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ARA BAH


pant le point le plus profond de la vallée, portait, en raison de cette particularité, qui n’avait pu échapper aux Hébreux, le nom de yâm hâ'Àrâbâh, « mer del’Arabah, » Deut., iii, 17 ; iv, 49 ; Jos., iii, 16 ; xii, 3 ; IV Reg., xiv, 25, en même temps que celui de yâm hammélah, « mer de sel. » Jos., iii, 16. — 5° Enfin le début du Deutéronome, i, 1 ; ii, 8, nous transporte dans la partie méridionale, entre le lac Asphaltite et la mer Rouge. Ajoutons à cela le pluriel 'Arbôt, qui, souvent uni à Mô'âb, Num., xxii, 1 ; xxvi, 3, 63 ; xxxi, 12 ; xxxiii, 48, 49 ; xxxv, 1 ; xxxvi, 13 ; Deut., xxxiv, 1, 8 ; Jos., xiii, 32, et à Yerîhô, « Jéricho, » Jos., iv, 13 ; v, 10 ; IV Reg., xxv, 5 ; Jer., xxxix, 5 ; lii, 8, désigne certainement la plaine qui, d’un côté, vers l’ouest, avoisine cette dernière ville, et de l’autre, vers l’est, touche au pays de Moab. 'Arbôt Mo'âb est toujours distingué de Sedéh Mô'âb, ou les hauts plateaux cultivés qui se déroulent à l’orient.

Ce second sens dérive du premier. Le fond de cette grande vallée, plat et uni entre deux rangées de hauteurs latérales, ressemble à une plaine étroite, longue et souvent aride. L’ensemble de cette région extraordinaire mérite bien le nom de « désert » ou « solitude », attribué par les Hébreux à toute contrée plus ou moins dépourvue de villes ou d’habitations. La partie inférieure le portait à plus juste titre, et l’a conservé jusqu'à nos jours ; mais la partie supérieure elle - même pouvait le recevoir. Très peu de villes se sont formées dans la vallée du Jourdain, que l’extrême chaleur rend presque inhabitable ; et aujourd’hui encore à peine y trouve - 1 - on quelques chétifs villages sur la pente extrême des montagnes qui la bordent.

2° Dans les versions. La signification restreinte que nous venons de donner, avec l'Écriture, au mot 'Arâbâh, semble avoir échappé à plusieurs des anciennes versions et aux commentateurs anciens. La Vulgate, comme on peut le voir par l'énumération des textes cités au commencement de cet article, le rend indistinctement par campestria, planifies, solitudo, deserlum, tous mots qui lui servent de même pour exprimer les termes hébreux : Misôr, Biq'âh, Midbâr, èefêlâh, YeSimôn. On peut voir, pour la distinction de ces termes, Stanley, Sinai and Palestine, Londres, 1866, Appendix, p. 484-488. Les Targums mettent partout Mésra', correspondant à l’hébreu Misôr, excepté Jos., xviii, 18, où le texte est strictement reproduit par Gharabatha. Aquila, même avec sa littéralité excessive, emploie, au lieu du nom propre, son expression favorite rj bLar, « la plaine ». Pour les Septante, on se demande si c’est avec intention qu’ils ont, dans plusieurs endroits, traduit par "Apaëa et 'ApaëciO, ou s’ils n’ont point plutôt cédé à leur habitude de transcrire littéralement les mots qu’ils ne comprenaient point, comme IV Reg., ii, 14, àçqxà ; iii, 4, ïm-^S ; iv, 39, àptût), etc. Cf. Grove, dans Smith’s Dictionary of the Bible, Londres, 1861, t. i, p. 87, note e. Nous croyons que les traducteurs grecs ont bien saisi la portée de ce mot. En effet, ils ont mis "Apaëa et 'Apaëu>6 dans la plupart des passages mentionnés, et au lieu de reproduire, dans les autres, l’expression générale spr, (M>î, aëaTo ; ou 'Ù.r, ils ont toujours traduit par npô ; Svcttaïç, xorà S)aid(, lui Suupiwv, « à l’occident, » ce qui prouve simplement une lecture fautive, ma'âràbâh (de ma'ârâb, « contrée occidentale, » avec hé local) pour bâ'ârâbàh, « dans l’Arabah, » rien n'étant plus facile que la confusion entre le 3, beth, et le 3, mem. Dans certains cas même, ils ont accentué l’idée en mettant l’article, tt)v "Apo6a, Deut., ii, 8 ; iv, 49 ; IV Reg., xxv, 4, ou ttjv yt)v "Apaëi, Jos., xii, 1. La version syriaque donne 'Araba dans tout le Deutéronome, puis le nom général de « plaine » dans les autres livres. La version arabe emploie quatre fois le nom spécial d’El-Ghôi ; jjyJI, Deut., i, 7 ; iii, 17 ; iv, 49 ; xi, 30.

3° Dans les historiens et les géographes. Josèphe appelle la vallée du Jourdain neya tccSîov, Ant. jud., IV, vi, 1, etc., dénomination qu’il applique également à la plaine

d’Esdrelon, Bell, jud., IV, I, 8. Au temps d’Eusèbe et de saint Jérôme, 'AuXwv, Aulon, désignait cette « grande vallée dont l’immense longueur se déroule entre deux chaînes de montagnes parallèles, qui, commençant au Liban, vont jusqu’au désert de Pharan. L' Aulon renferme les villes illustres de Scythopolis, Tibériade et Jéricho. » Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 214 ; S. Jérôme, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 866. Au mot grec 'A-jXmv, « fossé, dépression, » correspond le. nom A’El-Ghôr (gh = r grasseyé), donné à la plaine du Jourdain-par les écrivains arabes, Édrisi, édit. Jaubert, p. 337, 338 ; Aboulféda, Géographie, texte arabe, publié par MM. Reinaud et le baron Mac Guckin de Slane, Paris, 1840, p. 243, 245, etc., et que Freytag, Lexicon arabicolatinum, 4 in-4°, Halle, 1835, t. iii, p. 301, rattache à la

racine '[^, avec la signification de terra depressa « terre

basse, abaissée ». Aboulféda même, Tabulée Syrise, édit. Kbhler, Leipzig, 1766, p. 8, 9, suivant Robinson, donne au mot Ghôr toute l’extension de l’hébreu 'Arâbâh, et l’applique à la vallée dans toute sa longueur. Cf. Biblical Researches in Palestine, Londres, 1856, t. ii, p. 186. Ce mot néanmoins a été restreint à la partie septentrionale, comme l’antique dénomination hébraïque à la partie méridionale. Pour l’ensemble et l’examen de ces données historiques et géographiques, voir Reland, Palsestina ex monumentis veteribus illustrata, Utrecht, 1714, t. i, p. 359-366.

II. Description. — 1° L’Arabah dans toute son étendue. Outre sa célébrité historique, cette vallée présente un dès phénomènes géologiques les plus étonnants. Elle court, dans une longueur d’au moins 440 kilomètres, depuis les pentes méridionales du grand Hermon, au nord, jusqu’au golfe d’Akabah, sur la mer Rouge, au sud. Partant, si l’on veut, de la source la plus élevée du Jourdain, le Nahr el-Hasbany. à 563 mètres au-dessus de la Méditerranée, elle descend jusqu'à la profondeur de 392 mètres audessous, à l’embouchure du fleuve dans la mer Morte. C’est donc une différence de 955 mètres entre son point de départ et son niveau le plus bas ; et une pareille dépression est la plus forte qui existe sur la surface du globe. De l’extrémité méridionale du lac Asphaltite, elle se relève insensiblement jusqu'à 240 mètres au-dessus de la Méditerranée. C’est, en effet, à 110 kilomètres environ au sud de la mer Morte, et à 71 kilomètres au nord du golfe Élanitique, que se trouve la ligne de partage des eaux : tous les torrents se dirigent, vers le nord, dans la mer Morte, et, vers le sud, ils vont se jeter dans le golfe Élanitique. Ainsi, pendant 250 kilomètres, la vallée d’Arabah s’abaisse de 955 mètres, pour se relever ensuite de 632 mètres, et s’abaisser de nouveau de 240 mètres. Nous ne dirons rien du Ghôr ou de la partie supérieure, renvoyant pour les détails à l’article Jourdain ; mais nous décrirons comme il convient la partie inférieure, qui nous a conservé le nom même employé par l'Écriture.

2° L’Arabah actuel ou Ouadi el-Arabah. Si, de l’Hermon à la mer Morte, la vallée descend, par une ligne directe, du nord au sud, elle fléchit du nord-nord-est au sud-sudouest, à partir de la mer Morte jusqu’au golfe d’Akabah. Elle garde néanmoins la raideur et l’aspect général du Ghôr, encaissée comme lui entre deux rangées de hauteurs d’une élévation inégale, trait caractéristique de toute la région. Les montagnes qui la ferment des deux côtés sont la continuation de celles qui bordent la plaine du Jourdain, mais avec un caractère plus grandiose et plus désolé. Celles de l’est sont beaucoup plus élevées et plus abruptes que celles de l’ouest. Voir la carte, fig. 201.

L’escarpement occidental et le plateau qu’il termine sont de formation calcaire : c’est le prolongement des terrasses de Judée, venant, vers le sud, aboutir au Djebel et-Tih, qui couvre l’entrée de la péninsule sinaïtique. Après les vallées fertiles, les cantons verdoyants et les plaines stériles qui se succèdent en descendant d’Hébron,