Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/55

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Bible n’est pas un traité d’astronomie, d’histoire naturelle, de science révélée, nous le savons. Mais sous prétexte que la Bible ne sanctionne pas la moralité des faits qu’elle raconte, ne serait— il pas bien téméraire de dire qu’elle ne sanctionne pas la vérité de ses récits ? Sans doute Abraham est sorti de la Chaldée avec une formation intellectuelle toute faite ; il a puisé sous l’inspiration de Dieu, dans les souvenirs de sa famille sémitique, les traditions anciennes, comme une abeille extrait son miel le plus pur de plantes différentes ; mais on va beaucoup plus loin et on glisse dans l’abîme. On va jusqu’à dire que les récits racontés par Moïse sont des mythes, que Dieu a pu attacher des enseignements religieux à des allégories et à des paraboles, comme faisait Notre-Seigneur ; que ce qui ne nous choque pas dans le Nouveau Testament doit encore moins noue étonner dans l’Ancien ; que l’inspiration de l’Écriture, n’étant pas une garantie de la moralité des faits racontés, ne doit pas l’être de leur véracité. Il y a là un immense danger que je me borne à signaler. Quoi qu’on en dise, on ne saura où s’arrêter. Qu’il faille interpréter autrement qu’on ne l’a fait certains récits de la Bible, ce n’est pas contestable ; qu’il faille tenir compte du génie oriental, si différent du nôtre, admettre des récits symboliques, poétiques, comme certains passages de Job ou autres, ce n’est pas douteux ; mais qu’il faille sacrifier la vérité historique des dix premiers chapitres de la Genèse, cela me paraît inadmissible. Alors il n’y a plus de raison pour ne pas rejeter le côté miraculeux du livre : tout sautera, même le Nouveau Testament. Les catholiques qui soutiennent ces témérités répondent que l’Église infaillible sera toujours là pour nous éclairer ; c’est une erreur, car l’Église ne saurait intervenir à chaque instant dans les questions de faits.

Oui, il faut un guide sûr ; il faut un chemin que nous puissions suivre sans crainte d’aboutir à des fondrières ; un livre qui nous mette au courant de l’état actuel de la science, ne nous dissimule aucune difficulté réelle, et nous donne la solution que comporte l’état de nos connaissances. Ne quid veri non audeat, comme dit Léon XIII.

Le Dictionnaire ne sera pas un manuel, il ne sera pas non plus un traité d’exégèse. Il n’aura ni la belle ordonnance, ni l’enchaînement des idées qu’on admire dans les ouvrages spéciaux. L’ordre alphabétique s’y oppose ; il brise fatalement la suite logique, les intéressantes discussions sur des points controversés. En revanche, il donnera en peu de lignes tout ce que les lecteurs ont besoin de savoir ; il replacera les faits, les choses, les personnages dans leur vrai cadre, leur vrai jour ; il résumera les découvertes qui ont été faites en Assyrie, en Chaldée, en Égypte, en Syrie, ce qu’on a pu lire d’intéressant dans les inscriptions cunéiformes ou les papyrus, tout cela débarrassé des difficultés techniques et mis à la portée de tous les esprits un peu cultivés.

Ce qu’il ne donnera pas. — Ce qu’on ne trouvera pas dans le Dictionnaire, — j’en félicite les auteurs et surtout M. Vigouroux, — c’est la témérité des inventions. Le Dictionnaire n’est pas une arène où l’on puisse exposer des théories plus ou moins fondées ; il doit être l’expression de la vraie science catholique, de notre science à nous, et non une succursale des encyclopédies protestantes, un extrait de Graf, de Reuss, de Wellhausen. Indépendant de tout système, de tout parti pris, il nous apprendra ce qui est, et non ce qui pourrait être demain. Sans nous laisser ignorer les idées qui flottent dans l’air que nous respirons, qui pénètrent les esprits, il n’a pas à les faire siennes, à les discuter ex professo. Si, dans des ouvrages spéciaux, destinés à un public restreint et préparé par de fortes études théologiques et cri-