Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/407

Cette page n’a pas encore été corrigée

ANTIOCHE DE SYRIE — ANTIOCHE (ÉCOLE EXÉGÉTIQUE D') 684

683

pays bibliques, t. iii, p. 30-80, et L'Œuvre des Apôtres, 1. 1, p. 236- '272 et 348. E. Le Camus.

3. ANTIOCHE (ÉCOLE EXÉGÉTIQUE D'). — L'école exégétique d’Antioche de Syrie est moins ancienne que celle d’Alexandrie d’Egypte ; de plus, elle ne forma même pas d’abord une école proprement dite, donnant un enseignement régulier, comme le Didascalée de la capitale égyptienne (voir Alexandrie 2) ; mais elle mérita néanmoins ce nom, avant même d’avoir des professeurs et des élèves, par un ensemble de doctrines et une méthode d'études et d’exposition que les docteurs formés dans cette ville se transmirent les uns aux autres. Elle doit sa gloire aux écrivains ecclésiastiques sortis de son sein, lesquels se sont surtout distingués par l’explication des Saintes Écritures. Leur trait caractéristique, c’est, par opposition aux tendances allégoriques de l'école d’Alexandrie, la recherche du sens littéral, dont ils font leur objet principal. Ils étudient la révélation divine à l’aide de l’histoire et de la grammaire, et ils s’efforcent de rendre cette étude tout à fait pratique. L’historien Socrate peint par ces mots l'école d’Antioche, en la personne d’un de ses principaux maîtres : WiS> tw Ypâu-fia-n rfflv Œtwv itposé^wv rpa<pûv, toc Œiopta ; aù-râv exTpEitôpxvoç, « il s’attache au sens simple et littéral des divines Écritures, laissant de côté le sens allégorique. » H. E., vi, 3, t. lxvii, col. 668. Cf. Sozomène, H. E., viii, 2, t. lxvii, col. 1516 ; Photius, Bïbl., Codex 38, t. ciii, col. 72.

L’histoire de l'école exégétique d’Antioche peut se diviser en trois périodes : 1° période de formation, depuis saint Lucien jusqu'à Diodore de Tarse (290-370) ; 2° période de maturité et d'éclat, depuis Diodore de Tarse jusqu'à Nestorius (370-430) ; 3° période de décadence, depuis les commencements de l’hérésie nestorienne, vers 430, jusqu'à sa ruine complète.

I. Période de formation de l'école exégétique d’Antioche (290-370). — Ses origines remontent au prêtre Dorothée et au prêtre Lucien. Dorothée était très versé dans la science des Écritures, au témoignage d’Eusèbe, qui les lui avait entendu expliquer, et qui nous apprend de plus que ce docteur avait étudié avec soin la langue hébraïque, pour mieux comprendre la parole de Dieu. Eusèbe, H. E., vii, 32, t. xx, col. 721. Quant au prêtre Lucien, qui, comme Dorothée, scella sa foi de son sang en souffrant le martyre à Nicomédie, en 3Il ou 312, il se distingua aussi par sa science des Écritures. Eusèbe, H. E., IX, 6, t. xx, col. 809. Lucien, originaire de Samosate, avait été élevé à Édesse, où il avait eu pour maître un habile exégète appelé Macaire ; il avait aussi fréquenté l'école de Césarée de Palestine, fondée par Origène. Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, t. ii, col. 607. Quand il alla à Antioche, il y suivit peut-être aussi les leçons de Malehion, qui y tenait une école (vioiiSîUT-ripiov, Eusèbe, H. E., vii, 29, t. xx, col. 708), et qui est considéré par quelques - uns comme le véritable fondateur de l'école d’Antioche. W. Smith, Dictionary of Christian Biography, t. iii, p. 748. Quoi qu’il en soit de ce point, Lucien, s’il n’en fut pas le fondateur, fut du moins le maître qui forma le plus de disciples, dont quelques-uns malheureusement acquirent une triste célébrité : Eusèbe de Nicomédie, Maris de Chalcédoine, Léonce d’Antioche, Eudoxe, Théognide de Nicée, Astérius et Arius, le père de l’hérésie arienne. À cause de leur maître, ils se donnaient le nom de « Collucianistes ». (Théodoret, H. E., i, 4, t. i.xxxii, col. 392 ; A. de Broglie, L'Église et l’empire romain au ive siècle, 2e édit., 1857, t. i, p. 375.) De tels élèves ne firent pas honneur à leur maître, et montrèrent alors, comme plus tard Théodore de Mopsueste, que l’interprétation littérale peut dégénérer en rationalisme, si elle n’est pas maintenue dans de justes bornes. Saint Lucien évita lui-même ces excès. Il se rendit célèbre dans tout l’Orient par son édition critique des Septante, qui rendit de grands services à l'Église grecque. S. Jérôme, De vir.

illust., lxxvii, t. xxiii, col. 685. Son esprit et sa méthodelui survécurent et s’implantèrent solidement dans l’ancienne capitale de la Syrie.

II. Période de maturité et d'éclat de l'école exégétique d’Antioche (370-430). — Flavien, prêtre et évêque d’Antioche (381-404), continua l'œuvre de saint Lucien en s’appliquant à l’instruction et à l’enseignement ; mais cefut surtout son ami Diodore, connu sous le nom de Diodore de Tarse († 394), parce qu’il devint évêque de cette ville vers 379, qui porta au plus haut point la gloire de l'école d’Antioche. Avec lui commence la seconde période historique de cette école. Diodore, comme Flavien, était originaire d’Antioche. (Théodoret, H. E., iv, 22, t. lxxxii, col. 1184.) Il avait étudié la philosophie à Athènes. ( Julien l’Apostat, dans Facundus, Pro defens. trium capitul., iv, 2, t. lxvii, col. 621.) Il avait eu aussi pour maître Silvain, évêque de Tarse, soit à Tarse même, soit à Antioche. S. Basile, Epist. ccxliv, 3, t. xxxii, col. 910. Il mena dans cette dernière ville la vie monastique, et avecson ami Cartérius fut à la tête d’une école proprement dite, dans laquelle il créa un véritable enseignement, avec une sorte de cours régulier d'études, dont l'Écriture Sainte faisait le fonds. Les monastères d’Antioche et des environs devinrent alors autant de centres d'étude. L’historien Socrate atteste, H. E., vi, 3, t. lxvii, col. 665, qu& Jean Chrysostome, Théodore de Mopsueste et Maxime, depuis évêque de Séleucie, fréquentaient les écoles monastiques (àux^TTipLov) des deux archimandrites Diodore et Cartérius, dans l’ancienne capitale de la Syrie. Saint Jean Chrysostome lui-même nous apprend que les monastères servaient alors d'école aux jeunes chrétiens. Adv. oppugnat. vitae monast., iii, 18, t. xlvii, col. 380.

L’enseignement de Diodore de Tarse fut, pour les principes et la méthode, celui de saint Lucien. On lui reproche à lui-même des tendances rationalistes, mais cette accusation n’est pas établie rigoureusement. Quoique son langage ait pu manquer plus d’une fois d’exactitude, il est certain qu’il ne fut pas au moins formellement hérétique. L’orthodoxie de son illustre élève saint Jean Chrysostome peut être regardée comme sa justification, et rien n’autorise à lui attribuer les hardiesses de son autre disciple, . Théodore de Mopsueste ( f 428), et moins encore les erreurs de Nestorius, élève de Théodore. On l’accuse avec plus de raison, d’après les fragments de ses commentaires qui se sont conservés dans les Chaînes, de n’a voirpas épargné les injures aux allégoristes de l'école d’Alexandrie (Dandiran, dans l’Encyclopédie des sciences religieuses, t. i, p. 374. Voir les rares débris qui nous sont restés de ses commentaires dans Migne, Patr. gr-, t. xxxiii, col. 1561-1628). Nous ne connaissons que par le titre son ouvrage Sur la différence entre le sens typique et le sens allégorique, Té ; êtaqjopi Sewpia ? xa’i àllr^yopia ; , mais il n’est pas douteux qu’il n’y préconisât l’exégèse littérale et n’y combattît l’interprétation allégorique. (Voir Suidas, Lexicon, édit. Bernhardy, t. i, col. 1379 ; H. Kihn, Ueber 6eupca und àûlrijapia. nach den verlorenen hermeneutischen Scliriften der Antiochener, dans la Tûbinger Quartalschift, 1880, p. 531-582.)

Diodore eut pour auxiliaire le prêtre Évagre, qui fut aussi l’ami de saint Jérôme. De vir. illust., cxxv, t. xxiii, col. 711. Parmi les élèves du chef de l'école d’Antioche, saint Jean Chrysostome, né dans cette ville en 31~, le plus grand peut-être des exégètes chrétiens, occupe la première place. Théodore de Mopsueste, condisciple de Jean, fut non moins célèbre par ses erreurs que par son éloquence et par sa science des Écritures, qu’il expliqua toujours dans le sens littéral, en l’outrant parfois et en préparant ainsi les voies au nestorianisme. Soii frère Polychronius, évêque d’Apamée sur l’Oronte, de 410 à 430, et Théodoret, évêque de Cyr (vers 386-458), son élève, l’un et l’autre exégètes remarquables, eurent comme Théodore une grande connaissance des Livres Saints, mais surent éviter ses écarts. Isidore de Péluse, mort en 434,