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PRÉFACE

insoutenables, que j’ai le regret d’avoir rencontrés dans des théologies-classiques d’ailleurs fort estimées. Tout cela est affaire d’interprétation.

Les découvertes modernes nous obligent à modifier certaines de nos vues, à faire rentrer plus exactement dans la trame de l’histoire générale un certain nombre d’événements, et en particulier l’histoire des prophètes. En effet, comment aurait-on pu expliquer exactement certains faits bibliques, quand on ne savait rien de Sargon et des Sargonides ? quand on ne comprenait pas la raison de la campagne de Sennachérib contre Jérusalem ? D’autre part, qui aurait osé espérer que le passage si contesté par les incrédules sur l’invasion des Élamites, Gen., xiv, serait un jour documenté d’une façon si saisissante ? Les découvertes de M. Naville, en Egypte, confirment les récits de l’Exode ; comme aussi la lumière se fait sur la probabilité d’une première émigration des Hébreux antérieure à l’Exode, sur le sens de plusieurs textes des Paralipomènes qui embarrassaient si fort les commentateurs. Tous les récits bibliques sont confirmés d’une façon merveilleuse. On sait désormais que le premier livre des Machabées, si décrié par les réformateurs, est, au jugement même des adversaires les plus acharnés de la Révélation, le résumé historique le plus parfait qu’il y ait sur cette époque. Le second livre, plus contesté encore par eux, n’est pas moins exact. D’après le texte grec, II Mach., vi, 7, on devait offrir des sacrifices mensuels en l’honneur d’Antiochus. Cette expression xarà piva parut si étrange et si extraordinaire, que l’auteur de notre version latine n’osa l’introduire dans sa traduction. Pourquoi, en effet, célébrer chaque mois un anniversaire ? Tout au moins fallait-il mettre annuel au lieu de mensuel. La Vulgate ne dit rien. Or M. l’abbé Beurlier, en étudiant la nature du culte rendu aux successeurs d’Alexandre, a constaté que les inscriptions mentionnaient la célébration mensuelle, par des sacrifices, de fêtes en l’honneur des rois d’Egypte et d’Asie. Quoi de plus probant ?

Ces graves questions, encore une fois, s’imposent à l’attention de tous, de nos séminaristes d’abord, qui, à peine sortis du séminaire, se trouveront mêlés à la lutte, et devront être mieux outillés que dans le passé pour résister aux attaques de l’incrédulité. Elles s’imposent à l’étude sérieuse de nos prêtres, qui s’imaginent à tort qu’elles ne sont pas connues du public ; elles le sont plus qu’on ne pense. Si elles n’ont pas encore pris possession du public ordinaire, elles ont pénétré dans le public intelligent et dirigeant. Il faut en prendre son parti et poursuivre l’ennemi sur son terrain ; à des attaques nouvelles il faut des réponses nouvelles ; aux arguments critiques il ne suffit pas de répondre par des arguments d’autorité. Aux siècles de foi on se passionnait pour des problèmes de théologie spéculative ; aujourd’hui on ne se passionne plus guère pour la grâce efficace et la grâce suffisante, on se passionné sur la vérité ou la fausseté d’une révélation spéciale.

On se rappelle avec quel éclat scandaleux se produisirent les premières attaqués de l’impiété. L’infiltration a continué ; c’est un exode à rebours, l’invasion des Chananéens dans la terre de la révélation que les enfants de Dieu croyaient conquise à jamais, tous les sophismes d’outre-Rhin distillés à des milliers de lecteurs par les journaux, les revues, les livres. Il y eut un moment de stupeur à l’approche de ce nouvel ennemi. Des réfutations sérieuses parurent de tous côtés ; il fallait davantage. On comprit que les études bibliques avaient été trop négligées en France, que les apologies les mieux faites étaient insuffisantes, que la grande bataille se livrerait sur le terrain de la critique sacrée. Aussi fut-ce avec une grande joie que l’on vît