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ARABE


3° II n’est peut-être pas de peuple qui ait moins changé que les Arabes. Tels nous les voyons décrits dans la Bible, ou représentés sur les monuments assyriens, tels nous les retrouvons aujourd’hui. Les lois et les coutumes qu’ont observées les rares voyageurs modernes qui les ont visités remontent aux temps les plus reculés, et servent à éclairer plus d’une page de l’histoire sainte, principalement à l'époque patriarcale. Voir pour les détails Pasteurs, Vêtements, Tentes, etc.

Au point de vue social, les Bédouins sont divisés par tribus, JoUi, qabâïl, qui constituent autant de peuples particuliers et dont chaque subdivision ou rameau s’appelle fendéh. Chacune de ces tribus, s’appropriant un terrain qui forme son domaine, compose un ou plusieurs camps, répartis sur le pays et transportés dans les différents cantons, à mesure que les troupeaux les épuisent. La disposition de ces camps est un cercle assez irrégulier, douar, formé par une seule ligne de tentes plus ou moins espacées. Cependant, comme le nomade n’a point de maître, il ne dépend même pas de son clan ; et, s’il lui convient de s’en séparer, il peut aller, à ses risques et périls, vivre à part dans le désert.

Chaque tribu a son chef ou scheikh, personnage appartenant à quelque descendance illustre ou tenu, par ses richesses, de remplir, au nom de tous, les devoirs de l’hospitalité. Élu par ses égaux, il peut être déposé quand il a cessé de plaire. Conciliateur et arbitre, il juge les différends, d’accord avec les anciens, mais ses décisions n’ont pas force de loi : appuyées en général sur le droit coutumier, soutenues par l’opinion commune de la tribu, elles sont ordinairement obéies ; cependant le condamné peut s’y soustraire, soit en quittant la tribu, soit en bravant la réprobation publique : il devient baouak, un homme « hors l’honneur ». — Les inscriptions assyriennes nous montrent plusieurs reines dans certaines contrées de l’Arabie. Voir Arabie.

Le costume ordinaire de ces enfants du désert, comme aux temps hébraïques, se compose, chez les hommes, d’une chemise et d’une longue robe en toile de coton blanc, d’un vêtement de dessus, aba/i, grand manteau de laine le plus souvent blanche à rayures noires et plié en carré double, avec une échancrure pour laisser passer la tête. La coiffure commune est le kouffiéh, formé de bandes de toiles enroulées autour du crâne et fixées par une corde en poil de chameau. Des pantoulles, en laine ou en maroquin, ou quelquefois des demi-bottes eu cuir jaune ou rouge complètent ce costume pittoresque. Pour guider leurs troupeaux et pour ramasser, sans descendre de cheval, un objet placé à terre, ils se servent souvent de bâtons recourbés à une de leurs extrémités. La toilette des femmes, dune élégante simplicité, comprend une robe de coton bleu ou marron et un voile rouge ou blanc qui forme coiffure, et, s’enroulant autour du cou, laisse des plis amples retomber par derrière (flg. 204). L’anneau suspendu au nez, le nézem (lig. 151, col. 633), et les pendants d’oreille, parfois aussi les colliers dont les ornements en métal brillant retombent sur la poitrine, rappellent les bijoux qu'Éliézer donna à Rébecca et dont se paraît Sara.

La demeure du Bédouin, c’est la tente. Soutenue par des poteaux, elle est couverte d’une grande pièce d'étoffe tissée avec du poil de chameau, ou de peaux de bouc, d’uue couleur noire, Cant., i, 5, cousues ensemble et impénétrables à la pluie. Les courroies qui la fixent sont attachées au sol autour de chevilles de bois. Elle est divisée en deux parties, dont l’une est réservée aux hommes, l’autre est l’appartement des femmes, renfermant également les ustensiles du ménage.

La vie de ces peuplades est la vie pastorale. Leurs troupeaux se composent de moutons et de chameaux, dont elles consomment ou vont échanger les produits dans les localités limitrophes du désert, ou dans les oasis, contre du blé, de l’orge et des dattes. Très frugal, en effet, le D1CT. DE LA DIBLE.

nomade ne boit que du lait et de l’eau, se nourrit presque exclusivement de dattes et de galettes de farine de blé ou d’orge. Il ne mange guère de viande qu'à l’occasion de la venue d’un hôte : c’est alors ou un chevreau bouilli et coupé en petits morceaux, ou un agneau cuit sous des pierres brûlantes dans un trou creusé en terre. Le désert serait inhabitable pour lui sans le chameau, qui seul suffit à tous les besoins de ses maîtres. Voir Chameau. On sait combien le cheval est pour l’Arabe un précieux auxiliaire et un objet de prédilection, mais c’est une bête de luxe, quït n’est pas donné à tous de posséder.

Les Bédouins s’attribuent la police du désert, devenant même souvent, parles nécessites du sol et du climat, les protecteurs des sédentaires. Ceux-ci, en effet, ont besoin de faire venir des céréales de la vallée de l’Euphrate, de tirer des marchés des villes syriennes des armes et des ustensiles de toutes sortes : les nomades sont les intermédiaires obligés de ce commerce, et se chargent de fournir les choses nécessaires, moyennant tribut.

Les mœurs que nous venons de décrire s’observent dans les tribus de Syrie et d’Arabie, dont les plus importantes sont : les Taamirah, véritables pirates de la plaine syriaque, vivant dans des douars gardés par des chiens noirs à l’aspect féroce ; les Beni-Saklir, Nemrods passionnés, qui parcourent les solitudes du Hauran et se montrent bienveillants à l'égard des étrangers ; les Anazéh, grand peuple que l’on peut considérer comme l’aristocratie des déserts de Syrie ; les Roallah, qui servent de transition entre les Bédouins du nord et ceux du midi : les Schammar, dans le grand Néfoud, dont lady Blunt a parcouru et étudié la puissante tribu. Voir le Tour du monde, t. xliii.

IV. Religion. — Des pâtres, errant dans les plaines immenses brûlées par le soleil, obligés sans cesse de fixer leurs regards sur le ciel pour diriger leur route, devaient aisément prêter aux corps célestes une puissance surnaturelle et en faire l’objet de leur culte. Aussi la religion primitive des Arabes fut le sabéisme ou adoration des astres. Bien qu’extrêmement confus, les renseignements historiques nous permettent de chercher une certaine analogie entre le paganisme antéislamique et les religions du bassin de l’Euphrate et du Tigre, de la Syrie, de la Phénicie et de l’Yémen. Nous nous bornons aux points essentiels. Voir Ismaélites, Jectanides, Nabatéens.

Les deux principales divinités chez les Arabes étaient le soleil et la lune. « Ils croient, nous dit Hérodote, iii, 8, qu’il n’y a point d’autres dieux que Bacchus, Aiôvujoç, et Uranie… Ils appellent Bacchus OùpoTiX, et Uranie 'AXddcT. » Voir aussi Strabon, xvi, 741 ; Arrien, vii, '20. La forme originale d’Ourotal, qui sans doute devait être Our ta'âla, « la lumière suprême, » et le rapprochement que l’historien fait entre ce dieu et le Dionysos des Grecs nous le montrent comme une personnification du soleil. Les inscriptions assyriennes nous apprennent que l’astre luimême, sous le nom de Samas, arabe î^, Sams, était le dieu dont les reines de Duma ou Aduma exerçaient le suprême sacerdoce. Théglathphalasar parle de « Sa-am-si, ou Samsiéh, reine d’Arabie, qui rendait un culte au soleil ». Cf. A. Layard, Inscriptions in the cuneiform characler, pi. 72 ; E. Schrader, Die Keilinschriften und das alte Teslamenl, Giessen, 1883, p. 262. Nous voyons également, dans les annales d’Assurbanipal, que la tribu arabe de Cédar avait pour dieu Adarsamaïm ou A-tar-sa-ma-in. Schrader, ouv. cité, p. 414, explique ce nom par « Athar du ciel », et le fait correspondre à n>awn robn, melékéf

hassâmaïm, « la reine du ciel, » de Jérémie, vii, 8, c’està-dire Athar - Astarté ou la lune. D’autres regardent Adarsamaïm comme une divinité solaire. Hérodote, i, 131, assimile Alitta à la Mylitta des Assyriens ; MM. Lenormant et Babelon en font la divinité féminine, Al-Ldt, dont le sanctuaire était à Tayf, non loin de la Mecque. Histoire ancienne de l’Orient, Paris, 1888, t. vi, p. 432,

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