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APION — APOCALYPSE

Rome, où Pline l’Ancien, tout jeune alors puisqu’il était né en l’an 23, rapporte avoir suivi ses leçons. Les succès oratoires d’Apion lui avaient valu le surnom de πλειστονίκης.

La réputation d’Apion était surtout fondée sur ses commentaires d’Homère et d’Aristophane, commentaires d’une remarquable valeur, au jugement des critiques anciens. Mais il nous intéresse surtout pour ses polémiques retentissantes contre les Juifs. Apion avait composé une Histoire d’Égypte (Αἰγυπτιακά) en cinq livres, dont il ne nous reste que quelques courts fragments (l’un, entre autres, fourni par Aulu-Gelle, et qui n’est autre que l’histoire du lion d’Androclès). De ces cinq livres, le troisième et le quatrième étaient consacrés aux origines des Juifs et à leur sortie d’Égypte. Apion avait en outre composé un traité spécial Adversus Judæos. Josèphe, qui en écrivit une réfutation en règle, Adversus Apiorem, nous en fait connaître les principales idées. Selon Apion, les Juifs étaient d’origine égyptienne, et ils avaient été ignominieusement expulsés d’Égypte ; les Juifs troublaient la paix d’Alexandrie ; les Juifs avaient des rites sanglants et absurdes, au nombre desquels le culte de la tête d’âne. Ce dernier trait est particulièrement curieux : on sait que Tacite croyait à la réalité de ce culte de la tête d’âne, Hist., v, 4, et que ce fut une accusation soulevée aussi contre les chrétiens. Minutius Félix, Octavius, ix, t. i, col. 261.

Apion figure dans les Homélies clémentines comme faisant partie de la suite de Simon le Magicien : « Apion Plistonice, d’Alexandrie, grammairien » (Homil., iv, 6. Patr. gr., t. ii, col. 161) : c’est le personnage chargé de défendre la philosophie et la mythologie helléniques contre l’impiété judaïque que soutient Clément.

Les fragments qui nous restent d’Apion ont été réunis par C. Müller, Fragmenta historicorum græcorum, 1819, t. ii, col. 506-516. Voir Lightfoot, art. Apion, 1871, dans le Dictionary of christian biography.

P. Batiffol.


APIS, taureau sacré de Memphis, adoré par les anciens Egyptiens, qui le regardaient comme un symbole d’Osiris (fig. 184). L’adoration du veau d’or dans le désert du Sinaï, Exod., xxii, 4-35, et l’érection des deux veaux d’or à Béthel et à Dan par Jéroboam Ier, roi d’Israël, III Reg., xii, 28, sont, d’après l’opinion commune, un souvenir du culte rendu au bœuf Apis. Voir Veau d’or.


184. — Bœuf Apis. Bronze. Musée du Louvre.


APOCALYPSE, ᾿Λποκάλυψις, Apocalypsis.

I. Nom.

Dans les manuscrits les plus anciens, le livre prophétique du Nouveau Testament porte le nom de ᾿Αποχάλυψις ᾿Ιωάννου : dans les plus récents, ᾿Αποκάλυψις᾿Ἰωάννου τοῦ θεολόγον, ou bien ᾿Αποκάλυψις ᾿Ιωάννου τοῦ θεολόγου καὶ εὐαγγελίστου, ou encore ᾿Αποκάλυψις Ἰωάννου τοῦ ἀποστόλου καὶ εὐαγγελίστου. De même en latin, le manuscrit de Fulda porte en titre : Apocalypsis sancti Joannis, et le Codex Amiatinus : Apocalypsis sancti Jounnis, apostoli et evangelistæ.

II. Authenticité.

L’auteur de l’Apocalypse se nomme lui-même, en tête de son livre, Jean, le serviteur de Jésus-Christ. i, 1. De toute antiquité on y a reconnu saint Jean, le disciple bien-aimé du Christ, apôtre et évangéliste. C’est ce qu’attestent déjà les inscriptions du livre, comme nous venons de le voir. Plusieurs Pères des plus anciens rendent le même témoignage. Un disciple immédiat de l’apôtre saint Jean, saint Polycarpe, nous offre dans sa lettre aux Philippiens plusieurs expressions propres à l’Apocalypse. Ainsi Phil, inscript., t. v, col. 1005, il écrit : ἔλεος ἡμῖν καὶ εἰρήνη παρὰ Θεοῦ παντοχράτορος. Cf. Apoc., i, 4. Le nom de παντοκράτωρ, donné à Dieu, se rencontre neuf fois dans l’Apocalypse ; en dehors de ce livre une seule fois, 1 Cor., vi, 18, encore est-ce dans une citation de l’Ancien Testament. Au chapitre viii de cette même lettre, il dit : Μιμηταὶ γενώμεθα τῆς ὑπονομῆς αὐτοῦ, d’après Apoc., i, 9. Enfin, au chapitre vi, il y a un passage où l’Apocalypse est équivalemment citée comme un écrit inspiré : « Servons-le donc avec crainte et en toute révérence, comme il l’a commandé, lui et les Apôtres qui nous ont préché l’Évangile, et les prophètes qui nous ont annoncé l’avènement de Notre-Seigneur. » Le contexte montre assez clairement que ces prophètes, nommés après le Christ et les Apôtres, sont ceux du Nouveau Testament. Cf. Apoc., xviii, 20, et Eph., i, 20.

Nous n’avons plus les ouvrages de saint Papias, évêque d’Hiérapolis, autre disciple de saint Jean ; mais André de Césarée, qui vivait vers la fin du Ve siècle, déclare que saint Papias, saint Irénée, saint Méthode et saint Hippolyte attestent la crédibilité de ce livre. In Apoc. comment. t. cvi, col. 215 et suiv. D’où nous pouvons conclure que ces Pères, non moins que ceux qui les ont suivis, regardaient l’Apocalypse comme l’œuvre de l’apôtre saint Jean. On sait que Papias fut l’auteur du millénarisme ; or cette doctrine eut sa source dans l’interprétation trop littérale d’un passage de l’Apocalypse, xx, 4-7. Papias connaissait donc ce livre, et en reconnaissait l’autorité.

Dès qu’on a franchi l’ère des Pères apostoliques, on se trouve en présence des témoignages les plus formels en faveur de l’origine apostolique de l’Apocalypse. Saint Irénée, qui touche à l’apôtre saint Jean par son maître Polycarpe, écrit, Hær., iv, 20, 11, t. vii, col. 1040 : « Jean aussi, le disciple du Seigneur, dit dans l’Apocalypse, etc. » ; v, 26, 1, t. vii, col. 1102 ; « Jean, le disciple du Seigneur, marqua dans l’Apocalypse. »

Saint Justin, le plus ancien des Pères après les Pères apostoliques, dit dans son dialogue avec Tryphon, 81, t. vi, col. 669 : « Chez nous, un homme appelé Jean, un des Apôtres du Christ, affirme dans la Révélation (ἀποκάλυψει) qui lui fut donnée, que les fidèles demeureront à Jérusalem pendant mille ans. » Il est à remarquer que ce dialogue avec Tryphon eut lieu vers l’an 140, à Éphèse, là même où le disciple bien-aimé passa une grande partie de sa vie, et où il mourut. On devait y être parfaitement renseigné sur la provenance de l’Apocalypse, écrite moins d’un demi-siècle auparavant. De nombreuses allusions à divers passages de ce livre se rencontrent dans les œuvres de saint Justin.

Nous savons par Eusèbe, H. E., iv, 26, t. xx, col. 392, qu’un contemporain de saint Justin, saint Méliton, évêque de Sardes, une des Églises à laquelle l’Apocalypse adresse ses avertissements, ἃ écrit un commentaire « sur l’Apocalypse de Jean ».

La lettre des Églises de Lyon et de Vienne aux Églises d’Asie, écrite en 177, est pleine d’allusions manifestes à l’Apocalvpse. En voici deux exemples : Il est dit du martyr Épagathus : « Il a été et il est le vrai disciple du Christ, suivant l’Agneau partout où il va. » Apoc., xiv, 4. Satan est constamment nommé le Dragon ; et il est dit des confesseurs qu’ils se laissaient volontiers