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PRÉFACE

Apôtres qu’une seule raison d’être : prédire et figurer Jésus-Christ. À leurs yeux, le sens auquel il faut s’attacher n’était pas toujours celui que signifiaient naturellement les mots, témoin la fameuse allégorie d’Agar et du Sinaï. Le véritable sens, c’était Jésus-Christ ; l’importance capitale des écrits sacrés vient de ce qu’ils signifient, de ce qu’ils aident à prédire, de ce qu’ils sont l’histoire anticipée du Sauveur. Je ne prétends pas que les Apôtres n’aient pas admis le double sens de l’Écriture, et l’expression de saint Paul : quae sunt per allegoriam dicta, n’infirme évidemment pas la réalité historique d’Agar, comme le soutiennent certains rationalistes modernes ; je dis qu’on y cherchait avant tout le Messie. Ce qui embarrassait les rabbins n’embarrasse plus les Apôtres : les premiers cherchent, les autres ont trouvé ; les rabbins calculent l’avenir, font des prodiges d’interprétation qui nous étonnent et nous font sourire ; les Apôtres ont la clef du mystère, le mot de l’énigme, l’événement leur a donné le vrai sens de l’Écriture ; pour eux il n’y a plus d’avenir, les promesses et les prophéties sont réalisées, tout est réalisé et accompli jusqu’au moindre apex ou au plus petit iota.

Les Pères. — Ce culte pour la Sainte Écriture se retrouve chez tous les Pères. Les traductions nombreuses que l’on en fit pour la mettre aux mains des fidèles, les travaux critiques considérables de cette époque, ceux surtout d’Origène et de saint Jérôme, sont une preuve éclatante de l’activité littéraire des premiers siècles, la constatation sans réplique de la place à part que la Bible tenait dans les préoccupations des chrétiens. Au surplus, la plupart des écrits des Pères sont des commentaires homilétiques sur l’Écriture. Faut-il ajouter que les travaux auxquels nous faisons allusion, réserve faite des temps, des facilités de travail dues à l’imprimerie, à l’abondance des manuscrits, sont aussi remarquables que ceux de nos jours ?

Il ne s’agit pas d’apprécier ici la nature de ce mouvement ni de cette activité ; il suffit d’en montrer l’importance. Pour les plus anciens Pères, l’Écriture était presque un autographe de la divinité ; ils allaient, — pour les raisons que l’on sait, — jusqu’à croire à l’inspiration des Septante, « On voulut couper court aux difficultés des rabbins et expliquer les variantes qui pouvaient surprendre les fidèles en admettant l’inspiration des Septante. » Vigouroux, Manuel biblique, t. i, p. 60.

La notion d’inspiration est fort rigoureuse. D’après saint Justin, suivi en cela par beaucoup d’autres, « l’écrivain sacré est l’instrument du Saint-Esprit comme une flûte aux lèvres du musicien. » Il ajoute que « l’inspiration est un don qui vient d’en haut aux saints hommes, qui pour cela n’ont besoin ni de rhétorique ni de dialectique, mais doivent simplement se livrer à l’action du Saint-Esprit, afin que l’archet divin descendu du ciel, se servant d’eux comme d’un instrument à cordes, nous révèle la connaissance des choses célestes ».

Il est superflu, je pense, de chercher à montrer l’importance de l’Écriture dans les premiers siècles : ce serait vouloir démontrer l’évidence. Il faudrait citer tous les Pères. Leur pensée se résumerait exactement dans ce mot du plus ancien de tous, saint Clément Romain : Diligenter inspicite Scripturas, Spiritus Saneti vera oracula.

Le moyen âge. — Le moyen âge a goûté plus que nous la Sainte Écriture et en a tiré un plus grand profit spirituel ; cependant il n’a produit rien de très remarquable au point de vue critique. D’ailleurs il ne le pouvait guère, n’ayant à sa disposition presque aucun des éléments dont nous disposons à présent. Il a pris le texte reçu et s’en est nourri avec piété. L’Écriture a été l’aliment spirituel, la grande consolation,