Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/469

Cette page n’a pas encore été corrigée
807
808
AQUEDUC


trop directement vers le flanc opposé de la colline, et risquèrent ainsi de déboucher lune à l’est, l’autre à l’ouest, sans s'être rencontrées. Du côté de Siloé, après un parcours de 143 mètres, on creusa un puits vertical F pour atteindre le sol supérieur, qui n'était à cet endroit qu'à 3 m 50 du plafond de la galerie. On s’aperçut de la fausse direction, et l’on rectifia le tracé à angle droit. À 70 mètres plus loin, on tenta d’ouvrir un autre puits en G pour se repérer ; mais on ne poussa pas loin le travail, à cause de la hauteur de la colline. Du côté de Gihon, on réussit aussi à se remettre dans la bonne voie, en obliquant fortement à gauche. Grâce au niveau d’eau, on était à peu près assuré de ne point passer l’un au-dessus de l’autre ; mais rien ne garantissait contre le danger de pousser les deux galeries parallèlement, sans qu’elles se rencontrassent. Heureusement les travaux des carrières, auxquels les ouvriers juifs étaient bien habitués depuis l'époque de Salomon, leur avaient appris que le bruit du pic se fait entendre à une grande distance dans une roche dure et homogène. En approchant du point de convergence, les mineurs purent donc se diriger à l’ouïe. La partie médiane du tunnel ne s'écarte pas très notablement de la direction convenable ; mais il y a encore bien des traces d’hésitation, et de place en place de petits culs-de-sac indiquant de fausses voies abandonnées. Quand le bruit des coups devint plus distinct, on s’aperçut que l'équipe de Gihon se portait trop sur la droite (fig. 198) ; par l’intermédiaire de leurs compagnons échelonnés dans le tunnel et postés autour de la colline, les mineurs se transmirent les indications nécessaires à la rectification du tracé, et la jonction s’opéra enfin en A. On était sans doute pressé ou fatigué du labeur, et, sans se préoccuper de parfaire le travail, on se tint pour satisfait quand l’eau put passer. Il n’est pas à croire cependant que dans les endroits où la galerie n’a que m 45 de hauteur, en M et eu N (fig. 194), le sol du tunnel soit actuellement dans son état primitif. Les mineurs ont dû y laisser fléchir l’horizontale, et, dans la suite des siècles, les dépressions ont été comblées, aux dépens de la hauteur totale, par les dépôts calcaires de la source. Ces dépôts ont formé au fond des dépressions une couche d’autant plus épaisse, que l’eau y était plus profonde et plus calme. « Il y a dans l’exécution de cette longue galerie, à côté d’inégalités et de malfaçons qui sont d’une industrie encore dans l’enfance, telles dispositions heureuses auxquelles on reconnaît que l’ouvrier juif avait déjà une grande habitude de cette sorte de travaux. C’est ainsi que, jusqu'à une hauteur de près d’un mètre, les parois du canal sont couvertes d’une mince couche d’un ciment rouge très dur, fait en grande partie de terre cuite pulvérisée. Par endroits, les fissures et les trous du roc ont été bouchés avec le même mortier, qui est tout pareil à celui dont aujourd’hui encore, en Palestine, on se sert pour enduire l’intérieur des citernes et prévenir les fuites. » Perrot et Chipiez, Histoire de l’art dans l’antiquité, t. iv, p. 421. Les textes cités plus haut ne permettent pas de faire remonter l’exécution du travail jusqu’au temps d’Achaz. M. Renan, qui incline vers cette supposition, Histoire du peuple d’Israël, t. ii, p. 509, avoue que l’inscription de Siloé « doit être placée, comme date, bien près de

198. — Partie centrale de la galerie de Siloé.

l’an 740°. Point de raison, par conséquent, pour refuser de l’attribuer à Ézéchias, qui régna de 727 à 698.

8° L’aqueduc voisin du Bir Ayoub. — Un autre travail du même genre a été découvert par Warren, à l’ouest du Bir Ayoub. C’est un aqueduc plus spacieux que celui d'Ézéchias, car sa largeur moyenne est de l m 15, et sa hauteur de 2 mètres. On peut le suivre sur une longueur de 600 mètres. Il y a sur le parcours plusieurs escaliers permettant de descendre dans le canal. D’un côté, il aboutit à un vaste réservoir en forme de grotte, et de l’autre il s’arrête brusquement en plein roc. On ignore quelle était la destination de cet aqueduc souterrain. The Recovery, p. 257-264. « Il est difficile de lui assigner une date. Rien cependant n’y sent la main romaine ; ces degrés, ces regards, ces bassins, ces couloirs évidés dans la roche vive, tout cela est plutôt dans la tradition et le goût des carriers phéniciens et juifs. » Perrot, Histoire de l’art, t. iv, p. 424.

9° Les autres aqueducs de la Palestine. — Dans le reste de la Palestine, surtout aux environs des centres de population plus importants, on trouve les traces d’un certain nombre d’aqueducs, dans un état de délabrement plus ou moins avancé. Aux environs de Jéricho, les ruines de ces sortes de travaux d’art sont assez nombreuses. A l’ouest de cette ville, dans l’Ouadi el-Kelt, on peut suivre pendant une dizaine de kilomètres un ancien aqueduc qui conduisait à Kakoun les eaux de l’Aïn Fàra. Ces eaux se perdent maintenant dans le ravin du Kelt. D’autres ruines d’aqueducs se voient plus au nord, dans l’Ouadi Fasaïl, près de l’ancienne ville à laquelle Hérode donna le nom de Phasaël.

A Naplouse, l’ancienne Sichem, un aqueduc maintenant ruiné amenait les eaux de l’Ain Askar, qui jaillit à trois lieues à l’ouest de la ville. Une autre source, qui n’est qu'à trois kilomètres au sud, Ras el-Aïn, fait encore aujourd’hui couler dans un aqueduc ses belles eaux, qui au passage font tourner plusieurs moulins.

La ville de Béthulie était alimentée d’eau par diverses sources à portée des murs, et par une source principale, qui était mise en communication avec la place par un aqueduc. Judith, vii, 6, 7. Holopherne fit couper l’aqueduc et défendre l’accès des autres sources. L’incertitude qui plane sur l’identification de Béthulie ne permet point d’assigner l’emplacement de cet aqueduc. Mais au pied de la montagne qui couronne Belâaméh, l’ancienne Belma, Judith, vii, 3, on trouve une caverne maçonnée, du fond de laquelle, au dire des habitants, partirait un souterrain qui s'élève jusqu'à l’ancienne ville, et par lequel les défenseurs de la place pouvaient venir puiser l’eau qui se trouve dans la caverne, appelée Bir es-Sedjem. Liévin, Guide, t. iii, p. 72.

Lorsque, sous Hérode, Césarée prit de l’importance, il. fallut aviser à la pourvoir d’eaux abondantes. On les emprunta à la rivière de Zerka, qui se jette dans la mer à cinq kilomètres au sud de la ville. L’aqueduc suivait le bord de la mer. Près de la rivière, il était construit en pierres de petite dimension, et plus loin reposait sur des arches en plein cintre, et se composait de pierres d’un plus grand appareil. Un autre aqueduc allait chercher l’eau à Sebbarine, à quinze kilomètres à l’ouest de Césarée. Le tout est maintenant ruiné et abandonné. Liévin, Guide, t. iii, p. 229.

Parfois enfin on se contentait de tracer aux eaux un chemin artificiel, en leur creusant un lit en pleine roche. C’est le cas de l’Aïn el-Tabegah, entre Khan-Miniéh et Tell-Houm, qui déversait ses eaux dans la fertile plaine de Génésareth par un canal à ciel ouvert taillé dans le roc, qui sert aujourd’hui de sentier.

Çà et là se rencontrent d’autres ruines d’aqueducs. On ne peut guère assigner de dates précises à ces différents ouvrages ; mais il est certain que les anciens habitants du pays n’ont reculé devant aucun effort pour mettre à leur portée les eaux potables, et que leurs successeurs