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il faut nous résigner à ne pas tout savoir, limiter nos recherches à certains points particuliers, tout en ayant une connaissance assez complète de l’ensemble. Il en est des commentaires de la Bible comme des grandes histoires de l’Église, qu’on ne peut toujours lire en entier, et qui, malgré leur étendue, ou plutôt à cause de leur étendue, manquent de netteté, de précision dans les détails. On ne saurait bien connaître une époque, le rôle d’un grand personnage, qu’au moyen de monographies particulières. À défaut d’un commentaire français que nous n’avons pas, de commentaires latins que tout le monde ne peut consulter, et même à côté d’eux, il faut un Dictionnaire de la Bible qui nous dise nettement, précisément, sans verbiage, sans parti pris, ce qu’on sait actuellement de certain ou de probable sur tel personnage, tel fait, telle théorie. Les articles du dictionnaire doivent être comme des monographies détaillées, quoique concises ; ils doivent résumer et condenser à notre usage ce qui a été écrit de plus judicieux sur chaque point particulier.

Les dictionnaires existent pour toutes les branches de nos connaissances : philosophie, sciences, arts, littérature, histoire, religions, hérésies, encyclopédie, etc. ; il ne manque qu’un dictionnaire de la Bible ; celui de Calmet, réimprimé par Migne, malgré des qualités très réelles, ne fait plus autorité.

L’Angleterre, l’Allemagne, les États-Unis, sont plus heureux que nous, et les dictionnaires bibliques n’y manquent pas. Il serait injuste de méconnaître le mérite relatif de ces ouvrages, mais ils ont le grave inconvénient de n’être pas écrits en notre langue, ce qui les rend peu accessibles ; ils ont surtout le très grave inconvénient d’être écrits au point de vue protestant ou rationaliste, et de ne pouvoir être lus et suivis qu’avec de grandes précautions.

Celui qui se publie sous la direction de M. Vigouroux a l’avantage d’être écrit en français, d’être aussi savant que les autres, et surtout d’être catholique.

Il va sans dire que je ne prétends nullement canoniser tous les articles du Dictionnaire. Chacun des savants collaborateurs a ses idées personnelles, son degré de science, de culture hébraïque, de connaissances spéciales ; aucun ne se flatte d’avoir la science infuse ou de donner le dernier mot des problèmes. Les articles sont au courant des résultats les plus récemment acquis, et ils restent franchement, complètement orthodoxes, tout en se maintenant sur le terrain de la véritable critique.

Cependant on a dû se borner dans l’exposition des systèmes rationalistes, parce qu’ils changent tous les deux ou trois ans. Était-ce la peine de s’arrêter à des théories qui sont de pure fantaisie, sous prétexte de donner au Dictionnaire un vernis d’actualité ? Le Dictionnaire aurait en quelque sorte participé à la fragilité d’hypothèses dont on ne parlera plus dans quelques années. Qui s’arrête, par exemple, aux théories des neptuniens ou des plutoniens ? A quoi bon s’attarder à réfuter des théories éphémères, qui ne s’appuient que sur les rêveries de leurs inventeurs, comme sont, par exemple, les innombrables imaginations des critiques rationalistes sur l’Apocalypse ? Ce qu’on veut donner, c’est une science ferme, solidement appuyée, qui ne changera pas demain. Pour cela on n’a pas hésité à prendre, même chez nos adversaires, ce qu’ils ont écrit de bon et qui paraît prouvé. Il ne faut pas être exclusif quand les dogmes ne sont pas en jeu.

Ce que je salue aussi avec plaisir, ce sont les articles spéciaux sur les commentateurs. Comme, en définitive, le vrai sens de l’Écriture se tire de la tradition, il a paru bon d’indiquer les idées, les tendances des diverses écoles. Ce qu’on a fait