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ANNÉE


que l’on s’est appliqué partout à maintenir. Nous devons faire abstraction de nos habitudes pour comprendre comment la lune a fourni d’abord la division de l’année ; le système de calendrier qui nous paraît aujourd’hui si simple, si naturel, est au fond le plus difficile, le plus compliqué, et nous ne devons pas oublier qu’il n’a reçu son dernier perfectionnement qu’à la Sn du xvie siècle de notre ère par la réforme grégorienne, 1582 (Grégoire XIII). Evaluer la durée exacte de l’année sur la révolution solaire suppose des calculs astronomiques que l’on ne pouvait faire à l’origine. Le changement périodique des saisons se présentait comme un moyen facile de fixer une première division des temps au moins dune façon approximative ; et, comme le retour des saisons dépend de la révolution solaire, indirectement l’année se trouvait réglée sur le cours de cet astre. De plus, les phases de la lune, se succédant dans l’espace d’une trentaine de jours (en réalité, 29 jours, 12 heures, 44’, 2, 9°), il fut aisé d’observer que ce renouvellement des saisons prenait environ douze lunes ; on avait là le principe de la division en 12 mois. Cependant on ne tarda pas à s’apercevoir que, si ou ne comptait pour l’année que douze lunaisons, on ne la commencerait plus à la même saison. Douze mois lunaires ne fout en effet que 354 jours, 8 heures, 48’, 34, 8°, tandis que la révolution solaire qui règle le cours des saisons ne s’accomplit qu’en 365 jours, 5 heures, 48’, 46, 1° ; la diltérence est donc presque de Il jours. Les exigences de la vie pastorale ou agricole demandaient que les divisions de l’année ou l’ordre des mois fussent autant que possible maintenus en harmonie avec la marche des saisons. Les divers peuples, suivant leur génie et leur degré de civilisation, ont résolu le problème de manière différente ; mais on peut ramener tous les systèmes à deux types principaux : l’un d’origine égyptienne, qui est passé ensuite avec des perfectionnements chez les Grecs, chez les Romains et entin chez nous ; l’autre, plus primitif et conservé dans les civilisations d’origine chaldéenne. À ce dernier type se rattache l’année hébraïque ; mais comme on a voulu la rapprocher aussi du premier, il importe de donner ici brièvement une notion exacte des deux, ce qui permettra de mieux apprécier la valeur des rapprochements.

1° Système égyptien. — On conserve invariablement le nombre douze pour les mois, mais on établit la durée du chacun en divisant en parties égales la durée de la révolution solaire, sans aucun égard pour les phases de la lune ; c’était du coup sortir du système lunaire. « L’année primitive des Égyptiens, dit M. Maspero, ou du moins la première année que nous leur connaissions historiquement, se composait de douze mois de 30 jours chacun, soit en tout 360 jours. Ces douze mois étaient partagés en trois saisons de quatre mois : la saison du commencement (sliâ), qui répond au temps de l’inondation [août, septembre, octobre, novembre] ; la saison des semailles (pro), qui répond à l’hiver [décembre, janvier, février, mars] ; la saison des moissons (sliemou), qui répond à l’été [avril, mai, juin, juillet]. » Histoire des peuples de l’Orient, 3e édit., p. 79. Des observations plus exactes ne tardèrent pas à montrer que l’année tropique comptait en réalité 305 jours, et non 300 ; on ajouta dès lors à chaque année, en sus des douze mois, cinq jours évagomènes. « L’époque de ce changement était si ancienne, que nous ne saurions lui assigner aucune date, et que les Égyptiens eux-mêmes lavaient reportée jusque dans les temps mythiques antérieurs à l’avènement de Mena ( Menés). » G. Maspero, ibid., p. 80. Cf. Plutarque, De Iside et Osiride, c. 22. En tout cas. c’est le système qu’Hérodote avait trouvé en vigueur en Egypte, et dont ce peuple s’attribuait l’invention. Les prêtres de Mernphis lui dirent, en effet, « que les Égyptiens avaient inventé les premiers l’année, et qu’ils l’avaient distribuée en douze parties d’après la connaissance qu’ils avaient des astres, lis me paraissent en cela, ajoute Hérodote, Leaucoup plus habiles

que les Grecs, qui, pour conserver l’ordre des saisons, placent au commencement de la troisième année un mois intercalaire ; au lieu que les Égyptiens font chaque mois de trente jours, et que tous les ans ils ajoutent à leur année cinq jours surnuméraires, au moyen de quoi les saisons reviennent toujours au même point. » ii, i.

Hérodote jugeait avec trop d’indulgence ce système. L’année de 365 jours ne répond pas exactement à l’année astronomique, qui est de 365 jours et quart, si bien que tous les quatre ans il y avait un retard d’un jour sur cette année ; peu à peu les mêmes mois cessaient de coïncider avec les mêmes saisons et les parcouraient toutes successivement dans une période de 1460 années astronomiques (305x4), que l’on appelait sothiaque, du nom égyptien de Sirius, Sopt, d’où les Grecs ont fait Sothis. « Son lever héliaque, qui marquait le commencement de l’inondation, marquait aussi le commencement de l’année civile… Au. bout de quatorze siècles et demi, l’accord si longtemps rompu était parfait de nouveau : le commencement de l’année civile coïncidait alors, et pour une fois seulement avec celui de l’année astronomique ; le commencement de ces deux années coïncidait avec le lever héliaque, au matin, de Sirius Sothis, et par suite avec le début de l’inondation. Les prêtres célébrèrent le lever de l’astre par des fêtes solennelles, dont l’origine devait remonter plus haut que les rois de la première dynastie, au temps des Shesou-Hor, et donnèrent à la période de 1460 = 1461, qui ramenait cette coïncidence merveilleuse, le nom de période sothiaque. » G. Maspero, ibid., p. 80-81. En somme, le système égyptien n’avait abouti qu’à l’année de 365 jours, dite vague, c’est-à-dire errant dans une longue période à travers toutes les saisons.

2° Système chaldéen. — L’autre système, plus fidèle à la donnée première, conserve au mois son caractère lunaire, réglant sa durée sur les phases de la lune ; mais, pour ramener le début de l’année à peu près à la même saison, il laisse passer, quand besoin est, une 13e lune, et dans ce cas on dit que l’année a un mois intercalaire. À la différence du système précédent, il maintient la nature primitive du mois, mais abandonne pour quelques années le nombre ordinaire de douze. Les inscriptions assyro-babyloniennes nous ont montré que c’était là le système de l’antique Chaldée. Sur des tablettes les jours du mois sont comptés d’après ceux de la lune, et sur celles qui nous ont donné une liste complète des mois, on voit figurer, après le dernier appelé Adaru, le mois intercalaire : Maqru sa Adari, incident à Adar. Schrader, Die Keilinschriften und das Alte Testament, p. 246 et suiv. ; G. Smith, The Assyrian eponym canon, p. 18-21. L’d. von Hærdt, Astronomische Beitrâge zur assyrischen Chronologie, in-8°, Vienne, 1855 ; le P. Epping, S..T., Astronomisches aus Babylon oder das Wissen der Chaldàer ûber den gestimten Himmel, unter Mitwirkung von P..T. N. Strassmayer, S. J., in-8°, Fribourgen-Brisgau, 1889 ; du même, Die babylonische Berech-, nung des Neumondes, dans les Stimmen aus Maria-Lach, septembre 1890 ; le P. Lucas, S. J., L’astronomie à Babylone, dans la Bévue des questions scientifiques, octobre 1890 ; avril 1891.

Les mois sont comptés à partir de Nisanu, et celui qui occupe le huitième rang s’appelle simplement Arahu satnna, mois huitième. Les Chaldécns ne le cédaient en rien aux Égyptiens pour les observations et les calculs astronomiques. Cf. Diodore, ii, 30, 31. Les tablettes relatives aux phénomènes célestes abondent dans la bibliothèque du palais d’Assurbanipal, et certaines n’étaient que la copie d’un ouvrage astrologique rédigé par ordre de Sargon l’Ancien, roi d’Agadé, plus de 3 000 ans avant notre ère. Dans la suite, les astronomes officiels ne se contentèrent pas des observations sidérales qu’ils faisaient sur les zigurat ou pyramides à étage, annexées d’ordinaire aux temples ou aux palais royaux, mais ils abordèrent et résolurent par le calcul, comme le montrent les tablettes