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ARABE — ARABE (LANGUE)


Malgré sa parenté avec les religions assyrienne et syrienne, le polythéisme arabe devait avoir une forme extérieure plus grossière, en rapport avec l'état de culture des populations qui le pratiquaient. Les divinités avaient cependant leurs statues, puisque Assurbanipal mentionne les « dieux » que son père avait enlevés à « Yautah, fils d’Hazaël, roi de Cédar », et qu’il rendit ensuite, après soumission, à la demande des vaincus. Cylindre B, colonne vu ; G. Smith, History of Assurbanipal, p. 283-286 ; Vigouroux, La Bible et les découvertes modernes, Paris, 1889, 5e édit., t. iv, p. 295.

Hérodote, iii, 8, pour dépeindre le caractère religieux dont les Arabes entouraient leurs serments, nous les montre formulant leurs engagements au milieu de sept pierres teintes du sang des contractants. C'étaient peut-être des pierres sacrées ou bétyles, dont le nombre aurait une certaine liaison avec le côté sidéral et planétaire de la religion. Il en était de même dans le bassin de l’Euphrate et dans la Syrie ; les Chaldéens d’Uruk avaient eux aussi leur « temple de sept pierres noires », dont nous parlent les inscriptions cunéiformes.

V. Bibliographie. — Carsten Niebuhr, Beschreibung von Arabien, in-4o, Copenhague, 1772 ; W. G. Palgrave, Central and Eastern Arabia, 2 in-8°, Londres et Cambridge, 1865 ; E. Guillaume Rey, Voyage dans le Haouran, in-8o, Paris, 1860, avec atlas in-fol. ; lady Anna Blunt, Pèlerinage au Nedjed, berceau de la race arabe, 1878-1879 (trad. Derôme), dans le Tour du monde, t. xmi ; Ch. Huber, Voyage dans l’Arabie centrale, dans le Bulletin de la Société de géographie, Paris, 1884, 3e et 4e trim., 1885, 1 er trim. ; J. G. Wetzstein, Reisebericht ûber Hauran und die Trachonen, in-8o, Berlin, 1860 ; Nord-Arabien und die syrische Wûste ( Zeitschrift fur allgem. Erdkunde, 1865, p. 1-47, 241-283, 408-498) ; H. J. Van Lennep, Bible Lands, Londres, 1875, t. ii, p. 398-416 ; Caussin de Perceval, Essai sur l’histoire des Arabes avant

l’islamisme, 3 in-8o, Paris, 1847-1848.

A. Legendre.

2. ARABE (LANGUE), premier rameau du groupe méridional des langues sémitiques. Nous commencerons par expliquer cette sorte de définition, en montrant, au point de vue historique, comment l’arabe se rattache aux idiomes congénères et quelle est son origine ; puis nous exposerons ses particularités grammaticales et lexicographiques dans leurs rapports avec la philologie biblique ; eniin nous donnerons ses divisions et ses principaux caractères. Nous terminerons par quelques mots sur l'écriture.

I. Affinités et origines. — La famille des langues improprement appelées sémitiques se divise en deux groupes : l’un septentrional, comprenant trois rameaux avec leurs différents dialectes, c’est-à-dire l’araméen (chaldéen, syriaque, etc.), Y assyrien et le chananéen (hébreu, phénicien, etc.) ; l’autre méridional, comprenant deux rameaux, dont le premier, qualifié d’ismaélite, n’est autre chose que l’arabe proprement dit, et le second, appelé parfois yaqtanide ou qahtanide, embrasse les langues de l’Arabie méridionale et de l’Abyssinie. Voir

    1. SÉMITIQUES##

SÉMITIQUES (LANGUES).

La division et les qualifications de ce dernier groupe répondent aux traditions arabes, basées du reste sur la table ethnographique de la Genèse et l’histoire patriarcale. Nous constatons avec elles, entre le nord et le sud de l’Arabie, une différence marquée, au point de vue historique, politique, religieux et linguistique : la distinction entre le dialecte de l’Yémen, JLj- *~J^é, 'arabiyat himyar, « arabe himyarite, » et celui de l’Hedjaz, jùkïsJi £ooJI, el-'arabitjat el-mahdhat, « arabe pur, » eût

été découverte par la science, même sans le témoignage des écrivains musulmans. Les premiers habitants des provinces méridionales, de l’Yémen, de l’Hadhramaut,

des pays de Mahrah et d’Oman, furent des descendants de Cham, Gen., x, 7, peuplades couschites, qui parlaient des dialectes d’une seule et même langue sémitique, celle qu’on a pris l’habitude d’appeler himyarique, mais qu’il vaudrait mieux désigner par le nom plus large de sabéen. De nombreuses inscriptions, relevées par de courageux explorateurs comme MM. d’Arnaud et Joseph Halévy, nous ont seules conservé ces anciens idiomes et ont-permis d’en établir les principaux linéaments grammaticaux. Cf. Halévy, Rapport sur une mission archéologique dans le Yémen, dans le Journal asiatique, janvier 1872, p. 5-98 ; Études sabéennes, ibid., mai-juin 1873, p. 434-521 ; octobre 1873, p. 305-365 ; décembre 1874, p. 497-585 ; Corpus inscriptionum semiticarum, pars quarta, t. i, Paris, 1889. On distingue quatre dialectes principaux : le sabéen, le hadhramite, le minéen, Yéhkily, encore parlé dans le pays de Mahrah ; tous sont apparentés de très près au ghez ou éthiopien, que les Sabéens passés sur la côte d’Afrique, en Abyssinie, y naturalisèrent avec eux.

A ces premiers Sabéens couschites se superposèrent les Arabes Jectanides, ou les tribus issues de Jectan, fils d’Héber, Gen., x, 24-30 ; ce sont les Moutéarrïba des traditions nationales ou les premiers Arabes proprement dits. Ayant pour berceau originaire les régions d’où sortirent également les descendants d’Abraham, c’est-à-dire la rive droite de l’Euphrate, ils apportaient comme idiome national l’arabe pur, el-arabiyat el-mahdhat des historiens indigènes. Après avoir été soumis un certain temps aux peuples au milieu desquels ils vivaient, ils finirent par leur imposer leur suprématie politique, tout en adoptant la civilisation, les mœurs, les institutions, la religion, la langue même de leurs nouveaux sujets. L’arabe, parlé d’abord dans un certain nombre de districts, concurremment avec le sabéen, ne conserva sa pureté que chez quelques tribus de l’intérieur qui continuaient à mener une vie à demi nomade sur la frontière du désert.

Enfin apparurent les enfants d’Ismaël, fils d’Abraham et d’Agar, Gen., xxv, 12-15, les Moustariba ou « devenus arabes ». Longtemps concentrés dans une partie restreinte du Tihàma, ils rayonnèrent plus tard sur l’Hedjaz, le Nedjed et d’autres contrées du nord et du centre de l’Arabie, puis finirent par absorber les tribus jectanides antérieures. C’est leur langue qui, illustrée et immobilisée par le Coran, répandue par les conquêtes de l’islam dans toutes les parties du monde, est devenue l’arabe proprement dit, dont nous avons à parler. Mais par quelles phases a-t-elle passé depuis l’idiome des marchands ismaélites qui achetèrent et vendirent Joseph, Gen., xxxvii, 28, depuis celui des benê-Qédém, « fils de l’Orient, » dont Gédéon surprit et comprit les songes, Jud., vii, 9-14, jusqu'à la langue si parfaite de Mahomet, aucun monument ancien n’est là pour l’attester. À part les inscriptions du Sinaï et quelques-unes de Pétra et du Hauran, dans lesquelles plusieurs auteurs veulent voir un dialecte arabe légèrement infléchi vers l’araméen, nous ne savons rien sur ses origines.

Sans enfance ni vieillesse, l’arabe se montre soudainement à nous, au VIe siècle de notre ère, dans toute sa perfection, avec sa flexibilité, sa richesse infinie, dans un état si complet, que depuis ce temps jusqu'à nos jours il n’a subi aucune modification importante. Pour expliquer sa richesse de mots et de procédés grammaticaux, les philologues arabes ont imaginé une hypothèse peu acceptable, renfermant néanmoins une certaine part de vérité. S’il fallait en croire Soyouthi, cette langue serait le résultat de' la fusion de tous les dialectes, opérée par les Koréischites autour de la Mecque. Gardant les portes de la Caaba et voyant affluer dans leur vallée les diverses tribus attirées par le pèlerinage et les institutions centrales de la nation, les Koréischites s’approprièrent les finesses des dialectes qu’ils entendaient parler autour d’eux ; en sorte que toutes les élégances de la langue arabe se trouvèrent réunies dans leur idiome. Cf. E. Renan, Histoire