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APOLOGUE


lionceaux. Elle a fait croître un de ses lionceaux, et il est devenu lion. Il a appris à saisir la proie et à dévorer l’homme. Les nations ont entendu parler de lui, l’ont capturé dans leur fosse et l’ont emmené enchaîné dans la terre d’Egypte. À cette vue, elle défaillit, et son espérance fut ruinée. Elle prit un autre de ses lionceaux et en fit un lion. Il allait au milieu des lions et devint lion. Il apprit à saisir la proie et à dévorer des hommes, à faire dès veuves et à changer des villes en désert. Le pays et tous ses habitants furent effrayés du bruit de son rugissement. De toutes les provinces, les nations s’assemblèrent contre lui, tendirent sur lui leurs fllets et le capturèrent dans leur fosse. On le mit en cage, et on l’emmena enchaîné au roi de Babylone. On l’enferma dans une citadelle, de sorte qu’on n’entendit plus sa voix sur les montagnes d’Israël. » Ezech., xix, 2-9. Cette lionne est la nation juive ; le premier lion est Joachaz, déporté en Egypte, et le second, Jéchonias, déporté à Babylone. 2° Apologues mettant en scène les actes ou les choses de la vie ordinaire. — C’est de cette seconde sorte d’apologues que Notre-Seigneur s’est si merveilleusement servi sous le nom de paraboles. Voir Paraboles. Le plus frappant, dans l’Ancien Testament, est celui que le prophète Nathan est venu raconter à David, pour le faire rentrer en lui - même : « Il y avait dans une ville deux hommes, l’un riche et l’autre pauvre. Le riche possédait des brebis et des bœufs en grand nombre ; le pauvre ne possédait rien qu’une petite brebis qu’il avait achetée et nourrie. Elle avait grandi chez lui, en même temps que ses enfants, mangeant de son pain, buvant à sa coupe et dormant sur son sein. Elle était pour lui comme une fille. Or un étranger vint chez le riche, et celui-ci se garda bien de toucher à ses brebis et à ses bœufs pour offrir un festin à l'étranger qui lui était arrivé ; mais il s’empara de la brebis du pauvre homme, et en prépara des mets pour celui qui était venu chez lui. » Il Reg., xii, 1-4. À ce récit, le roi fut indigné contre le riche ; le prophète lui lança alors la terrible apostrophe : « Cet homme, c’est toi ! » — Dans tous les exemples précédents, l’apologue vise un fait particulier indiqué dans le contexte. D’autres fois, l’application de l’apologue est plus générale. Ainsi en est-il dans cet exemple tiré de l’Ecclésiaste, ix, 14-16 : « Il y avait une petite forteresse. Peu d’hommes l’occupaient. Contre elle s’avança un grand roi ; il l’investit et dressa contre elle de puissantes machines de guerre. Mais il s’y rencontra un homme pauvre et sage, qui la sauva par sa sagesse. Cependant jamais personne n’avait songé à ce pauvre. Je le déclare donc, la sagesse vaut mieux que la force ; mais on méprise la sagesse du pauvre. » Le génie hébreu cherche toujours l’image et l’action dans l’expression de la pensée. Aussi, à côté de quelques apologues développés dans la Bible, en trouve-t-on beaucoup d’autres qui ne sont qu'ébauchés ou indiqués. Telles sont les allégories du festin de la sagesse, Prov., ix, 1-5, et de la vigne, ls., v, 1-6 ; Ezech., xix, 2-9, dont Notre-Seigneur fera des paraboles complètes. Herder dit avec raison : « La plupart des sentences des Orientaux… ne sont, pour ainsi dire, avec leurs images et leurs allégories resserrées, que des fables en abrégé. » De la poésie des Hébreux, IIe partie, ch. i, 3, trad. Carlowitz, in-8°, Paris, 1855, p. 272. Les livres sapieutiaux sont riches en éléments de ce genre. L’exemple de la fourmi, proposé au paresseux, Prov., vi, 0-8, est presque une petite fable. La sentence : « Ne fais pas voler tes yeux après ce qui n’est rien ; car cette apparence se fera des ailes, comme l’aigle, et s’envolera vers le ciel, » Prov., xxiii, 5, fait penser à plusieurs apologues de La Fontaine ; il en est de même de cette autre : « Celui qui observe le vent ne sème point, et celui qui interroge les nuées ne moissonne point. » Eccli., xi, 4. Enfin la fable du pot de terre et du pot de fer est tout entière dans ce verset : « Comment le pot de terre peut - il s’associer au chaudron ? Quand ils se heurteront, il sera brisé. » Eccli., xiii, 3.

3° Apologues en action. — Sur l’ordre du Seigneur, les prophètes font parfois ou racontent qu’ils ont fait certaines actions symboliques, qui ne sont que des apologues en acte, destinés ensuite à devenir des récits instructifs. Ainsi, pour marquer qu’Israël s’est mis à adorer des dieux étrangers, Osée, iii, 1, épouse une femme adultère ; Ézéchiel représentera de même, sous l’allégorie de deux courtisanes, Oolla et Ooliba, Samarie et Jérusalem, infidèles au Seigneur, xxiii, 2-49. — Jérémie accomplit un certain nombre de ces actions symboliques. Doit-il montrer comment l’orgueil de Juda sera rab. issé et se ' changera en pourriture pendant la captivité? Il prend une ceinture, la met autour de ses reins, va ensuite la cacher dans les pierres, au bord de l’Euphrate, et 1 ingtemps après la retrouve toute pourrie, xiii, 1-7. Le travail du potier lui fournit matière à deux apologues en action. : « Je descendis dans la maison du potier, et voilà qu’il travaillait sur sa roue ; mais le vase d’argile qu’il faisait avec ses mains fut manqué. Il reprit son ouvrage et fit ce vase d’une autre manière, à sa convenance. » xviii, 3, 4. Ainsi le Seigneur fera ce qu’il voudra de la maison d’Israël. Un autre jour, le prophète prend une jarre de terre, œuvre d’un potier, et se fait accompagner par les anciens du peuple et du sacerdoce jusqu'à la vallée de Ben - Hinnom, près de la porte du Potier. Là il leur annonce que les Juifs seront brisés par les Chaldéens, et à leurs yeux il brise la jarre de terre, xix, 1-10. Deux paniers de figues, les unes bonnes, les autres mauvaises, représentent les deux portions du peuple, l’une déjà en captivité, l’autre encore à Jérusalem, xxiv, 1-8. Faut-il engager les rois voisins à se rendre au roi Nabuchodonosor ? Jérémie se met une chaîne au cou et en envoie une pareille à ces rois, xxvii, 2-6. Faut-il faire honte à Juda, qui foule aux pieds les préceptes de son Dieu ? Le prophète va trouver les Réchabites et leur offre des coupes de vin. Ceux-ci les refusent, pour ne pas contrevenir aux traditions de leur ancêtre. (Juel contraste entre la conduite des uns et celle des autres ! — Ézéchiel raconte aussi plusieurs actions symboliques, qui deviennent parfois de vraies paraboles, comme celle du bois de la vigne, qui n’est bon qu'à brûler, xv, 2-5 ; celle des aigles, du cèdre et de la vigne, xvii, 3-10. La conduite du prophète qui fait emporter tous ses meubles, comme pour éinigrer, qui perce la muraille de sa maison et se fait emporter de nuit par la brèche, xii, 4-7, est un apologue vivant, pour annoncer la captivité. C’en est un autre, très pittoresque, que le tableau de cette marmite où tout cuit à grand feu, mais qui ne peut elle-même se débarrasser de sa rouille, xxiv, 3-12. Il faut signaler aussi la peinture d’Assur sous l’allégorie d’un magnifique cèdre du Liban, xx, 3-9, et la description du ruisseau qui sort du seuil du temple, et fait croître des arbres nombreux sur ses bords, xlvii, 1-7. Ces apologues en action sont comme des tableaux vivants. Ce qui les caractérise, c’est que parfois ils se rapportent à un avenir inconnu, et sont par là même moins clairs que les précédents ; c’est qu’ensuite les événements qu’ils représentent sont grandioses et dépassent de beaucoup le cadre ordinaire de l’apologue.

4° Apologues en vision. — Dans certaines visions, Dieu lui-même déroule devant les yeux de l’homme des tableaux plus ou moins mouvementés, qui sont des révélations de l’avenir. Ce sont de vrais apologues, que Dieu raconte à sa manière, et dans lesquels se mêlent trois éléments chers aux Orientaux : le drame, l'énigme et la prophétie. Parmi ces apologues en vision, il faut ranger les songes de Joseph, qui voit les gerbes de ses frères s’incliner devant la sienne, et le soleil, la lune avec onze étoiles l’adorer lui-même, Gen., xxvii, 7-9 ; les songes significatifs des eunuques du pharaon, xl, 5-22, et celui du pharaon lui-même, sous les yeux de qui sept vaches grasses et sept épis pleins sont dévorés par sept vaches maigres et sept épis vides. XLI, 1-24. Un soldat madianite raconte qu’il a vu en songe un pain d’orge, cuit sous la