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AQUILA — AQUILON

éléments de cette hypothèse. Les Acilii Glabriones, ensevelis au cimetière de Sainte-Priscille, se rattachaient certainement à une famille où le nom de Priscille était très commun. Serait-il impossible que le nom d’Aquila fût un dérivé d’Aquilius ou Acilius, dans lequel le c avait sa prononciation dure comme il la garda longtemps dans la langue latine ? Ainsi on se rendrait compte des deux noms romains que nos deux Juifs portaient, bien que, au moins le mari, fût originaire du Pont.

Le martyrologe romain honore, le 8 juillet, le souvenir d’Aquila comme évêque d’Héraclée. Mais on ne sait sur quels fondements repose cette indication. Ce qui est sûr, c’est que Priscille et Aquila furent deux vaillants ouvriers de l'Évangile, et que leur mémoire demeurera éternellement bénie parmi les chrétiens.

2. AQUILA, traducteur grec de la Bible hébraïque, au IIe siècle de l’ère chrétienne. La tradition talmudique fournit quelques renseignements historiques sur le traducteur Aquila, à savoir : qu’il était un Grec converti au judaïsme, un prosélyte, originaire de la province du Pout, contemporain et parent de l’empereur Hadrien (117-138) ; qu’il traduisit la Bible hébraïque en grec sous la direction de R. Akiba, ou, suivant une autre tradition, sous la direction de R. Éliézer et de R. Josué. Onkélos, à qui l’on attribue une paraphrase ou targum du Pentateuque, « Onkélos le prosélyte, » serait le même nom qu’Aquila. Voir Anger, De Onkelo, part. I : De Akila, Leipzig, 1845.

La tradition chrétienne est plus précise. Saint Irénée († 203) est le premier Père qui mentionne explicitement la version grecque d’Aquila (avant 177). Ayant à interpréter l’Ecce virgo concipiet d’Isaïe, vii, 14, il repousse l’interprétation qui veut traduire ʿalmâh par adolescentula (νεᾶνις), « jeune fille, » et il ajoute : « C’est l’interprétation donnée par Théodotion d'Éphèse et par Aquila du Pont, tous deux Juifs prosélytes, qu’ont suivie les Ébionites. » Contra hæreses, iii, 21, t. vii, col. 946. Saint Épiphane († 403), dans son traité De mensuris et ponderibus, c. xiv, t. xliii, col. 261, rapporte que l’empereur Hadrien, voulant restaurer la ville de Jérusalem, demeurée en ruines depuis le siège de Titus, avait confié le soin de cette restauration à Aquila, « le traducteur grec de l'Écriture et son propre beau-frère, lequel était de Sinope, ville du Pont. » Saint Épiphane poursuit en racontant que, frappé des miracles qu’opéraient les membres de l'Église chrétienne du lieu, Aquila aurait demandé et reçu le baptême ; mais que, mal converti à la foi nouvelle, il aurait été chassé de l'Église ; alors, de dépit, il avait passé au judaïsme, s'était fait circoncire, et, ayant appris l’hébreu, avait composé une nouvelle version grecque de la Bible, « dans le but de contredire les Septante et de supprimer des saintes lettres les témoignages favorables au Christ. » Mais ce récit, recueilli par saint Épiphane, et auquel rien ne fait écho ni dans la tradition talmudique ni dans la tradition chrétienne, manque d’autorité. Saint Jérôme dit simplement, comme le Talmud de Jérusalem, qu’Aquila était un disciple de R. Akiba. In Isai., 49, t. xxiv, col. 466. En résumé, on peut tenir pour probable qu’Aquila était un prosélyte, originaire du Pont, formé dans quelque école de rabbins de Palestine, dans la première moitié du IIe siècle.

La pensée d’Aquila, en entreprenant une traduction nouvelle de la Bible pour la substituer à celle des Septante, avait été de donner une version strictement littérale. Origène la caractérisait ainsi : « Aquila s’attacha servilement à la leçon hébraïque ; ce qui fait croire aux Juifs qu’il a traduit l'Écriture plus soigneusement, et que mieux que tous les autres il en a saisi le sens ; de là l’usage que font de sa version les gens qui savent mal l’hébreu. » Origène, De Susanna, c. 2, t. xi, col. 52. Saint Jérôme, qui estimait Aquila comme un interprète soigneux et ingénieux, diligens et curiosus interpres, dit-il dans son commentaire d’Osée, ii, 17, t. xxv, col. 839, saint Jérôme lui reproche d'être ergoteur, contentiosus, et de chercher à rendre non seulement les mots, mais jusqu’aux formes syntaxiques hébraïques, et d'écrire, par exemple, σὺν τὸν οὐρανὸν καὶ σὺν τὴν γήν, ce qui pour être fidèle n’en est pas moins incorrect. Epistol., lvii, 11, t. xxii, col. 577. Le σὺν grec, qui n’aurait pas dû être employé ici, est destiné à rendre la particule hébraïque ʾêṭ, laquelle marque l’accusatif. Il pourrait se faire de plus que la version d’Aquila ait été entreprise avec une arrière-pensée de controversiste : c’est ainsi que saint Épiphane la jugeait, nous l’avons vii, et peut-être aussi saint Justin. Ce Père, qui écrivait sous le règne d’Antonin (137-161), engagé dans la controverse avec les Juifs, parle des interprétations nouvelles, contraires à celles des Septante, que les Juifs opposent maintenant aux chrétiens : « Je ne suis pas de l’avis de vos maîtres, qui ne croient pas que les Septante ont été de fidèles traducteurs, et qui entreprennent de traduire eux-mêmes ; et il ne faut pas que vous ignoriez que nombre de textes qui s’appliquaient à Jésus-Christ ont été par ces nouveaux traducteurs supprimés de l'Écriture. » Et il cite le texte Ecce adolescentula, substitué au texte Ecce virgo. Justin, Dial. cum Tryphone, c. lxxi, t. VI, col. 644. Or saint Irénée nous a appris que cette interprétation nouvelle était celle d’Aquila et de Théodotion : c'étaient donc bien vraisemblablement ces « deux maîtres » que saint Justin traitait de traducteurs tendancieux.

Saint Jérôme, In Jeremiam, v, 22, et ix, 17, t. xxiv, col. 719 et 740, mentionne deux éditions différentes de la version grecque d’Aquila ; mais la question de savoir ce qu’il faut entendre par cette editio prima et par cette editio secunda n’a pas été éclaircie encore. Le texte d’Aquila ne nous est point parvenu, il a disparu avec le judaïsme hellénistique. Mais Origène avait fait figurer dans ses Hexaples la version d’Aquila, et parmi les restes des Hexaples nous avons des restes d’Aquila. Cf. Patr. gr., t. xv et xvi.

Voir le chap. ii, De Aquilæ versione, des prolégomènes de Field à son édition des Hexaples, Origenis Hexaplorum quæ supersunt, Oxford, 1875, t. i, p. xvi-xxvii ; E. Schürer, Geschichte des jüdischen Volkes, Leipzig, 1886, t. ii, p. 704-708.

3. AQUILA (Adler) Johannes Kaspar, théologien luthérien, né à Augsbourg, le 7 août 1488, mort le 12 novembre 1560. Aquila est la traduction latine du nom allemand Adler. Après avoir fait ses études dans le gymnase de sa ville natale, il voyagea en Italie et en Suisse. Sa vie fut très agitée et très changeante. Devenu curé de Jenga, près d’Augsbourg, en 1516, il se maria bientôt après et fit profession ouverte de luthéranisme. En 1524, il professa l’hébreu à l’université de Wittenberg, et il aida Luther à traduire l’Ancien Testament. « Si la Bible était perdue, disait Luther, je la retrouverais chez Aquila. » Cet ardent luthérien composa un grand nombre d'écrits, la plupart de circonstance et de peu d'étendue. Voir Avenarius, Lebenschreibung Aquila’s, in-8o, Meiningen, 1719 ; Schlege, Leben Aquila’s, in-4o, Leipzig, 1773 ; Fr. Gensler, Vita J. C. Aquilæ, in-8o, Iéna, 18161

AQUILON (hébreu : ṣâfôn, « l’obscur, » le nord et le vent qui en vient ; Septante : βοῤῥᾶς ; Vulgate : aquilo). Ce mot désigne tout d’abord l’un des quatre points cardinaux, le septentrion. Le ṣâfôn est, en effet, la partie du ciel où le soleil ne va jamais, le côté le plus inaccessible du firmament. Is., xiv, 13. Les Hébreux s’orientaient vers le soleil levant, et ils appelaient le midi la droite. Ps. lxxxviii, 13 ; evi, 3. Mais ils donnaient de préférence aux points cardinaux le nom concret des quatre vents. I Par., ix, 21 ; Jer., xlix, 36 ; Ezech., xxxvii, 9 ; Matth., xxiv, 31. Aussi l’aquilon est-il presque toujours pris pour le nord. Pour les prophètes, Soph., 11, 13 ; Judith, xvi, 5, le « pays de l’aquilon » est l’Assyrie, qui est sensiblement