrête enfin brusquement pour livrer passage à lEuphrate. Du mont Ararat au Bin-gueul-Dagh, cette importante chaîne sépare les deux grandes vallées de l’Araxe et du Mourad-Tchaï ; à partir du Bin-gueul-Dagh, elle divise les bassins du Kara-sou ou Euphrate occidental (le véritable Euphrate), de celui du Mourad-Tchaï, ou Euphrate oriental. Sa longueur totale est d’environ 700 kilomètres. Du Bin-gueul-Dagh se détache, au nord, une ramification puissante, qui s'étend jusqu'à la grande chaîne du Caucase, formant le faîte de séparation entre les vallées de l’Euphrate et de l’Araxe d’abord, puis entre les bassins de la mer Noire et de la mer Caspienne. À peine arrivée au quart de sa course, elle pousse deux branches vigoureuses : l’une, à droite, qui sépare les deux vallées de l’Araxe et du Kour ; l’autre, à gauche, qui, après avoir divisé les eaux de l’Euphrate de celles de la mer Noire, va se perdre dans les hauts plateaux de la Cappadoce. — La seconde chaîne part aussi du mont Ararat, et, de même que la première, commence par décrire une courbe, dont la convexité toutefois est

tournée vers le sud. Aux temps préhistoriques, cette chaîne devait, dans la première partie de son cours, séparer la vallée du Mourad-Tchaï de celle du Tigre oriental, comme plus loin elle la sépare du bassin du Tigre occidental. Une dépression survenue à son centre a créé le bassin du lac de Van ; en sorte que la chaîne semble se bifurquer, presque dès son origine, en deux rameaux qui entourent le lac et se rejoignent au sud-ouest, pour continuer ensuite vers l’ouest sous la forme d’une chaîne unique, jusqu'à la profonde crevasse où coulent les eaux réunies des deux Euphrates.

On ne saurait dire quels noms les géographes classiques donnaient à ces deux chaînes et à leurs différentes parties. Ils les désignent parfois sous le nom général de Taurus, qui s’appliquait aussi et principalement aux montagnes de la Cilicie. Toutefois il est à peu près certain que l’AlaDagh, au nord du lac de Van, est le mont Niphales des anciens. Aucun des nombreux noms de montagnes qu’on lit dans les annales des rois d’Assyrie n’a pu être identifié. Voir Ararat.

C) Hydrographie. ~ Les trois fleuves principaux de l’Arménie sont : l’Euphrate, le Tigre et l’Araxe. Voir ces mots. L’Arménie possède un grand nombre de lacs ; en général ils ne sont pas très considérables. Les deux principaux sont : celui de Sevanga et celui de Van. Le lac du Sevanga (Lychnitis des anciens, Gueuk-Tchaï des Turcs) occupe une vaste dépression au centre de la chaîne de l’Anti -Caucase. Il se déverse dans l’Araxe par le Zengui - Tchaï, au nord-ouest. Le lac de Van (peutêtre la mer supérieure du Naïri des textes assyriens, le Thospitis des classiques) est le lac, ou plutôt la mer arménienne par excellence.

D) Climat. — L’Arménie doit les particularités de son climat à sa grande élévation, qui est de 1 500 à 2000 mètres en moyenne, ainsi qu'à la grande multiplicité de ses lacs et au voisinage de la mer Noire. L’humidité est assez considérable : on évalue à cinquante centimètres la quantité moyenne de pluie que reçoivent les hauts plateaux. Il n’y a guère que deux saisons : l’hiver et l'été ; les extrêmes observés du jour le plus froid au jour le plus chaud de l’année sont de — 25° et de + 44° degrés, même et surtout dans la plaine de l’Araxe.

E) Production. — Les montagnes de l’Arménie sont complètement dénudées. On n’y rencontre d’autres arbres que ceux qui ont été plantés de la main de l’homme, autour des villages. Ces vergers sont généralement d’une fraîcheur et d’une fertilité surprenantes. La vigne est cultivée avec succès dans les vallées, principalement dans celle de l’Araxe et tout autour du lac de Van. Dans quelques endroits très abrités, l’oranger et le citronnier vivent en pleine terre ; mais nulle part ne croît l’olivier. On cultive le froment jusqu'à dix-huit cents mètres, et à deux mille cent mètres on trouve encore des orges. Les hauts plateaux abondent en excellents pâturages, qui nourrissent des milliers de moutons à grosse queue. Le gros gibier, manquant d’abris, est fort rare. Les lacs et les rivières abondent en palmipèdes. La perdrix pullule partout. Les corneilles sont presque aussi communes, près des villages, que les passereaux chez nous. — Les deux animaux domestiques par excellence sont le cheval et le buffle. Notre vache domestique y est rare. Peu de contrées sont aussi riches que l’Arménie en sources minérales chaudes ou froides. Il paraîtrait que certains districts contiennent d’importants gisements de charbon. Nulle part on ne s’en sert. On brûle généralement des galettes faites de bouse de buffle avec une faible proportion de paille hachée.

F) Population. — Elle est très mélangée ; les Arméniens et les Kurdes y sont en nombre à peu près égal ; ils forment ensemble la moitié de la population ; l’autre moitié est turque ou turcomane. Telle est au moins la proportion dans les deux vilayets d’Erzeroum et de Van ; les Arméniens sont relativement beaucoup plus nombreux