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ARCHE D’ALLIANCE

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solennelle dans le nouveau tabernacle qu’il avait élevé à Sion. II Reg., vi, 1-17 ; I Par., xiii, 3-14 ; xv-xvi, 1. A l’occasion de cette fête furent composés les Psaumes xxm et civ ; le Psaume cxxxi, de date plus récente, rappelle les principaux détails de cette translation.

Toutefois l’arche n’avait encore à Sion qu’un abri précaire ; David et ses officiers y songeaient avec peine, II Reg., vii, 2 ; xi, 11, et le saint roi préparait tout pour que son fils put élever un temple digne d’elle. Dans son respect pour l’arche, il ne voulut pas qu’on l'éloignàt de Jérusalem, quand lui-même eut à fuir devant Absalom révolté, et il ordonna au grand prêtre Sadoc et aux lévites qui la lui apportaient de retourner avec elle à Sion. II Reg., xv, 24-29. Salomon alla offrir des holocaustes devant l’arche, à la suite du songe où il avait demandé à Dieu la sagesse, III Reg., iii, 15, et il eut l’honneur de l’installer dans son sanctuaire définitif, après la dédicace solennelle du temple. III Reg., viii, 1-21 ; II Par., v, 7-9. La sortie de l’arche n’est plus mentionnée sous les successeurs de Salomon. Il est à croire pourtant que des rois impies, comme Manassé et Amon, la retirèrent du Saint des saints pour la reléguer ailleurs ; car Josias dut ordonner aux lévites de la remettre à sa place, en leur défendant de la transporter désormais. II Par., xxxv, 3.

Aux approches de la captivité, Jérémie annonça que le rôle de l’arche était fini ; désormais, surtout au temps du Messie, « on ne dira plus : l’arche de l’alliance du Seigneur. On n’y pensera plus, on ne s’en souviendra plus, on ne la visitera plus, et elle ne sera pas rétablie. » Jer., m, 16. Le prophète eut lui-même mission de la faire disparaître avant les mauvais jours. Dans une lettre des Juifs de Jérusalem à ceux d’Egypte, le fait suivant est rapporté comme extrait d’un écrit de Jérémie : « Le prophète, sur un ordre reçu de Dieu, commanda qu’on apportât avec lui le tabernacle et l’arche, jusqu'à ce qu’il fût arrivé à la montagne sur laquelle Moïse était monté, et d’où il avait vu l’héritage de Dieu. Quand Jérémie y fut parvenu, il y trouva l’emplacement d’une caverne, y plaça la tente, l’arche et l’autel des parfums, et en boucha l’entrée. Or quelques-uns de ceux qui étaient avec lui s’approchèrent pour remarquer l’endroit, et ils ne purent le trouver, jérémie s’en aperçut et les blâma en disant : Cet endroit restera ignoré jusqu'à ce que Dieu rassemble la famille de son peuple et lui fasse miséricorde. C’est alors que le Seigneur manifestera ces choses, que la majesté du Seigneur apparaîtra, et qu’il y aura une nuée comme celle qui se montrait à Moïse, et comme celle que vit Salomon quand il demanda que ce lieu fut consacré au Dieu souverain. » Cette lettre, consignée au second livre des Machabées, ii, 4-8, ne participe pas, d’après certains exégètes, à l’inspiration du livre, parce qu’elle y est simplement rapportée ; mais elle représente assurément une tradition sérieuse, antérieure de plus d’un siècle à l'ère chrétienne, et bien plus digne de foi que le récit du IVe livre apocryphe d’Esdras, x, 22, qui fait prendre l’arche par les Chaldéens, ou que celui des Talmudistes, d’après lesquels Josias aurait caché l’arche dans un réduit très secret, ménagé par Salomon, en prévision de la prise et de l’incendie du temple. Les rabbins pensent que l’arche sera retrouvée à la venue du Messie.

Ce qui est certain, c’est que l’arche n'était pas dans le second temple. Il n’en est jamais fait mention, dans les occasions mêmes où son souvenir s’imposait, par exemple dans les récits de la consécration du temple ou de la restauration du culte. Il est vrai qu’au second livre des Paralipomènes, v, 9, le chroniqueur, qui est probablement Esdras, dit de l’arche : « Elle fut là jusqu’au jour présent. » Mais tout le monde reconnaît que l’auteur a puisé à des sources diverses, et a inséré dans son œuvre des documents antérieurs. La remarque qui précède doit appartenir à un de ces documents, écrit avant la captivité et cité mot à mot, tel que le rédacteur des Paralipomènes l’a trouvé dans ses sources.

V. Allégations rationalistes. — Nous les empruntons à deux auteurs qui font habituellement écho aux rationalistes allemands.

1° « Dès leur séjour dans le pays de Gosen (Gessen), les Israélites se firent sans doute une arche » semblable à celle des Égyptiens ; « ils l’emportèrent probablement avec eux quand ils quittèrent le pays. » Renan, Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 145. Le même auteur cite plus loin, p. 179, avec complaisance l’opinion de ceux qui prétendent qu’Aaron n’est autre chose que le nom de l’arche 'ârôn devenu nom d’homme, et que les beni-ahron sont tout simplement les porteurs de l’arche. — Cette dernière opinion n’a d’autre base que la similitude des mots 'ârôn et 'Ahârôn, et le besoin de dire le contraire de ce que raconte la Bible. Quant à l’arche même, les Israélites n’en furent en possession qu’un an après la sortie d’Egypte. Le critique n’a ici à opposer au récit positif de l’Exode qu’un « sans doute » et qu’un « probablement ».

2° « Nous n’avons aucun motit pour admettre qu’il n’y eut jamais qu’un coffret de cette espèce sur le territoire israélite ; la vraisemblance, tout au contraire, est que plusieurs sanctuaires possédaient des objets qualifiés arches de Dieu. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, t. i, p. 108. — La même arche a été transportée successivement dans plusieurs endroits, jamais il n’est question de l’existence simultanée de différentes arches. M. Renan le constate expressément : « L’arche israélite était une chose unique par essence ; il ne vint jamais à la pensée de personne qu’on put créer une seconde arche. » Histoire du peuple d’Israël, t. i, p. 294.

3° « Dans l’arche divine du temple de Jérusalem, comme dans les autres, nous devons supposer la présence d’un objet sacré, probablement d’une pierre précieuse… Il est malheureux que nous ne possédions aucune donnée authentique sur le coffret sacré de Jérusalem : nous ignorons la nature de son contenu. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des Hébreux, 1. 1, p. 109, 110. — Cette ignorance et cette supposition ne sont possibles que si, comme les rationalistes, on commence. par ne tenir aucun compte des livres historiques. On a vu plus haut ce que l’Exode et le troisième livre des Rois disent du contenu de l’arche.

4° L’arche n’aurait été qu’un objet d’idolâtrie, analogue aux bari d’Egypte. La Bible dit bien qu’elle n'était que le siège du Dieu spirituel et invisible ; « l’idée à elle seule est d’une incomparable beauté, d’une réalité spirituelle avec laquelle rien ne saurait rivaliser. » Mais « assurément l’arche de Dieu n’a jamais existé dans ces conditions, soit avant l’entrée en Palestine, soit dans la période qui court de 1100 à 600 environ avant notre ère ». — « Avant de rendre un culte à Yahvéh sous la forme d’un taureau, comme à Dan et à Béthel, d’un serpent, comme à Jérusalem, etc., les Israélites, cela est conforme à toutes les analogies, ont dû l’adorer sans images, c’est à-dire dans les objets informes, dans les pierres, par exemple. » M. Vernes, Du prétendu polythéisme des ) Hébreux, t. i, p. 149, et Revue de l’histoire des religions, janvier 1882, mai 1883. — Cette accusation d’idolâtrie est une des thèses favorites du rationalisme, quand il s’occupe du peuple hébreu. Jusqu'à la captivité, il est vrai, les Israélites ont manifesté des tendances à l’idolâtrie, et ils ont fréquemment succombé à la tentation. Mais les livres historiques démontrent clairement que jamais, de Moïse jusqu'à l’exil, l’idolâtrie ne fut la religion officielle, universelle et incontestée des Israélites ; que jamais surtout le culte de Jéhovah ne fut un culte idolâtrique. Les analogies n’ont pas de prise contre l’histoire positive, et l’on ne peut conclure logiquement de l’idolâtrie des Égyptiens à celle des Hébreux du désert, ni de quelques écarts idolâtriques à l’idolâtrie légale des Israélites. Tout, au contraire, dans l’histoire biblique montre l’action de Dieu pour faire de son peuple le dépositaire des grandes traditions spiritualistes et mono-