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ARCHE D’ALLIANCE — ARCHE DE NOÉ

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théistes, traditions dont l’origine naturelle n’est pas plus explicable après la captivité, quand le monde entier était polythéiste, qu’elle ne l’est au temps de Moïse. Dieu est intervenu à son heure : l’histoire en fait foi, et les raisonnements ne peuvent entamer son témoignage.

VI. Symbolisme de l’arche. — Conformément au principe posé par saint Paul : « Toutes ces choses leur arrivaient en figure, » I Cor., x, 11, la tradition catholique a trouvé dans l’arche d’alliance le symbole des réalités merveilleuses de la loi de grâce. L’arche représente donc :

1° Le Fils de Dieu incarné. « L’arche représentait au vieux peuple le Fils de Dieu fait homme, qui est le prince du peuple nouveau. » Bossuet, Sermon pour l’Ascension, 1656, exorde. Voici comment s’explique le symbole : « Le Christ lui-même était signifié par l’arche ; car de même que l’arche était construite en bois de séthim, ainsi le corps du Christ se composait de membres très purs. Elle était revêtue d’or, parce que le Christ fut rempli de sagesse et de charité, dont l’or est le symbole. Dans l’arche était une urne d’or : c'était la sainte âme contenant la manne, c’est-à-dire la sainteté et la divinité dans toute leur plénitude. Il s’y trouvait aussi la verge, figure de la puissance sacerdotale du Christ fait prêtre pour l'éternité. Enfin les tables de la loi, qu’on y avait placées, marquaient que le Christ est l’auteur de la loi. » S. Thomas, 1° 2 « , q. 102, a. 4, ad &'". Le symbole s’applique aussi au mystère de l’Ascension, par lequel Jésus-Christ remonte au ciel après sa victoire, comme l’arche remontait à Sion, Ps. xlvi, 6, et au mystère de l’Eucharistie : « Les espèces sacramentelles sont figurées par le voile, le corps du Christ par l’arche, l'âme par l’urne, la divinité par la manne. » S. Bonaventure, Serm. u in Domin. iv Advent.

2° La très Sainte Vierge. « Le prophète David dansa devant l’arche. Quelle est cette arche, sinon la bienheureuse Marie ? Car, si l’arche renfermait les tables de la loi, Marie portait l’héritier même de la loi. » Serm. xlii (attribué à) saint Ambroise, Patr. lat., t. xvii, col. 089. C’est pourquoi, dans les litanies, l'Église appelle la très Sainte Vierge Fœderis arca, « arche d’alliance ».

3° L'Église. Isaïe permet de faite cette application à

l'Église militante, Is., iv, 5, et saint Jean à l'Église triomphante, Apoc, xi, 19.

H. Lesêtre.

2. ARCHE DE NOÉ, en hébreu tébâh, mot qui ne se rencontre plus que dans l’Exode, ii, 3, pour désigner la petite nacelle de papyrus dans laquelle Moise fut exposé sur le Nil ; dans le grec des Septante et dans Hebr, ix, 7, xiêoùTÔ ; , et dans Josèphe XàpvaÇ. Ces noms et les détails de sa description montrent que l’arche n'était pas un vaisseau proprement dit, muni de mâts, dévoiles, d’avirons, etc., quoique l’auteur de la Sagesse, xiv, 6, l’appelle naturellement par analogie <r/e813c, « navire ; » mais plutôt une sorte de coffre, une énorme caisse flottante, sans quille et à fond plat. Sa forme, apparemment cubique, était peu favorable à la navigation, mais la rendait elle-même très propre à porter une forte cargaison et à bien se tenir sur l’eau. Saint Augustin, De Civitate Dei, xv, 27, t. xli, col. 475, a vu dans cette disposition une marque de la Providence divine, et de fait Dieu, en qualité d’architecte de l’arche, Gen., vi, 14-16, a dû lui donner la forme qui répondait le mieux à sa destination. Un riche marchand hollandais, Pierre Jansen, construisit en 1604, à Hoorn, un bâtiment de mêmes proportions que l’arche, quoique plus petit, et il constata que s’il n'était pas apte aux voyages de long cours et à une marche rapide, il était très commode pour le fret : on calcula qu’il pouvait contenir un tiers de plus de marchandises que les autres vaisseaux, sans exiger un plus grand nombre de bras pour le manœuvrer.

L’arche était en bois de gôfer, sorte d’arbre résineux dont on ne peut préciser la nature, et qui serait le cèdre, ou plutôt le cyprès, que sa légèreté et sa dureté rendent

très propre aux constructions navales. Les Septante et saint Jérôme y ont vu des bois équarris ou aplanis. Les ais furent enduits de kôfer, bitume ou résine, à l’intérieur et à l’extérieur, pour que l’eau ne put pénétrer. Le dedans était distribué en un certain nombre de qinnim ou nids, c’est-à-dire de petits compartiments isolés, destinés à recevoir les diverses espèces d’animaux. Ces nids superposés formaient trois étages, appelés inférieur, deuxième et troisième. Contrairement au texte sacré, Pliilon, Vita Mosis, ii, et Josèphe, Antiq.jud., i, iii, comptent quatre étages.

Les dimensions de l’arche étaient de 300 coudées en longueur, de 50 en largeur et de 30 en hauteur. On a beaucoup discuté sur la valeur de la coudée. Origène, Hom. n in Genesim, t. xii, col. 165 ; Contra Celsum, IV, t xi, col. 1096, et saint Augustin, De civitate Dei, xv, 27, t. xli, 474 ; Quœstiones in Heptateuchum, i, 4, t. xxxiv, col. 549, pour répondre aux objections de Celse, ont supposé, sans raison suffisante, que ces coudées valaient six coudées ordinaires ; ils aboutissaient à des chiffres invraisemblables. Il est plus probable que la mesure adoptée était la coudée commune, la coudée d’homme, comme Moïse s’exprime ailleurs, Deut., iii, 11, équivalant à la longueur de l’avantbras ou à la distance du coude à l’extrémité du doigt du milieu, et évaluée approximativement à 525 millimètres. En nombres ronds, la longueur de l’arche était donc de 156 mètres, sa largeur de 26, et sa hau leur de 16 ; la capacité totale s'élevait à 64 896 mètres cubes.

Des ouvertures devaient laisser passer la lumière. Le texte ne permet pas de déterminer avec certitude si Noé se contenta de la seule fenêtre par laquelle sortit le corbeau, Gen., viii, 6, ou s’il établit tout un système d'éclairage dont le détail est inconnu. Il est ridicule de dire avec R. Ahia-ben-Zeira qu’au milieu des ténèbres de l’arche Noé distinguait le jour de la nuit à l’aide de perles et de pierres précieuses, dont l'éclat pâlissait le jour et brillait la nuit, Talmud de Jérusalem, traité Pesahim, i, 1, traduction Schwab, Paris, 1882, t. v, p. 2, ou avec Edouard Dickinson que Noé, très habile chimiste, avait découvert une huile éthérée, qui donnait une lumière aussi éclatante que le soleil. L’ouverture par laquelle sortit le corbeau avait un treillis ou un transparent, (lallôn, distinct de sôhar, qui pouvait s’ouvrir et se fermer. Gen., viii, 6. Nous ignorons comment elle était disposée, et si elle se trouvait sur un côté de l’arche ou sur le toit. Quelques interprètes pensent qu’elle allait en se rétrécissant, de telle sorte qu’elle n’avait plus au sommet qu’une coudée de largeur. Gen., vi, 16. Il est plus vraisemblable qu’il s’agit dans ce passage du toit de l’arche, dont l’inclinaison n'était que d’une coudée. Une porte était ménagée sur un des flancs de l’arche. Dieu lui-même la ferma du dehors, quand Noé fut entré. Gen., vii, 16.

Obéissant avec crainte aux ordres divins, Noé, pour sauver sa famille, Hebr., xi, 7, exécuta l’arche sur les plans que Dieu avait dressés. Gen., vi, 22. Quelques rationalistes se sont demandé comment Noé, seul avec ses fils, avait pu construire un vaisseau d’une si grande dimension. Mais ils supposent à tort que le patriarche n’eut pas d’autres aides que ses enfants. Le récit biblique, en attribuant à Noé la construction de l’arche, n’exclut pas l’emploi d’auxiliaires, il rapporte seulement au personnage principal la bâtisse de tout l'édifice ; c’est ainsi qu’il est dit que Salomon a bâti le temple de Jérusalem. Noé a fait comme les chefs de toutes les grandes entreprises, il a recouru aux bras de nombreux ouvriers. Ses contemporains, bien qu’incrédules à la prédiction du déluge, Matth., xxiv, 37 ; I Petr., iii, 20, ne lui refusèrent pas leur concours. Cf. S. Augustin, Quœstiones in Heptateuchum, i, 5, t. xxxiv, col. 549. Le temps ne lui a pas fait défaut non plus, puisque Dieu lui annonça longtemps à l’avance le commencement du déluge ; et l’histoire a conservé le souvenir de gigantesques constructions que les anciens