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APOCALYPSES APOCRYPHES


grâce à la chronologie de ses semaines d’années et à la transparence de ses symboles historiques, aisée à dater. Elle est contemporaine du règne victorieux de Jean Hyrcan (135-106 avant J.-C), et plus précisément de l’an 110 environ. Les trois paraboles seraient plus récentes, et contemporaines plutôt d’Hérode le Grand (40-4 avant J.-C) ; la christologie y est même assez développée, pour que quelques critiques y aient voulu voir une œuvre chrétienne, mais c’est une opinion très controversée. En résumé, nous sommes ici en présence d’un monument de la théologie palestinienne au siècle qui a immédiatement précédé l’apparition du Christianisme, et d’un livre dont nul autre plus que lui n'était propre à préparer l’audience de l’Evangile. — On trouvera la bibliographie concernant le Livre d’Enoch énumérée dans Schûrer, ouv. cité, p. 629-630. Une bonne traduction française du livre d’Enoch est dans Migne, Dictionnaire des apocryphes, Paris, 1856, t. i, p. 393-514.

2° Assomption de Moïse. — Il ne faut pas confondre ce livre juif avec Y Apocalypse de Moïse, œuvre chrétienne, dont il sera parlé plus loin. L’Assomption de Moïse est citée, d’après quelques exégètes, dans l'épître canonique de saint Jude, et par Clément d’Alexandrie, par Origène, par Didyme d’Alexandrie, par Gélase de Cyzique, par Évodius, l’ami de saint Augustin ; elle est mentionnée dans le catalogue synoptique attribué à saint Athanase, dans le catalogue stichométrique de Nicéphore. Voir Schûrer, ouvr. cité, p. 636-637. L’original était hébreu-araméen ; il est perdu, de même que la version grecque. On n’a qu’un fragment de traduction latine d’après le grec, fragment retrouvé par Ceriani dans un palimpseste de la bibliothèque Ambrosienne provenant de l’abbaye de Bobbio, et publié par lui dans ses Monumenta sacra et profana, Milan, 1861, t. i, fasc. i, p. 55-64. Fritzsche en a donné une édition manuelle dans ses Libri apocryphi Vêleris Testamenti, Leipzig, 1871, p. 700-730, précédée d’une bonne introduction, ibid., p. xxxii-xxxvi. — L’auteur met en scène Moïse, sur le point de quitter son peuple, s’enlretenant pour la dernière fois avec Josué, et lui révélant le secret de la destinée que Dieu réserve à son peuple : l'établissement dans la Terre Promise jusqu'à la destruction du royaume d’Israël et de Juda ; la ruine de Jérusalem et du temple, la captivité de Babylone ; la restauration de la ville sainte et le second temple ; les iniquités des Juifs de ces derniers temps, et leur châtiment par un roi cruel qui ne sera point de leur race, dont les deux fils lui succéderont, mais auront peu de temps à régner, car la fin des temps sera venue. Tel est le thème de cette œuvre pâle et désolée. Il y a quelques divergences entre les critiques sur la date à assigner à la composition de V Assomption de Moïse. Il paraît cependant probable que nous avons affaire à une œuvre palestinienne, écrite par un antipharisien farouche, un zélote intransigeant, et postérieure, mais de très peu, à la mort d’Hérode le Grand (4 avant J.-C), contemporaine des premières années du gouvernement d’Hérode Antipas et de Philippe. Consulter Schûrer, ouvr. cite, p. 630-638.

3° Quatrième livre d’Esdras, ou, si l’on veut, Apocalypse de l’an 97. — Cette œuvre si importante a été longtemps en circulation dans l'Église catholique : elle est citée dans l'épître dite de saint Barnabe, par saint Irénée, Tertullien, Clément d’Alexandrie, saint Ambroise, par l’auteur anonyme de YOpus imperfectum in Matthxum attribué à suint Jean Chrysostome, par saint Jérôme, etc. Voyez Hilgeiifeld, Messias Jud&orum, Leipzig, 1869, p. lxii-lxx, et Schûrer, ouvr. cité, p. 657-658. De ce que dit Hilgenfeld des traces dudit livre dans le Nouveau Testament, il n’y a rien à retenir. Le quatrième livre d’Esdras était écrit en grec ; le texte original est perdu, il n’en reste que quelques ci tations fournies par Clément d’Alexandrie. Mais on en possède une ancienne version latine publiée, ne prorsus interiret, dans les éditions delaVul£ate, et mieux par dom Sabatier, Bibliorum Sacrorum

lalinæ versiones antiquss, Paris, 1743, t. iii, p. 1069-1084 ; le texte de cette version, qui présentait une lacune grave, a été complété par Bensly, The missing fragment of the latin translation of the fourlh book of Ezra, Cambridge, 1875. Il existe concurremment : une version syriaque publiée en syriaque et en latin par Ceriani, Monumenta sacra et profana, t. i, fasc. 2, p. 99-124 ; t. v, fasc. 1, p. $1-$211 ; une version éthiopienne publiée par Laurence, Quarti Ezr « libri versio sethiopica, Oxford, 1820 ; une version arabe publiée par Gildemeister, Esdrse liber quartus arabice, Bonn, 1877 ; une version arménienne publiée en latin par Hilgenfeld, ouvr. cité, p. 378-433 ; une ancienne version allemande, découverte par W.Walther, Die deutsche Bibeliïbersetzung des Mitlelalters, Brunswick, 1889. Il nous manque une édition critique qui utilise tous ces textes différents, et surtout les manuscrits latins, qui sont loin d’avoir été sérieusement exploités. Nul doute que le texte que nous possédons et que nous devons à la tradition chrétienne n’ait été interpolé en plus d’un endroit par une main chrétienne.

Le livre peut être divisé en sections. Premièrement, une introduction, ch. i-ii ; puis sept visions, a) m-v, 20 ; b) v, 21-vi, 34 ; c) vi, 35-ix, 26 ; d) ix, 27-x, 60 ; e) xi-xii ; f) xm ; g) xiv-xvi. « Ces visions, écrit M. Renan, affectent pour la plupart la forme d’un dialogue entre Esdras, supposé exilé à Babylone, et l’ange Uriel ; mais il est facile de voir, derrière le personnage légendaire, le Juif ardent de l'époque flavienne, plein de rage encore à cause de la destruction du temple par Titus. Le souvenir de ces jours sombres de l’an 70 monte dans son âme comme la fumée de l’abîme et la remplit de saintes fureurs. Un doute protond le déchire : pourquoi Israël, le peuple élu de Dieu, est-il le plus malheureux des peuples, et d’autant plus malheureux qu’il est plus juste ? » L’ange Uriel répond à cette question douloureuse : Les mystères de Dieu sont impénétrables et l’esprit de l’homme borné. Puis le Messie va venir ; fils de Dieu et de la race de David, il va paraître au-dessus de Sion dans sa gloire, accompagné des personnages qui n’ont pas goûté la mort, Moïse, Enoch, Élie, Esdras lui-même. Il livrera de grands combats contre les méchants. Après les avoir vaincus, il régnera quatre cents ans sur la terre avec ses élus. Au bout de ce temps le Messie mourra, et tous les vivants mourront avec lui. Le monde rentrera dans son silence primitif durant sept jours. Puis un monde nouveau apparaîtra ; la résurrection générale aura lieu. Le Très -Haut paraîtra sur son trône et présidera le jugement définitif. — Une vision spéciale, chap. xi et xii, est destinée, comme dans presque toutes les apocalypses, à donner d’une façon énigmatique la philosophie de l’histoire contemporaine. Un aigle immense, symbole de l’empire romain, étend ses ailes sur toute la terre et la tient dans ses serres. Il a six paires de grandes ailes, quatre paires d’ailerons et trois télés. Les six paires de grandes ailes sont six empereurs. Le second d’entre eux règne si longtemps, qu’aucun de ceux qui lui succèdent n’arrive à la moitié du nombre d’années qui lui a été départi. C’est notoirement Auguste ; et les six empereurs dont il s’agit sont les six empereurs de la maison de Jules, César, Auguste, Tibère, Caligula, Claude, Néron. Les quatre ailerons sont les quatre usurpateurs ou anticésars, Galba, Othon, Vitellius, Nerva, qui, selon l’auteur, ne doivent pas être considérés comme de vrais empereurs. Les trois têtes sont les Flaviens, qui dévorent les ailerons. La tête du milieu, la plus grande, est Vespasien ; elle meurt. Les deux autres, Titus et Domitien, régnent ; mais la tête de droite dévore celle de gauche, allusion à l’opinion populaire sur le fratricide de Domitien, et elle est tuée à son tour. C’est alors le règne de la dernière paire d’ailerons, Nerva. Le règne de cet usurpateur est court et plein de troubles ; c’est moins un règne qu’un acheminement ménagé par Dieu pour amener la fin des temps. En effet, au bout de quelques instants, selon notre visionnaire, le dernier anticésar, Nerva,