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ARGOB


d’après Keil, donné d’abord à la partie nord-est de Basan, le Ledjah actuel, ou plutôt à la grande région volcanique dont le point central forme le Safa, aurait été plus tard transporté à tout le pays du Hauran (c’est-à-dire de Basan), parce que non seulement le Djebel Hauran est de nature volcanique, mais encore le terrain de la plaine est en général composé d’un humus rouge-brun, qui est comme une efflorescence des roches éruptives, et le Ledjah lui-même n’est qu’un écoulement des cratères adjacents. Par sa formation basaltique, l’Auranitide se distingue ainsi du Belka, du Djebel Adjloun et du Djaulan, où dominent le calcaire et la craie. Cf. C. F. Keil, Die Bûcher Mose’s, Leipzig, 1870, t. ii, p. 423. De même pour H. Guthe, Argob est identique au royaume de Basan, puisque, dans deux passages différents, Deut., iii, 14, et Jos., xii, 4, 5, nous trouvons la même délimitation pour les deux pays. Seulement Argob, en tant que « district des places fortes », serait le siège particulier de l’empire sur tout le territoire de Basan, et, comme il est limité par les contrées de Gessur et de Maacha, il faut le chercher à l’est du Djaulan actuel. Cf. Zeitschrift des deulschen Palàstina-Vereins, Leipzig, 4889, t, xii, p. 237-238.

Eusèbe et saint Jérôme, parlant d’  « Argob, région d’Og, roi de Basan, sur le Jourdain », mentionnent un bourg appelé’Epfâ ou Arga, situé « dans les environs de Gérasa, ville d’Arabie, dont il était distant de quinze milles ». Cf. Onomaslicon, Gœttingue, 1870, p. 216 ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxill, col. 867. Pour Reland, Palseslina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. ii, p. 958, ’Ep^â, qu’il faut peut-être lire’EpyoêS, est la Bagab du Talmud, Mischna, Menachoth, viii, 3, renommée pour son huile ; la’Pctycéâ de Josèphe, Ant.jud., XIII, xv, 5, forteresse située au delà du Jourdain, dans la contrée des Géraséniens ; et il voit dans ce nom un vestige de celui d’Argob. On trouve encore aujourd’hui, à l’est du lac de Tibériade, au point de jonction du Nahr er-Rukkâd et du Schériat el-Menàdiréh (Yarmouk ou Hiéromax), une localité nommée Khirbet’Arqûb er-Rahouah. G. Schumacher croit que « c’est là le site de l’ancien Argob de la Bible, plutôt que dans la Trachonitide ou Ledjah ». Across the Jordan, Londres, 1886, p. 45. Ce sentiment nous paraît peu acceptable. A la rigueur, ’Arqùb pourrait rappeler le district dont nous parlons, comme, pour quelques auteurs, la ville de Bataniyéh, à l’est du Hauran, rappelle l’ancienne Batanée ; mais, outre que le nom lui-même, avec aïn initial et qof médial, s’éloigne de Y Argob primitif avec aleph et ghimel, on le retrouve dans plusieurs autres endroits de la Palestine, tant à l’ouest qu’à l’est du Jourdain. Il y a même aux environs de Jérusalem un district qui porte le nom d’Arkûb.

En somme, nous croyons que le territoire d’Argob ne doit pas être restreint au seul Ledjah, dont certains parages sont presque inhabitables ; et que, d’un autre côté, sans avoir toute l’étendue du royaume de Basan, il en devait comprendre une bonne partie. Limité à l’ouest par les pays de Gessur et de Maacha, Deut., iii, 14, c’est-à-dire, d’après plusieurs auteurs, certaines contrées du Djaulan et celles qui s’étendent au sud et au pied de l’Hermon, il devait renfermer le Ledjah et la grande plaine qui, du Djebel Hauran, s’en va vers la Gaulanitide. Pour les villes qui en faisaient la force, voir Havoth Jaïr.

IL Description. — Le Ledjah est un grand plateau d’une forme ovale irrégulière, s’étendant sur une longueur de trente à quarante kilomètres au nord-ouest du Djebel Hauran, dans la direction de Damas. Compris entre l’ouadi Lououa à l’est, l’ouadi el-Haram à l’ouest et l’ouadi Kanaouât au sud, il présente, principalement à son bord occidental, de profondes échancrures qui forment comme des baies et des promontoires. (Voir la carte, fig. 253.) La surface générale, élevée de huit à dix mètres au-dessus des plaines environnantes, n’est qu’une coulée de lave vomie par la montagne volcanique. « Les caractères phy siques du Ledjah, dit Porter, présentent les plus singuliers phénomènes que j’aie jamais vus, et il n’y en a pas, autant que je puis savoir, de semblables au monde, à l’exception du Safa. Le pays est composé de roches basaltiques noires, qui semblent être, par d’innombrables pores, sorties de la terre, aux temps passés, à l’état liquide, et avoir coulé de tous côtés jusqu’à ce que la plaine ait été entièrement couverte. Avant de se refroidir, la surface fut agitée par quelque terrible tempête ; et plus tard elle fut déchirée par des vibrations et convulsions intérieures. Les cratères d’où fut projetée la masse liquide sont encore visibles. » Porter, Five years in Damascus, Londres, 1855, t. ii, p. 241.

Vue même d’une petite distance, la surface du Ledjah

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253. — Carte du pays d’Argob.

paraît aussi plate que la mer ; mais la croûte de laves, épaisse de deux cents mètres en moyenne, est sillonnée d’innombrables crevasses plus ou moins profondes, qui se coupent dans toutes les directions et forment un inextricable labyrinthe de ravins et de précipices. De nombreuses boursouflures formées par la matière en ébullition, de larges fosses naturelles et une multitude de cavernes achèvent de faire de cette région un pays à peu près impraticable, surtout pour des étrangers. Aussi, à toutes les époques, les populations poursuivies ou persécutées ont-elles cherché un asile dans ce canton, qui a pris de là son nom de Ledjah, c’est-à-dire, en arabe, « refuge. » En raison de ces nombreuses cavernes qui à chaque pas recèlent un danger pour l’assaillant, de ce terrain anguleux qui rend la marche difficile, de ces murs ou enceintes de pierres qui autrefois abritaient les plantations et maintenant forment une série de remparts, le Ledjah a une importance stratégique que fait bien ressortir, T. G. Wetzstein, Beisebericht ùber Hauran und die Trachonen, Berlin, 1860, p. 29.

Il y a dans le pourtour occidental de cette contrée environ huit villes et vingt-cinq bourgs, et dans l’intérieur quatre villes et quatorze bourgs qui ont encore de hautes murailles composées de fortes pierres de taille. Quelques-unes de ces villes ont une étendue considérable,