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ANNEAU — ANNEE

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comme en â’aiïirss cas, un trait caractéristique dont les monuments figurés ont permis de comprendre toute la portée ; avant d’avoir découvert ces représentations, on ne supposait pas un tel raffinement de cruauté, et les versions avaient en général atténué la signification de

158. — Prisonniers avec l’anneau passé dans les lèvres, devant Assurbanipal, roi d’Assyrie (les vêtements ont été en partie restaurés). D’après Botta, Monument de Ninive, t. ii, pi. 118.

l’expression employée. La Vulgate (d’après les Septante, èv Scimoï ; ) traduit ici par catenis, « chaînes » comme dans Ezech., xix, 4. J. Thomas.

    1. ANNÉE##

ANNÉE, en hébreu Sanâh. Dans la plupart des langues sémitiques, y compris le phénicien et l’assyrien, sénat, santu, le nom de l’année dérive de la même racine, qui exprime l’idée de répétition, succession, et aussi de retour périodique, les saisons se suivant dans le même ordre ; de là l’expression, le cercle de l’année, feqûfaf hassanâh, Exod., xxxiv, 22 ; I[ Par., xxiv, 23, pour le cours de l’année, cf. le latin annus (annulus), le grec èviauTÔc, qui se rattachent sans doute à la même idée. Un texte de Servius, ad Mn-, iii, 284, montre que les anciens, prenant simplement annus dans le sens primitif, pouvaient l’appliquer à la révolution de la lune comme à celle du soleil : « Les anciens… eurent d’abord l’année lunaire ( lunarern annum) de trente jours… ; puis on trouva l’année solaire (annus solstitialis), qui contient douze mois. » Mais cela ne prouve pas que chez aucune nation civilisée on ait jamais construit un calendrier sur une année de trente jours, et encore moins qu’il y ait des textes historiques où la durée des événements soit évalués avec de telles années.

Déjà saint Augustin, De Civit. Dei, XV, 12, t. xii, col. 450-455, parle de tentatives faites de son temps pour expliquer la longévité extraordinaire attribuée dans Gen., v, xi, aux patriarches antérieurs à Abraham, en prétendant qu’à l’origine l’année pouvait n’être que de deux ou trois mois. Il n’a pas de peine à montrer combien ces explications sont peu fondées ; mais comme on a depuis essayé

parfois de les reprendre, notons qu’elles n’ont d’autre appui que les affirmations très suspectes d’auteurs anciens, d’après lesquels l’année égyptienne n’aurait eu d’abord qu’un mois ( Pline, H. N., vii, 48 ; Varron, d’après Lactance qui le réfute, Instit. divin., ii, 13, t. vi, col. 325) ; ensuite deux mois, puis quatre mois. Gensorinus, De die natali. Rien n’est venu confirmer les allégations de ces auteurs ; aussi haut que les monuments et papyrus égyptiens permettent de remonter, on trouve chez ce peuple l’année de douze mois. D’autre part, dans le texte sacré lui-même, ces conjectures plus ou moins ingénieuses n’ont aucune base ; au contraire, non seulement à toutes les époques nous trouvons la mention de douze mois, III Reg., iv, 7 ; IV Reg., xxv, 27 ; I Par., xxvii, I, 15 ; Jer., lii, 31 ; Ezech., xxxii, 1 ; ICsther, ii, 12 ; iii, 7, 13, etc., mais encore déjà dans le récit du déluge l’année nous apparaît, comme l’observait très bien saint Augustin, avec sa durée ordinaire. Nous y voyons, en effet, indiqués le deuxième mois, puis le septième, le dixième, Gen., vii, 11 ; vm, 4, 5 ; on passe ensuite au premier de l’année suivante, mais on voit par les ^.6, 10, 12, que depuis le dixième de la précédente il s’est écoulé encore au moins cinquante-quatre jours, qui ne sont pas même donnés comme remplissant cet intervalle ; nous sommes donc ramenés sensiblement à une durée de douze mois. Enfin, à l’époque traditionnelle de la rédaction de ce récit, c’est-à-dire à l’époque de Moïse, les deux grands peuples auxquels se rattachaient les Hébreux, les Chaldéens, par l’origine de la famille d’Abraham, et les Égyptiens par le séjour prolongé des descendants de Jacob, se servaient,

— nous le savons certainement aujourd’hui par leurs monuments, — de l’année de douze mois. Ainsi donc, tenant pour établi que dans la Bible l’année représente toujours la même période de temps, il nous reste à déterminer : 1° quel en était le caractère, solaire ou lunaire ; 2° quel en était le début, uniforme ou différent suivant les époques. On peut, en effet, grouper autour de ces deux questions les faits et les textes qui nous éclairent sur la constitution de l’année hébraïque.

I. Caractère de l’année hébraïque. — 1° L’année des Hébreux était à la fois lunaire et solaire : lunaire, parce qu’elle se composait de mois dont le début et la durée étaient réglés sur les phases de la lune ; solaire, parce qu’un procédé d’interculation que nous étudierons ramenait la première lunaison, et par conséquent les suivantes, à coïncider avec la même saison de l’année, et ainsi avec la révolution solaire. L’année n’était donc pas simplement lunaire, comme celle des musulmans, dans laquelle l’ordre des mois ou lunaisons, retardant chaque année de onze jours sur la révolution du soleil, cesse de coïncider d’une manière fixe avec le cours des saisons. Elle n’était pas non plus uniquement solaire, comme celle des Égyptiens ou comme la nôtre, dans lesquelles le mois ne représente plus une division réelle, c’est-à-dire marquée par la révolution d’un astre, mais une division conventionnelle de la révolution solaire. — 2° Nous ne pensons pas, de plus, que les Hébreux se soient jamais servis, ou du moins qu’il y ait dans leurs anciens écrits quelque trace d’une année purement solaire, comme l’ont prétendu quelques auteurs.

Telles sont les deux conclusions que la présente étude mettra en lumière et qui serviront de commentaire à l’ordre de Dieu dans la Gen., i, 14, d’après lequel les deux grands luminaires ne doivent pas seulement distinguer le jour et la nuit, mais aussi marquer ensemble les temps et les années : fonction qui ailleurs est plus spécialement attribuée à la lune. Ps. civ ( hébr.), 19 ; Eccli., xliii, 6-9. Dans notre calendrier exclusivement solaire, la lune est dépossédée de ce rôle ; ou, si l’on veut, elle n’y a plus qu’un règne nominal grâce au mot mois, qui la rappelle par son étymologie, mensis ( cf. le grec, u.T, v, lune ; allemand : mond, nionat ; anglais : moon, month), et aussi croyons - nous, par le nombre douze,