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ANNE, GRAND PRÊTRE — ANNEAU

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aurait noté au verset 24 le changement de lieu qu’il avait oublié de mentionner auparavant ; ils font remarquer que si l’interrogatoire rapporté par saint Jean a été fait devant Anne, il s’ensuit que les deux premiers reniements ont eu lieu chez celui-ci, tandis que, d’après les synoptiques et d’après saint Jean lui-même, ils se sont passés dans le même lieu et chez Caïphe. — Enfin, au chapitre iv des Actes des Apôtres, saint Luc mentionne, en tête de ceux qui se réunirent pour juger Pierre et Jean, Anne, le grand prêtre, et Caïphe. Il est probable que le grand prêtre dont il est plusieurs fois question aux chapitres v et vu des Actes est Anne et non Caïphe.

Au temps où se passaient les événements racontés dans les Évangiles et les Actes, il y avait au inoins quinze ans qu’Anne n'était plus grand prêtre en fonction. Comment les écrivains du Nouveau Testament ont-ils pu appeler Anne grand prêtre, lui faire remplir des fonctions qui paraissent réservées au pontife, et surtout l’appeler en deux endroits àp-xtspev ; , à l’exclusion de tout autre, d’abord au chap. iv, 6, des Actes ; puis au ch. iii, 2, de l'Évangile de saint Luc ? Dans ce dernier passage, la Vulgate ainsi que le textus receptus ont, l’une principibus sacerdotum Anna et Caïpha, l’autre ipy^péiùv, mais ce pluriel est une correction récente ; car tous les onciaux grecs et les principales versions ont àp-/isplw ; au singulier. Tischendorf, ed’it. octava major, 1. 1, p. 412. En outre il semblerait, d’après saint Luc et aussi d’après saint Jean, qu’il y avait deux 'grands prêtres à la fois.

On a émis diverses hypothèses pour expliquer ces expressions. Anne et Caïphe auraient exercé le souverain pontificat alternativement, chacun une année (Maldonat, Beza, Hug), ou même ils l’auraient exercé ensemble (Zumpt) ; Anne aurait été le sagan des prêtres, c’est-àdire le vice-grand prêtre (Lightfoot, Grotius, YVolf) ou le nasi, président du Sanhédrin (Seldcn, Wiesel, Reischl). Ces hypothèses ne concordent pas avec ce que nous savons des institutions judaïques ; ou bien, en s’appuyant sur les enseignements talmudiques, elles transportent aux temps anciens ce qui est relativement moderne.

Il n’y a d’abord nullement à s'étonner qu’Anne ait été appelé grand prêtre par les évangjistes. Ce titre ne désignait pas exclusivement le grand prêtre en fonction ; soit Je Nouveau Testament, soit Josèphe appellent de ce nom tous ceux qui ont été grands prêtres, ainsi que les membres des trois ou quatre ramilles dans lesquelles on choisissait les grands prêtres. Certaines personnes sont désignées comme étant de famille archi-sacerdotale, àp^iepottixoO. Act., iv, 6. Il est douteux cependant qu’on ait donné le titre d'àp-/iep£-j ; aux chefs des vingt-quatre familles sacerdotales. Or Anne était de famille archi-sacerdotale ; il avait été grand prêtre, il était même resté en charge beaucoup plus longtemps que les autres grands prêtres ; il avait conservé un très grand crédit et jouissait d’une réelle influence sur les alfaires ; il touchait même encore de près au souverain pontificat par ses cinq fils, qui furent tous grands prêtres, et par son gendre Caïphe, en fonction au temps dont il est question ici.

Les écrivains du Nouveau Testament paraissent avoir fait d’Anne le président du Sanhédrin ; fonction réservée, diton, au grand piètre. Jésus, il est vrai, fut conduit d’abord chez Anne, Joa., xviii, 13 ; mais il s’agissait ici d’un conseil privé, et non du Sanhédrin, qui fut réuni plus tard chez Caïphe. Au chapitre iv, 6, des Actes, Anne est nommé le premier, parmi ceux qui se réunirent pour juger Pierre et Jean ; mais il n’est pas dit qu’il ait présidé. D’ailleurs il n’est pas certain que le président du Sanhédrin ait été nécessairement le grand prêtre. La tradition rabbinique est même opposée à cette hypothèse. Ce président est, dans le Nouveau Testament, appelé àpxispe’j ; J mais ce titre, nous venons de le voir, ne désigne pas exclusivement le grand prêtre. Il est donc possible qu’Anne ait été le président du Sanhédrin, et ceci nous expliquerait pourquoi saint Luc le nomme conjointement

avec Caïphe, grand prêtre en fonction. Le premier aurait été le représentant de l’autorité civile, et le second, do l’autorité religieuse. Il est possible aussi, comme l’ont cru quelques-uns, que les Juifs attachés à leur loi, d’après laquelle le pontificat était à vie, aient honoré Anne comme le grand prêtre légal, et refusé de reconnaître les pontifes transitoires, que leur imposait l’autorité romaine ou le caprice des rois hérodiens.

Quoi qu’il en soit, il est certain que ni saint Luc ni saint Jean n’ont ignoré que Caïphe était le grand prêtre en fonction, Luc, iii, 2 ; Joa., xviii, 13, et s’ils ont appelé Anne àp-/iepeOç, s’ils l’ont placé au premier rang, c’est que celui-ci avait droit à ce titre et à cette place.

E. Jacquier.

ANNEAU. Il est question dans la Bible d’anneaux de différentes sortes : 1° d’anneaux servant d’ornement pour les personnes ; 2° d’anneaux faisant partie de la construction ou du mobilier du tabernacle ; 3° d’anneaux destinés à conduire les animaux.

I. Anneaux d’ornement — Les Hébreux se servaient d’anneaux pour orner les oreilles, le nez, les doigts de la main. Nous laissons ici de côté les premiers (voir Pendants d’oreilles), pour ne nous occuper que des anneaux de nez et des anneaux de doigt.

1° Vanneau de nez porte un nom spécial en hébreu : nézém. Plusieurs passages ne laissent aucun doute sur la destination du nézém. « Je plaçais un nézém à son nez, » dit Éliézer en parlant de Rébeeca. Gen., xxiv, 47 ; cf. Is., iii, 21 ; Ezech., xvi, 12. De plus nous avons le vivant commentaire de ces passages chez plusieurs peuples orientaux, et en particulier chez certaines tribus bédouines vivant en Palestine et à l’est du Jourdain, où les femmes portent encore des anneaux passés dans un des cartilages inférieurs du nez (fig. 151). Van Lennep assure qu’il a remarqué cette coutume surtout dans les basses classes et les populations rurales, depuis l’Arménie inférieure jusqu'à l’Egypte. Bible Lands, their modem customs, 1875, p. 531. — Cependant le nézém devait ce nom plutôt à sa forme particulière qu'à la partie du visage qu’il ornait ; aussi est-il question de nézém pour les oreilles, Gen., xxxv, 4 : c'étaient des nézém d’oreille que Jacob fit enterrer auprès du térébinthe de Sichem, comme étant des objets idolâtriques ou des amulettes superstitieuses ; il en était de même des nézém d’or que le peuple donna à Aaron pour fondre le veau d’or. Exod., xxxii, 2, 3. En d’autres passages, Exod., xxxv, 22 ; Judic, viii, 24 ; Job, xlii, 11 ; Prov., xxv, 12 ; Ose., ii, 15 (13), le contexte ne montre pas d’une façon évidente si l’on y parle d’anneaux de nez ; cependant l’emploi du singulier fait penser qu’il en est question plutôt que de pendants d’oreilles.

Les traducteurs grecs et latins ont méconnu la véritable destination des anneaux de nez. D’une part, ils paraissent avoir ignoré une coutume qui, de leur temps, avait disparu des villes et des hautes classes ; d’autre part, en certains cas, l’expression nézém désignant certainement des pendants d’oreilles, les Septante l’ont rendue toujours par èvwTia ; ce qui donne lieu à des confusions. La langue grecque ne pouvait avoir un mot spécial pour un objet que les Grecs ne connaissaient pas ; il fallait donc ou bien se servir du nom de l’ornement qui avait le plus de ressemblance avec le nézém et y ajouter un déterminatif caractéristique, comme l’ont fait les Septante dans Ezech., xvi, 12 : èvwrtov èiA tôv p.uxT7)pa, « une boucle d’oreille pour le nez ; » ou bien il fallait forger un mot nouveau, comme Symmaque : èmppivov dans Job, xlii, 11, et è7t'.ppiv.o ; , dans Ezech., xvi, 12, d’après S. Jérôme, Comment, in h. L, t. xxv, col. 134. — La Vulgate a presque partout suivi les Septante en traduisant nézém par inaures, et parfois elle est forcée de recourir à des paraphrases pour ramener le passage à ce sens. Ainsi dans Gen., xxiv, 47, que nous avons traduit : « un nézém à son nez, » elle tourne ainsi la difficulté : inaures ad ornandam faciem ejus ; dans Ezech., xvi, 12, « un nézém sur son nez : j