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ANTIMOINE

et au-dessous des yeux, avec une poudre noire appelée kohl (fig. 163). C’est un collyre, composé ordinairement du noir de fumée produit parla combustion d’une résine aromatique appelée libam, espèce d’encens, employée, dit-on, de préférence à un encens de qualité supérieure, parce qu’elle est moins chère et également bonne.

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163. — Œil peint avec le kohl.
Lane, Modern Egyptians, t. i, p. 41.

On prépare aussi le kohl avec du noir de fumée produit en brûlant des coques d’amandes. Ces deux sortes de kohl ne sont employées que pour l’ornement des yeux, quoiqu’on croie qu’elles sont salutaires pour ces organes ; mais il en existe aussi plusieurs espèces dont on se sert à cause de leurs propriétés médicales réelles ou supposées ; en particulier de la poudre de divers minerais de plomb, auxquels on ajoute souvent du sarcocolle, du poivre long, du sucre candi, de la poudre fine d’un sequin vénitien et quelquefois des perles pulvérisées… On applique le kohl avec une petite baguette de bois, d’ivoire ou d’argent amincie vers le bout, mais à pointe émoussée ; on l’humecte avec un liquide, quelquefois avec de l’eau de rose ; on le plonge ensuite dans la poudre, et on le fait passer sur le bord des paupières ; on l’appelle mirwed ; le vase en verre dans lequel est conservé le kohl se nomme mukholah. » Lane, Modern Egyptians, in-12, Londres, 1836, t. i, p. 41-43.

En Arabie, en Perse, en Syrie (fig. 164), on se sert encore aujourd’hui de l’antimoine comme kohl. On admet communément que dans l’antiquité on se servait aussi en Egypte et en Palestine de cette substance, comme l’ont traduit les anciennes versions, pour peindre les yeux en noir.

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161. — femme syrienne dont les jeux sont peints avec l’antimoine.

Le nom même de l’antimoine en égyptien et le déterminatif (voir col. 403) de l’œil qui l’accompagne confirment cette croyance, de même que le mot Modèle:Égyptien mesdem, « collyre pour les yeux, » qui est dérivé de sdem, « antimoine. » Il est, en tout cas, certain que l’usage de se peindre les yeux était commun en Egypte : c’est ce qu’attestent les sculptures et les peintures des temples et des tombeaux, ainsi que les boîtes à poudre qu’on enterrait avec les momies, et dont un grand nombre ont été retrouvées dans les cercueils : quelques-unes contiennent encore des restes de cette poudre noire de toilette, avec la baguette qui servait à l’appliquer sur les yeux, comme celle qui est représentée figure 165 (dans la partie supérieure, la dernière à gauche).

Ces boîtes à poudre étaient de matières diverses ; le plus souvent en pierre, en bois ou en terre cuite. Leur forme était aussi variée : les unes étaient un simple tube rond ou un vase sans ornements ; d’autres se composaient de deux, trois ou quatre compartiments, renfermant apparemment des poudres de qualités différentes, et étaient ornées de mille manières : celles-ci étaient placées entre les mains d’un singe ou d’un monstre qui était censé les supporter, pendant que l’Égyptienne y plongeait son instrument de toilette ; celles-là imitaient des colonnes, etc. (fig. 165).

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165. — Boites antiques à cosmétique. D’après Wilkinson.


Voir Wilkinson, Manners and Customs of the ancient Egyptians, t. iii, p. 382. La Sainte Écriture contient une allusion à ces boîtes à poudre, mais seulement dans un nom propre : la troisième fille que Dieu donna à Job, après son épreuve, reçut le nom de Kérén happûk (Vulgate : Cornustibii), littéralement : « Corne à pûk, » vase (primitivement corne creuse) dans lequel on mettait le pûk qui servait à peindre les yeux (Les Septante n’ont pas traduit littéralement le nom hébreu de la fille de Job ; ils portent : Ἀμαλθαίας κέρας, « corne d’abondance. » Jqb, xiii, 14).

Chez les Égyptiens, les hommes paraissent s’être peints les yeux comme les femmes, si l’on en juge d’après certaines peintures de Thèbes (Wilkinson, ouvr. cit., t. iii, p. 382). Chez les Hébreux, cet usage ne semble pas avoir été si général ; nous ne voyons pas qu’il ait existé chez les hommes, et beaucoup croient qu’il n’était pas non plus commun chez les femmes. Cette dernière affirmation est néanmoins peu d’accord avec les habitudes de l’Orient, où cette espèce d’ornement a toujours été à la mode, depuis l’Egypte jusqu’en Assyrie. A. Layard, Nineveh and its Remains, t. ii, p. 328. Quoi qu’il en soit, du reste, il est raconté expressément dans le quatrième livre des I Rois, IX, 30, que la reine Jézabel, ayant appris l’arrivée de Jéhu, le destructeur de sa famille, « se plaça du pûk sur les yeux. » Ézéchiel, xxiii, 40, fait allusion à la « peinture des yeux », en employant le verbe même dont les