Page:Dictionnaire de la Bible - F. Vigouroux - Tome I.djvu/388

Cette page n’a pas encore été corrigée
645
646
ANNÉE


30 jours pour un mois, le mois lunaire faisant un peu plus de 29 jours et demi. — Ce qui serait plus grave, les prophètes, d’après S. Poole, se seraient servis de l’année de 360 jours. Mais pour appuyer une telle affirmation il n’allègue que l’expression assez énigmatique de Daniel, vil, 25 ; xii, 7 : « un temps, des temps et un demi-temps », sous prétexte que l’Apocalypse, xii, 14 ; cꝟ. 6 ; xi, 2, 3 ; xiir, 5, désigne par là 42 mois ou 1 260 jours, ce qui suppose des mois de 30 jours fixes : 42 X 30 = 1 260. Mais il reste à savoir si l’auteur de l’Apocalypse n’a pas repris pour son compte une expression mystérieuse qu’il explique suivant les usages d’une autre époque.

II. Début DE l’année. — La loi, Exod., xii, 2, déclare que le mois où se célèbre la Pâque est la tête des mois, le premier, r'ôs hôdâsîm, r’isôn ; aussi, dans tous les livres de l’Ancien Testament, les autres mois sontils comptés deuxième, troisième, etc., en partant du mois de la Pâque, qui après la captivité portait le nom de Nisan. II Esdr., H, 1 ; Esther, iii, 7. Le début de l’année est appelé par Ézéchiel, comme chez les Juifs modernes, r'ôs hassânâh, tète de l’année, Ezech., XL, 1 ; mais, dans ce texte, il désigne le mois plutôt que le jour par lequel débute l’année. Cf. Ezech., xxiv, 17 ; xxx, 20, où ce premier mois est aussi appelé r’isôn. Comme Ézéchiel compte partout les mois suivant l’usage ordinaire, il faut donc entendre chez lui le r'ôs haSsânâh du mois où se célèbre la Pâque. Mais les Juifs modernes désignent sous le nom de r'ôs hassânâh le 1 er Tischri ou septième mois à partir de Nisan ; c’est de là qu’ils comptent l’année civile pour la distinguer de l’année religieuse ou des fêtes, qui commence en Nisan. La Mischna, Hosch haschschanali, i, 1, distingue quatre débuts d’année : 1° le premier Nisan, d’où part l’année religieuse, et aussi, est-il dit, l’année des rois ; 2° le premier Élul ou sixième mois à partir de Nisan, d’où part l’année des troupeaux, pour établir à quel moment ils devront payer la dime ; 3° le premier Tischri ou septième mois, tête de l’année civile ou des contrats, de l’année sabbatique et de l’année jubilaire ; 4° le quinze Schébet ou onzième mois après Nisan, d’où se compte l’année des fruits pour la dime. Les usages spéciaux à l’année des troupeaux ou à celle des fruits ne représentent nullement, de l’aveu de tous, une manière particulière de compter les mois de l’année qui ait jamais servi à établir le calendrier ; mais il n’en est pas de même de la tête d’an du premier Tischri. D’après Josèphe, l’usage de commencer l’année avec Tischri, en automne, serait le plus ancien ; dans le récit du déluge les mois seraient comptés à partir de ce moment, de telle sorte que le deuxième mois de Gen., vii, 11, date du commencement des pluies, serait le mois appelé Bios par les Macédoniens et Marschevan par les Hébreux. Ant. jud., i, iii, 3. Et à cette occasion Josèphe déclare que Moïse changea l’ordre des mois, mettant Nisan à la tête pour les fêtes religieuses et pour le sacré, mais laissant subsister l’ordre ancien pour les ventes, achats et autres affaires. Le Targum de Jonathan sur III Reg., viii, 2, affirme aussi que les anciens regardaient le septième mois, Tischri, comme le premier. Cette opinion, ainsi répandue parmi les Juifs dés le premier siècle de notre ère et acceptée sans contrôle par beaucoup d’auteurs chrétiens, a-t-elle quelque fondement dans le passé, ou ne s’est-elle produite.qu’après l’introduction récente d’un usage étranger aux anciens Hébreux ? C’est ce que nous devons examiner.

D’une part, la manière dont Exod., xii, place le mois de la Pàque à la tête des mois paraît établir, comme le croyait Josèphe, une chose nouvelle. De plus, la néoménie du septième mois, c’est-à-dire le premier jour du mois appelé plus tard Tischri, est célébrée avec une solennité particulière. Lev., xxiii, 24 ; Num., xxix, 1. L’année jubilaire, Lev., xxv, 8, et très probablement aussi l’année sabbatique étaient annoncées et commençaient, dans ce même mois de Tischri, au dixième jour. Enfin la troisième grande fête de l’année, celle des Tabernacles, qui avait

lieu dans ce mois à la pleine lune et qui durait une semaine, est présentée dans Exod., xxiii, -16 ; xxxiv, 22, comme se célébrant « au sortir de l’année, au déclin de l’année », besê't hassânâh, teqûfat hasMnâh. Ces expressions ne supposentelles pas un usage ancien suivant lequel l’année se terminait et, partant, se renouvelait à la saison où a lieu cette fête, c’est-à-dire en automne ? Remarquons toutefois que ni le début de l’année jubilaire annoncée le 10 Tischri, ni les expressions citées, relatives à la fête des Tabernacles, ne s’accordent exactement avec l’usage juif postérieur, qui place au 1 er Tischri le r'ôs hassânâh. Si ce mois avait été considéré comme le : premier, on n’aurait pas dit d’une fête qui arrive dans sa seconde moitié : « au sortir ou au déclin de l’année, » mais au contraire : « au commencement. » Le sens de cette locution doit être cherché ailleurs.

D’autre part, on ne trouve aucune trace dans l’Ancien Testament d’une manière de compter les mois différente de celle qui a le mois de la Pâque pour point initial, aucun indice positif d’un calendrier où l’année commencerait en automne. Dans le récit du déluge, rien ne justifie l’opinion de Josèphe identifiant le second mois de Genèse, vii, 11, avec le second mois de l’année macédonienne qui partait de l’automne. Les rapports de ce récit avec la tradition chaldéenne, que les découvertes modernes ont mis en lumière, donneraient plutôt à penser que les mois sont comptés, à partir du printemps. Les expressions d’Exode, xxiii, 16 ; xxxiv, 22, en dehors d’autres indications plus positives, sont trop vagues pour prouver l’existence d’un système différent de calendrier. Comme il n’y avait pas d’autre fête avant la Pâque suivante, elles peuvent vouloir simplement dire que celle de la récolte des fruits est la dernière fête de l’année, qu’avec elle on est à cette seconde partie où il n’y a plus de fête, et qui est comme le retour de l’année. Si on devait leur donner un sens plus déterminé, il faudrait les expliquer par la clause qui les accompagne dans Exode, xxiii, 16 : « et là fête de la récolte, au sortir de l’année, quand tu as ramassé tes récolles des champs. » Cf. Lev., xxiii, 39 ; Deut., xvi, 13. Ces derniers mots laissent entendre que l’auteur veut surtout parler de la fin des travaux agricoles, qui par eux-mêmes forment un cycle annuel essentiellement lié au renouvellement des saisons, cf. Gen., viii, 22, basé sur la nature même, et qui existe indépendamment de toute forme de calendrier ; on peut donc faire allusion à ce cycle agricole annuel alors même qu’il n’est pas à la base du calendrier. L’année sabbatique et l’année jubilaire, qui consistent avant tout dans le repos de la terre, dans l’abstention des travaux des champs, doivent nécessairement commencer et se terminer comme ceux-ci, sans qu’il y ait là aucune trace d’un calendrier spécial. Il n’est pas nécessaire d’expliquer comme un début d’année la solennité de la septième néoménie ; elle ouvre un mois saint par excellence, à cause des grandes fêtes de l’Expiation et des Tabernacles, et de plus son rang même de septième la distingue, comme celui de la septième année ou celui de la septième semaine d’année qubilé). Mais, comme le septième mois arrivait dans la saison d’automne, on comprend que ce qui au début était seulement fête de la septième néoménie pourrait servir plus tard de point d’attache à une fête de tête d’an, si jamais s’introduisait l’usage de commencer l’année à cette saison ; ce qui arriva plus tard, nous le verrons. Ces observations atténuent de beaucoup l’importance critique que l’on a attribuée à ces passages, pour dater les différents documents dont se compose, dit-on, le Pentateuque. Si Exod., xxm, 16 (code de l’alliance dans le document jehoviste), représente une époque où l’année commençait en automne, et au contraire, Exod., xii ; Lev., xxm (code sacerdotal dans le document élohiste), un temps où le calendrier partait du printemps, de l'époque fixée pour chacun de ces usages dépend celle des documents. Dillman, Exeget. Handbuch, sur Exod., xii, xxiii, 16, et sur Lev., xxiii, 22,