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ARGENT — ARGENTEUS (CODEX)


nuait à être très estimé, et il n’était pas rare que, dans les énumérations d’objets précieux, on le nommât avant l’or. C’est ce qu’on remarque dans beaucoup d’inscriptions assyriennes qui relatent les guerres d’Assurnasirpal et de Salmanasar II en Asie occidentale (Delattre, Revue des questions scientifiques, octobre, 1884, p. 495 et suiv.), et dans un très grand nombre de passages de la Bible. Gen., xxiv, 35, 53 ; Exod., iii, 22 ; xii, 35 ; Num., xxii, 18 ; Deut., vii, 25 ; viii, 13 ; Prov., viii, 7, etc.

II..Ses usages. — L’argent apparaît dans la Bible comme moyen d’échange, sous le nom de « sicle ou poids d’argent dès le temps d’Abraham ; il était probablement employé alors en lingots d’un poids déterminé. Gen., xxii, 15 ; xliii. 22. Il ne fut monnayé qu’assez longtemps après la captivité de Babylone. Voir Monnaie. Les premiers objets d’argent qui soient mentionnés sont ceux qui furent offerts par Éliézer à Rébecca. Gen., xxiv, 53. Les vases d’argent emportés par les Hébreux à leur départ d’Egypte, Exod., m, 22 ; xii, 35 ; Num., vii, 13, 84, servirent surtout à la construction et à l’ornementation du sanctuaire. Exod., xxv, 3 ; xxxi, 4 ; xxxv, 5, 24. C’est en argent que Béséléel et ses orfèvres rirent les chapiteaux, les ciselures, les revêtements des colonnes des parvis, Exod., xxxviii, 10-18, les quarante bases qui soutenaient les planchers du tabernacle, Exod., xxvi, 19, et les trompettes avec lesquelles Moïse convoquait le peuple. Num., x, 2.

Parmi les trésors que David avait préparés à son fils en vue de la construction du temple, il se trouvait de quoi faire des candélabres, des tables et des lions en argent. I Par., xxviii, 15-27. Sous Salomon l’argent afflua à Jérusalem au point de devenir commun comme les pierres, dit hyperboliquement l’historien. III Reg., x, 27. L’opulent monarque en recevait d’Arabie et de Tharsis, où ses vaisseaux se rendaient avec ceux des Phéniciens. II Par., ix, 14, 20, 21. On faisait alors des lits en argent, Prov. xxv, 11, comme plus tard chez les Perses. Esth., i, 6. Dans le temple, presque tous les ustensiles qui n’étaient pas en or étaient en argent. Quand Cyrus remit aux Juifs les vases que Nabuchodonosor avait emportés du temple, la restitution put encore comprendre quatre cent dix coupes d’argent et en tout cinq mille quatre cents vases d’or ou d’argent. I Esdr., i, 7-10.

La cupidité portait souvent à altérer l’argent par des alliages de métaux inférieurs. Prov., xxv, 4 ; xxvi, 33 ; Is., I, 22 ; Jer., vi, 30. L’argent altéré se reconnaissait à différents signes : la buée de l’haleine ne s’y condensait pas immédiatement, le métal ne pouvait plus servir dé miroir ni se laminer en feuilles. Pline, H. N., xxxiii, 127, 128. Il fallait alors recourir à la coupellation : on mettait l’argent de mauvais aloi dans des vases formés d’os calcinés et réduits en poudre, qui ont la propriété de retenir l’or et l’argent et de laisser écouler à travers leurs pores les autres métaux en fusion. Les Égyptiens connaissaient ce procédé, et les écrivains bibliques y font de fréquentes et assez claires allusions. Ps. xi, 7 ; lxv, 10 ; lxvii, 31 ; Prov., xvii, 3 ; xxvii, 21 ; Ezech., xxii, 20-22 ; Zach., xiii, 9 ; Mal., iii, 3.

L’idolâtrie a naturellement mis l’argent à contribution aussi bien que l’or. La Bible mentionne, à ce point de vue, les idoles chananéennes, Deut., vii, 25 ; l’idole d’argent du prêtre Michas, l’éphraîmite, Jud., xvii, 3, 4 ; les dieux d’argent des Assyriens et des autres peuples idolâtres, Is., ii, 20 ; xxxi, 7 ; xlvi, 6 ; Ose., viii, 4 ; Baruch, vi, 3 ; Dan., v, 4, 23 ; II Mach., ii, 2. Dans le Nouveau Testament, il n’est question que des édicules d’argent fabriqués en l’honneur de Diane par les orfèvres d’Éphèse. Act., xix, 24.

Dans la statue du songe de Nabuchodonosor, l’argent est le symbole du royaume des Perses et des Mèdes. Dan., n, 32, 39, 45. Saint Paul en fait un des symboles des

bonnes œuvres. I Cor., iii, 12.

H. Lesêtre.

2. ARGENT (Monnaie d’j. Voir Moxxaie.

! ARGENTEUS (CODEX). Le beau manuscrit désigné

sous le nom de Codex Argenteus est le plus important i des restes manuscrits de la Bible gothique du IVe siècle. Son nom d’Argenteus lui vient, soit de ce que sa reliure du XVIIe siècle est d’argent massif, soit de ce qu’il est écrit en lettres d’argent, ce qui d’ailleurs lui est une particularité commune avec nombre de manuscrits bi. bliques, tant grecs que latins. Il est aujourd’hui la pro ! priété de la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en Suède. I On croyait, au XVe siècle, que lors de l’invasion des Bar] bares les Goths avaient emporté en Suède et en Danemark une partie des richesses, et en particulier des manuscrits, qu’ils avaient trouvés en Italie ; mais l’arrivée du Codex Argenteus en Suède ne remonte pas si loin. Elle ne remonte même pas à l’époque où Gustave-Adolphe vainqueur envoyait en Suède, comme butin de guerre, les belles bibliothèques que les Jésuites avaient formées à Riga, à Brunsberg, à Oppenheim. Voir Graux et Martin, Notices sommaires des manuscrits grecs de Suède, Paris, 1889, p. 12. C’est seulement le 19 janvier 1669 que fut donné à la bibliothèque de l’Université d’Upsal, en même temps qu’un magnifique lot de manuscrits relatifs aux antiquités Scandinaves, le Codex Argenteus. Le donateur était le chancelier Magnus Gabriel de ( la Gardie, lequel avait formé jusqu’à trois bibliothèques : l’une à Stockholm, l’autre à Lecko, la troisième à "Wenegarn ; c’était un collectionneur de manuscrits, comme l’était sa souveraine la reine Christine.

Où Magnus de la Gardie avait-il acquis le Codex Argenteus ? Il semble établi que notre manuscrit avait été au préalable, vers 1655, entre les mains d’Isaac Vossius, le bibliothécaire de la reine Christine : c’est ce dont témoigne Fr. Junius, le premier éditeur de ce manuscrit, en 1665. A la fin du xvi c siècle, il appartenait à la bibliothèque du monastère de Werden, près de Dusseldorf, où Antonio Morilloni le vit et transcrivit le texte gothique de l’oraison dominicale, qu’imprima Becanus, en 1569, dans ses Origines Antverpianse. Le manuscrit avait quitté Werden avant le commencement du XVIIe siècle, car Strenius (Richard Strein von Schwarzenau), mort en 1601, signale sa présence à Prague, si tant est que le manuscrit de Werden soit le même que celui de Prague. On veut, eu outre, qu’il ait été pris à Prague par les Suédois, en 1648, et donné par le maréchal Konigsmark à la reine Christine. Mais, à notre connaissance, on n’explique ni comment il serait venu de Werden à Prague, ni surtout comment la reine Christine, devenue propriétaire du précieux manuscrit, s’en serait ensuite dépossédée, pareilles libéralités ayant été peu familières à la royale collectionneuse.

Le manuscrit a contenu à l’origine les quatre Évangiles dans l’ordre Mathieu-Jean-Luc-Marc ; mais il avait perdu plus de cent de ses feuillets, avant de venir entre les mains de Vossius. Voir A. Scott, Ulfilas Apostle of the Goths, Cambridge, 1885, p. 126. Il compte aujourd’hui, non point 177, mais 187 feuillets, partagés en quaternions ou cahiers de huit feuillets. Le parchemin est teint en pourpre, l’encre est d’argent, et, comme dans la plupart des manuscrits pourpres à lettres d’argent, les premiers mots de chaque section ainsi que les premières lignes des Évangiles sont écrits en lettres d’or. Les initiales sont sans ornement. Aucune décoration, sinon les arceaux tracés à l’encre d’argent qui encadrent les canons de concordance. Point de contractions, sauf celles des noms de Dieu, Seigneur, Jésus, Christ, à leurs différents cas. On sait que l’alphabet gothique d’Ulfilas est emprunté dans ses éléments essentiels à l’alphabet grec ; les caractères du Codex Argenteus sont de belle onciale grecque du VIe siècle.

L’importance du Codex Argenteus tient à ce qu’il nous donne la plus grande partie de ce qui nous reste de la version gothique de la Bible par Ulfilas ; les autres manuscrits que nous en avons ne contiennent, en dehors des Épitres, que des fragments peu étendus des Évangiles.