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ANNALISTE — ANNE, ÉPOUSE DE TOBIE

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que les rois d’Israël, suivirent son exemple et firent écrire régulièrement l’histoire de leur règne. III Reg., xi, 41 ; xiv, 19 ; xv, 7, etc.

ANNE, nom d’homme et de femme. Hébreu : Hannâh, « grâce ; » Septante : "Avva.

1. ANNE, épouse d’Elcana, I Reg., 1, 1, mère de Samuel, après l'épreuve d’une longue stérilité, I Reg., i, 5, honorée cependant de l’affection constante de son mari, qui lui donnait comme à Phénenna, sa seconde femme, mère de plusieurs enfants, une part (d’après le syriaque : une double part) des sacrifices d’actions de grâces qu’il offrait à Silo, aux jours marqués, sur l’autel du Seigneur. I Reg., i, 3-7. Cette attention avait excité la jalousie de Phénenna à ce point, qu’elle se répandait en invectives contre Anne, lui reprochant sa stérilité. La vertueuse Anne supportait en silence cet affront ; mais elle le sentait si vivement, qu’elle ne pouvait manger la part du sacrifice qui lui était offerte, et elle pleurait amèrement. Un jour, après le sacrifice, Elcana, la trouvant à l'écart et baignée de larmes, chercha à la consoler, et la détermina à prendre un peu de nourriture. I Reg., i, 8-9. Puis par une inspiration d’en haut, Anne, s'étant approchée du tabernacle, y répandit longtemps sa prière, et fit le double vœu (nédér, vœu positif de faire quelque chose, par opposition à 'issâr, Num., xxx, 3, vœu par lequel on s’engageait à s’abstenir), si Jéhovah mettait un terme à sa stérilité et lui donnait un fils, de le lui consacrer, non seulement comme les lévites qui n'étaient obligés au service du temple que depuis vingtcinq, Num., viii, 24, ou trente ans, Num., iv, 2, jusqu'à cinquante, et à des temps déterminés, mais durant tout le cours de sa vie ; puis de l'élever selon les règles du nazaréat, Num., vi, 1-21, dont les prescriptions principales étaient de ne jamais couper sa chevelure, et de ne point user de liqueurs enivrantes. Voir Nazaréat. Les Septante expriment ces deux conditions du vœu de la mère de Samuel : olvov xal [liôuajjia o> îitVuai xa aiS-q^os O’jx àvaërjijeTai èn TT|V xe ?aXï|v àvroû, I Reg., i, 11, tandis que la Vulgate n’exprime que la seconde. Anne, en faisant ce vœu, ne prétendait point et ne pouvait d’ailleurs engager la liberté de son enfant ; elle promettait seulement à Dieu de faire son possible pour le déterminer à observer ce qu’elle avait promis à son sujet.

Dans cet acte de religion elle eut à subir un nouvel affront, là d’où elle devait le moins l’attendre ; car, comme elle priait tout bas, « parlant à son cœur » selon l’hébreu, if. Gen., xxxiv, 3, et remuant seulement les lèvres, con- ! trairement à la pratique ordinaire chez les Juifs de prier i à haute voix, Héli, le grand prêtre, par une légèreté de jugement difficile à excuser, la prit pour une femme de mauvaise vie, « une fille de Bélial, » 1 Reg., i, 16, et l’invectiva rudement. Les Septante, à cause sans doute de la dureté de ces paroles, ont attribué ce reproche au serviteur du grand prêtre : Ka’i eînev aùxïj tô îiaiSâpiov 'HXi… ^. 14, ce qui est invraisemblable puisque Anne répondit directement au grand prêtre, ꝟ. 15. Elle se justifia avec force et modération, sans toutefois manifester l’objet de sa prière, qui demeura son secret, et sans doute aussi celui d’Elcana, qui paraît avoir fait le même vœu que son épouse. I Reg., i, 21. L’accent de sincérité d’Anne, sa modestie et sa douceur, firent reconnaître au grand prêtre son erreur, si bien qu'à son départ il la salua par des paroles de bénédiction, que le Seigneur exauça ; car Anne rentra à Ramathaïm-Sophim, le cœur consolé et si plein d’espoir, que, selon l’hébreu, « son visage ne fut plus (le même). » I Reg., i, 18. Quelques mois après naissait Samuel, « exaucé de Dieu, » qui était ainsi non seulement le huit de son sein, mais encore et surtout le fruit de sa foi, de ses prières et de ses larmes. I Reg., I, 20. Quand l’enfant fut sevré, ce qui avait lieu vers l'âge de trois ans, Il Mæh., vii, 27 (ou peut-être : tut élevé, car le mot gâmâl, y. 22 et 21, s’entend aussi dans ce

sens, cf. III Reg., xi, 20), Anne le conduisit à Silo pour l’accomplissement de son vœu, et elle le présenta au Seigneur, offrant en même temps en sacrifice trois taureaux, 1 Reg., i, 21 (Septante : èv y-ôex ? TpieTtïovti), dans lesquels sont compris deux taureaux qu’offrait ordinairement Elcana (voir le texte des Septante, ꝟ. 25), ce qui fait qu’au ꝟ. 25, l'écrivain, n’ayant en vue que l’offrande d’Anne, ne parle plus que d’un taureau ; puis trois mesures de farine (hébreu : un épha, vingt litres environ ; d’après Ruth, H, 17, trois mesures équivalaient à un épha), cf. Ezech., xlvi, 7, et une amphore (hébreu : nêbél, « une outre » ) de vin. Les Septante ajoutent : des pains. I Reg., i. 21. A ce moment Anne présenta Samuel au grand prêtre, en lui rappelant la circonstance de sa prière ; elle lui déclara aussi son vœu, mêlant à cette déclaration un double jeu de mots sur le terme M’ai, « demander, accorder. » « Le Seigneur, dit-elle, m’a accordé ma demande (se 'êlâ(i) que je lui ai adressée (sd’alti), c’est pourquoi je l’ai accordé (his’iltihû, à la forme hiphil) tout le temps qu’il sera consacré (sâ'ûl) au Seigneur. » I Sam. (I Reg.), i, 27-28. La consécration de Samuel apparaît dans ce jeu de mots comme intimement liée, dans la pensée d’Anne, avec sa demande et se confond avec elle.

C’est alors que, dans la joie de voir ses espérances réalisées, Anne chanta au Seigneur son sublime cantique. I Reg., ii, 1-10. Les critiques modernes ont vainement tenté d’en nier l’authenticité, en disant qu’il est un chant de triomphe destiné à célébrer un succès plus général que la naissance de Samuel, et composé à une époque plus récente qu’ils n’essayent pas d’ailleurs de déterminer. Assertion toute gratuite et insoutenable. Il ne répugnerait pas en soi que ce cantique, ayant été composé avant la naissance de Samuel, Anne l’eût emprunté pour célébrer les gloires de sa maternité ; mais pour l’affirmer, il faudrait une raison positive, qui n’existe pas. Rien n’empêche d’ailleurs que le regard de la pieuse mère se soit élevé, sous le souffle de l’Esprit de Dieu, du bienfait personnel jusqu'à la contemplation prophétique du bienfait national lié à la naissance de Samuel, savoir : la consécration du premier roi de Juda, la délivrance du peuple opprimé, la ruine des ennemis de Dieu, enfin, et par-dessus tout, le règne triomphal du Messie. 1 Reg., ii, 1-10. Herder, Histoire de la poésie des Hébreux, t. ii, ch. vm ; Meignan, Les prophéties contenues dans les deux premiers livres des Rois, Paris, 1878, p. 71-102 ; Thalhofer, Erklàrung der Psalrnen, Ratisbonne, 1880, p. 840-843. La très sainte Vierge dans son Magnificat, Luc, i, 46-55, s est appliqué plusieurs des pensées du cantique d’Anne, en laquelle tous les interprètes ont vu une figure de la fécondité miraculeuse de la Mère de Dieu. Anne est encore regardée comme l’image de l'Église persécutée à son origine, puis féconde et glorieuse, tandis que Phénenna est regardée comme le type de la Synagogue, d’abord puissante, puis rejetée. S. Cyprien, t. iv, col. 522 ; S. Grégoire le Grand, t. lxxix, col. 27, 62, 90 ; S. Isidore de Séville, t. lxxxiii, col. 111-112. On peut aussi voir en elle avec saint Augustin, t. xli, col. 528, la figure de la religion chrétienne et de la grâce. Saint Jean Chrysostome a exposé tous les enseignements moraux qui découlent de la maternité d’Anne dans cinq homélies très remarquables, t. liv, col. 631-676. La mère de Samuel a été mise par plusieurs auteurs au nombre des saints de l’Ancien Testament, bien qu’elle ne se trouve inscrite dans aucun ménologe grec, ni martyrologe latin. P. Renard.

2. ANNE, épouse de Tobie le père, et comme lui de la tribu de Nephthali ( selon les Septante, de la famille même de Tobie), et mère du jeune Tobie, Tob., i, 9, suivit son mari dans les rudes épreuves de l’exil et de la captivité à Ninive, lorsque Salmanasar y transporta en masse les Israélites après la prise de Samarie. IV Reg., xvii, 6 ; xviii, 9-10. Elle lui fut fidèle non seulement dans ces épreuves communes, mais encore dans la persécution