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ARCHE DE NOÉ


ont terminées à la longue et, pour ainsi dire, par les seules forces de leurs bras.

L’arche était destinée à recevoir, outre Noé et sa famille, sept couples ou au moins sept têtes de chaque espèce d’animaux purs, et deux couples d’animaux impurs, Gen., vi, 18-21 ; vii, 1-3, 7-9, 13-16, des aliments appropriés non seulement pour toute la durée du déluge, mais encore sans doute pour le temps nécessaire aux premières productions du sol après le retrait des eaux. Or les dimensions de l’arche, toutes considérables qu’elles soient, ont paru insuffisantes pour fournir le logement nécessaire à toutes les espèces animales. Tant que le nombre des espèces connues fut peu considérable, les calculs plus ou moins ingénieux des Kircher, des Butéo, des Lepelletier, sur la distribution des animaux dans l’arche, satisfaisaient la légitime curiosité des croyants. Les progrès de la zoologie ont plus que décuplé le nombre des espèces décrites, et les savants les évaluent à plusieurs centaines de mille. Voir Vigouroux, Manuel biblique, 7e édit., t. i, p. 560, note. Il y a donc lieu de se demander si l’arche, si vaste qu’elle fût, aurait pu les contenir toutes. Pour résoudre cette difficulté, il est inutile de recourir avec quelques exégètes d’autrefois à des moyens extrêmes, que le texte sacré n’indique pas, tels que la diminution de la taille des animaux ou leur compénétration. Il importe d’abord de remarquer que certains savants exagèrent le nombre des espèces animales, parmi lesquelles ils introduisent de simples variétés. Du nombre réel, s’il était connu, il faudrait retrancher les espèces d’animaux fossiles, déjà éteintes avant le déluge, celles de beaucoup d’animaux aquatiques et amphibies, et celles enfin dont les larves ne sont pas détruites par l’eau. D’ailleurs, si l’on admet que le déluge ne s'étendit qu'à la terre alors habitée (voir Déluge), l’objection disparaît ; car Noé ne prit dans l’arche que les espèces animales qu’il connaissait, et qui étaient relativement peu nombreuses. La capacité de l’arche répondait donc au but que son divin architecte s'était proposé.

Les eaux du déluge, en s'élevant, soulevèrent l’arche qui voguait à la surface, tandis que l’inondation dévastait la terre, Gen., vii, 17 et 18 ; Dieu gouvernait de sa main puissante le navire qui portait le salut du monde et le germe de la postérité future. Sap., xiv, 6. Seuls ses habitants échappèrent à l'épouvantable cataclysme. Gen., vu, 23. Le vingt-septième jour du septième mois, cinq mois après le commencement du déluge, l’arche se reposa sur les montagnes de l’Ararat, Gen., viii, 4, en Arménie, selon la traduction de saint Jérôme. Voir Ararat. Par sa position centrale dans l’ancien continent, ce lieu était très propre à favoriser le repeuplement de la terre et la dispersion des descendants de N’oé. Deux montagnes particulières de la chaîne se disputent l’honneur d’avoir reçu l’arche. D’après Josèphe, Antiq. jud., i, iii, 6 ; Bérose, cité par Eusèbe, Prsep. Evang., ix, 11, t. xxi, col. 697 ; les targumistes Onkélos et le pseudo - Jonathan ; saint Éphrem, Hseres., 1, 4 ; xviii, 3, et la version syriaque, c’est le Djebel des monts Gordyens, dans le Kurdistan. Bérose ajoute qu’une partie du vaisseau de Xisuthrus y subsistait encore de son temps, et que les pèlerins raclaient l’asphalte des débris et s’en servaient comme d’amulettes pour repousser les maléfices. La tradition juive et arménienne a fixé le lieu du repos de l’arche sur le mont Ararat lui-même. Cf. Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, 5e édit., 1889, t. i, p. 251-254.

Après un séjour d’un an et dix jours, Noé, ses enfants et tous les animaux, sur l’ordre de Dieu, quittèrent l’arche qui les avait préservés. Gen., viii, 14-19. L'Écriture ne nous dit pas ce que devint le grand navire, sauveteur du genre humain. Son souvenir ne s’est pas perdu, surtout dans le pays où l’arche s’est arrêtée. Du temps de l’empereur Auguste, les Arméniens assuraient qu’il y avait encore sur la montagne Barris [le vaisseau] des restes de l’arche. Saint Théophile d’Antioche, cité par saint Épiphane,

Adversus hsereses, i, t. xli, col. 260, et saint Isidore de Séville, Etymolog., xiv, 8, t. lxxxiii, col. 521, ont enregistré cette tradition. Dans le ne et le me siècle de l'ère chrétienne, les autorités sacerdotales d’Apamée de Phrygie firent frapper des médailles qui ont pour type l’arche ouverte, renfermant Noé et sa femme ( fig. 24C). La ville elle-même s’appelait KiSidtoç. Les premiers chrétiens du

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246. — Monnaie d’Apamée de Phrygie.

AYTOK. A. SEIIT SEOYHPOS. Tête diadémée de l’empereur Septime Sévère. - É$. EIII ArÛNOQETOT APTEMA T. En exergue : AIIAMEQN. Sur l’arche : NŒ. Dans Parche sont Noé et sa femme. Au-dessus sont deux oiseaux : l’un est perché sur le navire, l’autre arrive en volant vers le premier. Devant l’arche, à gauche, on voit Noé et sa femme sortis du vaisseau qui les a sauvés.

pays bâtirent au lieu désigné par la tradition comme le point d’arrêt de l’arche un couvent, dit le monastère de l’Arche, où ils célébraient une fête annuelle en mémoire de la sortie de Noé et de sa famille.

L’arche de Noé a reçu dans le christianisme de nombreuses significations mystiques. L’abbé Martigny, Dictionnaire des antiquités chrétiennes, 2e édit., art. Noé, p. 501-502, a recueilli celles que lui donnent les monuments figurés. Les Pères, s’appuyant sur I Petr., iii, 20, ont surtout vu dans l’arche la figure de l'Église. L’arche était pour les contemporains de Noé le seul moyen de salut : en dehors de l’unique arche sacrée du Christ, les hommes ne peuvent se sauver. Cf. Jos. Brucker, L’universalité du déluge, Bruxelles, 1886, p. 38-49 ; Ch. Robert, La non-universalité du déluge, Paris et Bruxelles, 1887, p. 28-42. L’arche renfermant des animaux purs et impurs représentait l'Église, composée de justes et de pécheurs. Ces animaux d’espèces différentes et de tous les genres étaient l’image de la belle variété des membres de l'Église et de sa catholicité. Fortement ballottée sur les eaux du déluge, l’arche ne fut ni renversée ni submergée : symbole de l'Église, sans cesse roulée par les Ilots agités de l’océan du monde, sur lequel elle vogue, et échappant toujours à la tempête. Voir Tailhan, Christologia Veteris Testamenti, autographie, Laval, p. 37-41 ; Hurter, De arca Noe Ecclesise typo Patrum sententise, dans ses Opuscula Patrum selecta, Inspruck, 1868, t. iii, p. 217-233.

Bibliographie, — S. Ambroise, De Koe et arca, vi-ix, t. xiv, col. 368-374 ; Arias Montanus, Exemplar, sive de sacris fabricis Noah, etc., Anvers, 1672 ; Jean Butéo, De arca Noe, Lyon, 1554 ; Athanase Kircher, Arca Noe, Amsterdam, 1675 ; * Matth. Hosti, Inquisitio in fabricant arcse Noe, Francfort, 1575, et Leyde, 1695 ; * G. Mœbius, Arca Noe conservatrix generis humani, Leipzig, "1686 ;

  • G. Gaspard Kirchmaier, Dissertatio de paradiso, arca

Noe, diluvio, etc., YVittenberg, 1662 ; Matthieu Petitdidier, Dissertationes historicse, etc., diss. xvii, sect. ii, Toul, 1699 ; Pereira, Comment, in Genesim, 1. x, Dearca Noe, diss. 1-13, Mayence, 1612 ; Noël Alexandre, Historia ecclesiastica Veteris Testamenti, dissert, x ; Jean Le Pelletier, Dissertation sur l’arche de Noé, Rouen, 1700 ; Bernard Lami, De tabernaculo fœderis, 1. ii, c. ii, Paris, 1720 ; Bible de Vence, Paris, 1767, t. i, p. 400-413.

E. Masgexot.