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ANTIOCHUS IV ÉPIPHANE

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égyptiens et syriens avaient peu à peu altéré la foi et les mœurs d’un certain nombre de Juifs, et il s’était formé insensiblement un parti helléniste, caractérisé par son penchant pour les idées et les coutumes grecques, et dont le centre principal était à Jérusalem. Il se composait naturellement des plus remuants et des plus ambitieux, et comptait dans son sein beaucoup déjeunes gens entreprenants et hardis. L’avènement d’Antiochus IV au trône de Syrie leur parut une occasion favorable pour s’emparer du pouvoir dans la Judée, et ce furent ces Hellénisants qui fournirent occasion au nouveau roi de s’immiscer dans leurs affaires intérieures et religieuses. Ils lui envoyèrent à Antioche des députés chargés de lui exposer leurs projets et d’obtenir de lui l’autorisation de les mettre à exécution. Rien ne pouvait lui être plus agréable ; il accorda tout ce qu’on voulait, et l’on vit bientôt s’élever dans la cité sainte un gymnase païen, et des enfants de Jacob vivre à la façon des Grecs. I Mach., i, 12-16. C’est ainsi que commença l’œuvre de perversion, en attendant que la persécution lui vint en aide pour travailler à déraciner le mosaïsme.

Encouragés par ces premiers succès, quelques hommes, mus par les mobiles les plus intéressés et les plus vils, recoururent à Antiochus afin de satisfaire leur ambition. Jason, frère du grand prêtre Onias 111, entreprit de le dépouiller ; il brigua pour lui-même le souverain pontificat, et l’obtint ou plutôt l’acheta d’Antiochus IV. Il gagna ce prince en le prenant par ses deux côtés faibles. Comme Épiphane, à cause de ses prodigalités et du lourd tribut qu’il avait à payer aux Romains, était toujours à court d’argent, le prêtre infidèle lui offrit des sommes considérables, II Mach., iv, 8-9 ; de plus, comme il savait que le prince était un ardent propagateur des mœurs helléniques, il changea son nom hébreu de Jésus (Josèphe, Ant. jud., XII, v, 1) pour prendre le nom grec de Jason, et sollicita comme une faveur la permission d’  « helléniser » ses compatriotes de Judée, et spécialement de Jérusalem. II Mach., iv, 9-20 (174 ans avant J.-C). Onias III fut obligé de se retirer à Antioche, où un officier d’Antiochus le fit périr plus tard traîtreusement, pendant que le roi faisait une guerre en Cilicie. Ce prince vengea sa mort à son retour, pour donner satisfaction à l’opinion publique. II Mach., iv, 30-38.

Jason, en achetant ainsi le souverain sacerdoce, avait appris à Antiochus IV qu’il pourrait trouver en Palestine des ressources abondantes pour satisfaire ses goûts de dépenses ; aussi ce prince ne manqua-t-il aucune occasion d’arracher de l’argent aux Juifs. Daniel avait prédit les conquêtes d’Épiphane en Egypte. Dan., xi, 25. Ce pays avait toujours excité la cupidité des Séleucides, ils tenaient surtout à avoir en leur possession les provinces de Gœlésyrie, de Phénicie et de Palestine, et les Ptolémées les désiraient avec non moins d’ardeur. Elles avaient été données en dot par Antiochus III le Grand à sa fille Cléopâtre, lorsqu’elle épousa Ptolémée V Épiphane ; mais depuis la mort de cette princesse les rois de Syrie n’avaient cessé de les réclamer. Elles étaient au pouvoir d’Antiochus IV dès le commencement de son règne, comme le prouve l’histoire de Jason, I Mach., i, M, 14, et les honneurs avec lesquels ce roi fut reçu à Jérusalem, quelque temps après son avènement au trône, vers 173. II Mach., iv, 22. Mais pour assurer de plus en plus ces possessions, et dans le but de s’emparer de l’Egypte elle-même,

I Mach., i, 17, Épiphane fit quatre campagnes contre ce dernier pays : la première en 171, la seconde en 170,

II Mach., v, 1 ; I Mach., i, 17-21, la troisième en 169 et la quatrième en 168. Dans toutes ces expéditions, il eut à traverser la Palestine, et ce pays eut souvent à en soulfrir.

Jason, après avoir acheté le souverain pontificat, en était resté paisible possesseur pendant trois ans, de 174 à 171. Il n’avait rien négligé pour s’assurer les bonnes grâces de son protecteur Antiochus ; il avait même poussé l’infamie, lui grand prêtre du vrai Dieu, jusqu’à envoyer

au roi de Syrie, qui assistait à Tyr aux jeux quinquennaux, trois cents drachmes d’argent destinées à célébrer un sacrifice en l’honneur d’Hercule. II Mach., iv, 18-19. Voir Jason. Il reçut aussi Antiochus avec les plus grands honneurs à Jérusalem. II Mach., iv, 22. Cependant tant de servilité et de bassesse furent impuissants à le maintenir dans sa charge. Un compétiteur non moins ambitieux que lui, appelé Ménélas, employa pour le supplanter le moyen dont il s’était servi lui-même pour usurper les fonctions d’Onias III ; il offrit à Antiochus IV trois cents talents d’argent de plus ; ses propositions furent acceptées, et Jason obligé de chercher un refuge chez les Ammonites (Josèphe commet une erreur, Ant. jud., XII, v, 1 ; cf. XV, iii, 1 ; XIX, vi, 2, quand il dit que Ménélas était trère de Jason). Le grand prêtre évincé ne put se consoler de sa disgrâce, et il guetta une occasion favorable pour se venger. Il crut l’avoir trouvée, pendant qu’Épiphane était occupé en Egypte par sa seconde campagne contre Ptolémée Philométor (170). Une fausse rumeur s’étant répandue que le roi de Syrie était mort, Jason, à la tête de mille hommes, s’empara par un coup de main de Jérusalem, et son rival Ménélas fut contraint de se réfugier dans la citadelle.

Malheureusement pour Jason, Antiochus IV était toujours vivant, et de plus vainqueur. Il avait remporté les plus grands succès ; à la tête d’une armée formidable, 1 Mach., i, 18, il était entré « dans des villes riches et opulentes », et fait « ce que n’avaient pas fait ses pères et les pères de ses pères », Dan., xi, 24, il s’était emparé d’une grande partie de l’Egypte, et Ptolémée Philométor lui-même était tombé entre ses mains. I Mach., i, 20 (170 avant J.-C). La nouvelle de ce qui s’était passé à Jérusalem irrita profondément Épiphane. Au retour de son expédition, il marcha contre la cité sainte à la tête de son armée victorieuse, y fit un grand massacre, pilla la ville et le temple, et en emporta les vases sacrés et tout ce qu’il renfermait de précieux, I Mach., i, 20-29 ; II Mach., v, 11-21 ; Josèphe, Ant. jud., XII, v, 3 ; Cont. Apion., ii, 7. Ménélas lui-même, altéré de vengeance, dirigea le roi dans le pillage de la maison de Dieu. II Mach., v, 15. Les profanations sacrilèges d’Antiochus furent plus douloureuses au cœur des Juifs fidèles que ses rapines. Il Mach., v, 15-17. Ce n’étaient là cependant que les premiers présages de la persécution qui devait éclater plus tard avec tant de violence, mais l’horreur qu’inspira la conduite du roi souillant la demeure de Dieu fut le germe de la réaction qui devait amener la glorieuse révolte des Machabées contre le joug impie des étrangers.

La troisième expédition du roi de Syrie contre l’Egypte n’eut aucune conséquence particulière pour la Judée, mais la quatrième devait lui être fatale. L’orgueil d’Épiphane fut cruellement humilié dans cette dernière campagne. Cette expédition ne fut pas « semblable à la première ». Dan., xi, 29. L’Egypte fut d’abord réduite aux abois. Le Syrien se voyait à la veille de réaliser ses rêves les plus ambitieux, lorsque les Romains intervinrent. Le général Popilius Lœna lui signifia un ordre du sénat lui enjoignant de renoncer à ses projets sur le royaume des Ptolémées, s’il ne voulait pas être l’ennemi des Romains. Antiochus voulut gagner du temps et lui demanda à réfléchir. Popilius traça un cercle avec un bâton autour du roi et le somma de se prononcer avant d’en sortir.’EvTaCôa po’j^e’Jou, « Délibère là, » lui dit le fier général. Le vainqueur des Ptolémées, qui avait vécu plusieurs années à Rome, en connaissait la puissance ; il savait qu’il ne pouvait y résister ; il se soumit (168 avant J.-C). Dan., xi, 29-30 ; Polybe, xxix, 11 ; Diodore de Sicile, xxxi, 2 ; Tite Live, xlv, 12 ; Appien, Syr., 66 ; Justin, xxxiv, 3. Mais son amour-propre avait été cruellement blessé. Il s’en vengea sur les Juifs. « Les vaisseaux de Kittim [les Romains] viendront contre lui, avait prédit Daniel, et il sera frappé, et il s’en retournera, et il s’irritera contre l’alliance sainte, et il fera [du mal], » Dan., xi, 30.