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APOCALYPSE — APOCALYPSES APOCRYPHES


tirée de l’obscurité de ce livre prophétique, comme s’il ne se composait que d’une série d'énigmes indéchiffrables, qu’il serait indigne de Dieu de proposer à son Église, et inutile aux hommes de vouloir comprendre. C’est le propre de toute prophétie d'être obscure ; d’ordinaire, c’est seulement l'événement accompli qui en fait saisir le sens précis. Il y a même des prophéties très importantes, dont l’accomplissement resterait douteux pour nous, si l’autorité du Nouveau Testament ou celle de la tradition de l'Église ne nous en donnait l’assurance. Telle est, entre autres, la prophétie de l’Emmanuel, fils de la Vierge. Dans l’Apocalypse, d’ailleurs, il n’y a pas que des prédictions d'événements futurs. Il y a le prologue, renfermant les avis aux sept évêques, les descriptions du ciel, des anges, des martyrs, du Fils de Dieu dans sa gloire, etc. Tout cela est suffisamment clair, quoique présenté sous des formes pleines de poésie. « Même dans la partie prophétique, il s’en faut bien que tout soit obscur, ou que l’obscurité soit si grande. Il est vrai qu'à l’origine il n'était pas facile d’en préciser le sens ; mais les événements ont fait le jour, et les interprètes ont expliqué le texte. » Bacuez, Manuel biblique, t. iv, n° 920. Cet auteur parle ainsi des interprètes qui, comme lui, suivent Bossuet. Il continue : « Pour ce qui reste à accomplir, « je le laisse, dit Bossuet, « à ceux qui en savent plus que moi, car je tremble en « mettant les mains sur l’avenir ; » néanmoins on a une certaine vue des événements prévus et de leurs principaux caractères. Par exemple, on ne saurait dire au juste quels faits précéderont la fin du monde, ce que sera l’Antéchrist, quand il viendra, ce que c’est que Gog et Magog, comment aura lieu la résurrection, etc. Mais on comprend fort bien que la résurrection et le jugement mettront fin à la durée du monde, qu’il y aura auparavant des épreuves terribles, un grand séducteur et un grand persécuteur : n’est-ce pas assez pour craindre et louer Dieu, pour s’attacher à son service, se confier à sa providence, se détacher de tout et aspirer au ciel ? »

Quant à l’utilité de ce livre pour les enfants de l'Église, on peut dire qu’il n’y en a peut-être aucun dans la Bible qui soit aussi fécond en enseignements dogmatiques et moraux. On n’y rencontre presque aucun endroit où la divinité de Jésus-Christ ne nous soit révélée en des termes et sous des images sublimes. Il est le premier-né d’entre les morts, le prince des rois de la terre, I, 5 ; le premier et le dernier, qui fut mort et est vivant, r, 17 ; il tient les clefs de la mort et des enfers, i, 18 ; il régit les nations avec un sceptre de fer, xix, 15 ; il conduit les bienheureux aux sources de la vie, vii, 17. « L’Apocalypse tout entière, dit fort bien le P. Cornely, Introd, , t. iii, n° 250, p. 34, qu’est-elie autre chose qu’un chant triomphal, un épithalame du Christ, célébrant, victorieux de tous ses ennemis, ses noces divines avec l'Église, son épouse ? » Nulle part, dans la sainte Écriture, l’angélologie et la démonologie ne sont aussi développées. Nulle part la gloire et le bonheur des élus ne sont dépeints sous des images plus magnifiques. La majesté et les attributs de Dieu y brillent du plus vif éclat ; sa providence surtout, qui veille sur son Église, la gouverne, la délivre de ses ennemis, la venge des injures qui lui sont infligées, la console dans ses tribulations par les plus brillantes espérances. « Nulle part les grandes vérités morales, l’importance du salut, la vanité des grandeurs du monde, le domaine souverain de Dieu, la rigueur de ses jugements, la réalité de la vie future, l’alternative inévitable d’un bonheur ou d’un malheur sans fin, ne sont exprimés d’une manière plus saisissante. Aussi n’est-il pas de lecture plus propre à donner à l'àme le mépris des choses de la terre, la crainte de Dieu, le désir du ciel, l’amour des grandes vertus, du détachement, de la fermeté, de la patience, du sacrifice, du zèle. Plus on s’en nourrit, plus on conçoit de respect pour la majesté divine, d’horreur pour l’impiété, de reconnaissance pour Notre - Seigneur, de confiance en sa providence, d’admiration pour les martyrs et pour les

saints. Plus on se pénètre de ces vérités : que les élus sont toujours dans la main de Dieu, que leurs afflictions sont des épreuves destinées à accroître leurs mérites, que la malice de leurs ennemis ne saurait nuire par elle-même à leurs vrais intérêts, et qu’enfin il n’y a pour l'âme qu’un seul bien à désirer, l’amour du Sauveur en ce monde et son royaume éternel dans l’autre. » Bacuez, Manuel biblique, t. IV, n° 948.

VIII. Commentaires principaux. — 1° Commentaires anciens. — S. Hippolyte. Son explication de l’Apocalypse a péri, mais André de Césarée en a inséré dans son commentaire plusieurs sentences ; André de Césarée, In Apoc. comment., t. Cvi, col. 215 et suiv. ; Arétas de Césarée, Coacervatio enarrationum in Apocal., t. cvi, col. 499 et suiv. ; Œcumenius, Comment, in Apoc, en appendice à la Catena grœca in Epist. cath., édit. Cramer, Oxford, 1840 ; S. Victoria de Pettau, Scholia in Apoc, t. v, col. 317 et suiv. ; S. Paterius et Alulfus ont recueilli diverses explications apocalyptiques de saint Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 1107 et suiv., 1397 et suiv. ; Primasius, Commentariorum libri quinque, t. lxviii, col. 793 et suiv. ; V. Bède, Explanatio Apoc, t. xcni, col. 129 ; Cassiodore, Complexiones in Apoc, quelques textes seulement, t. lxx, col. 1405 et suiv. ; Berengaudus, Exposilio super septem visiones libri Apoc, t. xvii, col. 765 ; Alcuin, Commentariorum libri quinque, t. c, col. 1087 et suiv. ; Bruno d’Asti, Expositio in Apoc, t. clxv, col. 605 et suiv. ; Rupert, Commentarii in Apoc, t. clxix, col. 825 ; Richard de Saint-Victor, Explicatio…, t. cxcvi, col. 683 et suiv. ; S. Martin de Léon, Exposilio…, t. ccix, col. 299 et suiv.

2° Commentaires modernes. — Albert le Grand, Commentarii, dans ses Opéra, Lyon, 1651, t. xi ; card. Hugues, Opéra, Venise, 1754, t. vii, p. 365 et suiv. ; Thomas d’Angleterre, parmi les Spuria de saint Thomas d’Aquin, édit. de Parme, t. xxiii, p. 325 et suiv. ; l’abbé Joachim, Expositio magni prophètes abbatis Joachim in Apocalypsin, Venise, 1527. — Au xvi « et au xviie siècle, il parut plus de trente commentaires sur l’Apocalypse, sans compter ceux qui font partie des commentaires complets de la Bible. Les principaux sont : Ribera, Lyon, 1593 ; Viega, York, 1601 ; Boulenger, Paris, 1597 ; Pererius, Lyon, 1606 ; Alcazar, Anvers, 1614 ; Kircher, Cologne, 1676 ; Bossuet, Paris, 1689 ; Holzhauser, Bamberg, 1784 ; Trotti de la Chétardie, Bourges, 1692 ; Vitringa, Leucopetra, 1721.

3° Commentaires récents. — De Bovet, L’esprit de l’Apor calypse, Paris, 1840 ; Bisping, Exegetisches Handbuch, Erklàrung der Apocalypse, Munster, 1876 ; Krementz, Die Offenbarung des h. Johannes, Fribourg, 1883 ; Verschræge, Clarse simplicesque explicationes Apoc, Tournai, 1855 ; Lafont-Sentenac, Le plan de l’Apocalypse, Paris, 1872 ; Waller, Die Offenbarung des h. Johannes, Bixheim, 1882 ; Bigou, L’avenir, Paris, 1887 ; Duprat, L’Apocalypse, 3 in-8°, Lyon, 1889. — Protestants : Hengstenberg, Die Offenbarung des h. Johannes, Berlin, 1819-1851 ; Rougemont, La Révélation de saint Jean, Neuchatel, 1866 ; Floerke, Die Lehre vom tausendjàhrigen Reiche, Marbourg, 1859 ; Volkmar, Commentar zur Offenbarung Johannes, Zurich, 1862. — On consultera avec fruit les introductions au Nouveau Testament de Kaulen, de Valroger, de Cornely, d’Aberle, le Manuel biblique de Bacuez ; et, du côté des protestants, surtout l’introduction au Nouveau Testament de Hilgenfeld. J. Corluy.

APOCALYPSES APOCRYPHES. Nous partagerons cet article en deux sections : la première consacrée aux apocalypses d’origine juive, la seconde aux apocalypses d’origine chrétienne.

I. Apocalypses juives. — Au contraire des apocalypses chrétiennes, qui ne sont, pour la plupart, que des pastiches très tardifs de l’Apocalypse canonique de saint Jean, les apocalypses juives sont de tous les apocryphes de l’Ancien Testament ceux qui offrent le plus vif intérêt