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ANGLAISES (VERSIONS) DE LA BIBLE


d’Isaïe, à Londres. Rogers y prit le pseudonyme de Thomas Matthew, d’où le nom donné à cette version. Elle fut d’abord proscrite par le gouvernement, mais ensuite elle reçut son approbation (Set forth with the King’s rnost gracions license), et le clergé reçut l’ordre d’en placer un exemplaire dans toutes les églises.

On publia plusieurs revisions de la Bible de Matthew. — La Grande Bible (Great Bible) est ainsi appelée à cause de la grandeur de son format. Cette édition revisée de Matthew fut commencée à Paris, mais elle y fut saisie avant d'être terminée ; les imprimeurs français transportèrent alors leurs caractères et leurs presses à Londres, et c’est là que la grande Bible parut en 1539, après avoir été revue et corrigée par Coverdale. Une nouvelle édition, parue en 1540, est connue sous le nom de Cranmer’s Bible, parce qu’elle est précédée d’un prologue de l’archevêque Cranmer. — La Bible de Taverner, in-f°, 1539, est également une revision de celle de Matthew, faite sous le patronage de Cromwell.

La « Bible de Genève » est une revision de celle de Tyndal, dans laquelle le travail de ce dernier a été de nouveau comparé avec les textes originaux, pour le Nouveau Testament par William Wittingham, qui devint dans la suite doyen de Durham ; pour l’Ancien Testament par Wittingham, Gilby et Sampson. L’Ancien Testament parut en 1540. Le Nouveau Testament fut publié à Genève, en 1557 ; c’est le premier de la langue anglaise où la distinction des versets soit indiquée par des chiffres.

La « Bible de l’archevêque Parker » ou ce des évêques » (Bishops' Bible) est ainsi nommée parce que, parmi les quatorze savants qui y travaillèrent, huit étaient évêques. Parker, qui avait conçu le projet de cette œuvre, la dirigea lui-même ; mais, outre les quatorze reviseurs qui avaient été chargés chacun d’une partie de la version, il eut recours encore à d’autres critiques qui la comparèrent avec les autres éditions savantes des Écritures. Son but n'était pas de faire une traduction nouvelle, mais de corriger et de perfectionner celle de Cranmer. Son édition, publiée en 1568, et exécutée avec grand luxe (elle est ornée de 143 gravures), fut imposée pour l’usage des églises, en 1571, et elle resta pendant quarante ans la version officielle, quoique la Bible de Genève fût lue de préférence dans les familles. La Bible des évêques fut réimprimée, en 1572, grand in-folio, avec des corrections ; cette dernière édition est communément appelée la Bible de Matthew Parker.

La Bible du roi Jacques (King James' Bible) est la « Version autorisée » de l'Église anglicane. Elle fut commencée avec l’approbation de ce prince, en 1604, à la suite d’objections qu’on avait formulées contre la Bible des évêques. Cinquante - quatre personnes furent choisies, parmi celles qui avaient la plus grande réputation de saToir, pour travailler a cette version ; mais quarante-sept seulement purent y travailler de fait. Les traducteurs se partagèrent en six groupes, chargés chacun d’une partie des Livres Saints. Ces groupes se réunissaient périodiquement et examinaient avec grand soin la partie qui avait été préparée. La version de Tyndal servit de base ; mais elle fut comparée minutieusement avec les textes originaux, et l’on se servit aussi des éditions de Coverdale, de Matthew, de Cranmer, de Taverner, et de la Bible de Genève, auxquelles on emprunta tout ce qui parut bon. La « Version autorisée » est donc plutôt une compilation des anciennes versions qu’une version nouvelle. Commencée au printemps de 1607, elle fut terminée en 1611 et parut en un magnifique in-folio, sous ce titre : The Holy Bible Conteyning the Old Testament and the New : Newly translatée out of the originall longues : And with the former translation diligently corapared and reuised by his Majesties speciall Comandement. Appointée ! , ' to be read in Churches. C’est un monument classique de la langue anglaise. Le style en est simple, pur, nerveux. Elle est restée jusqu'à ces derniers temps

la Bible de tous les anglicans, et elle a exercé sur l'Église d’Angleterre une grande influence. « Qui voudrait soutenir, dit le P. Faber, Lives of the Saints, p. 118, que la Bible protestante n’est point, par sa rare beauté et son style merveilleux, l’une des principales citadelles de l’hérésie dans ce pays (l’Angleterre)? Elle continue à vivre dans l’oreille, comme une musique qu’on ne peut oublier… Elle est une portion de l’esprit national et l’ancre de la gravité nationale. »

Cependant les progrès de la philologie et de l’exégèse ont fait reconnaître aux anglicans eux-mêmes qu’elle avait besoin de corrections ; de plus, la langue a vieilli. Quoique généralement fidèle, elle n’a pas toujours saisi exactement le sens ; des termes obscurs n’ont pas été compris ; les modes et les temps des verbes sont souvent mal rendus ; les règles de la poésie hébraïque, en particulier le parallélisme, sont ignorées, etc. Certaines expressions qu’elle emploie sont aujourd’hui hors d’usage ou choquantes. Aussi depuis le xviiie siècle en demandet-on la revision. H. Ross la réclama dès 1702, Essay for a new Translation, mais sans réussir à attirer l’attention publique. Plus tard, en 1758, le célèbre Lowth se prononça aussi en faveur d’une revision, et ce projet gagna peu à peu du terrain. Un catholique, Geddes, proposa un plan de revision, Prospectus for a new translation, 1786, et l’exécuta en partie. La révolution française fit oublier quelque temps la question. Elle fut reprise, en 1818, par John Bellamy. Depuis, on n’a cessé de s’en occuper. Enfin, en février 1870, la convocation ou synode de la province ecclésiastique de Cantorbéry nomma un comité composé d’un grand nombre de savants, qui se mit à l'œuvre de la revision. On remarquait parmi eux : Ellicott, président ; Alforii, Lightfoot, Scrivener, Tregelles, Westcott, Wordsworth. Voir The Nineteenth Century, juin 1881, p. 919 ; Farrar, The revised Version, dans la Contemporary Review, mars 1882. Depuis 1816, il existait aux États-Unis une société de revision qui n'était pas restée inactive. Des reviseurs travaillèrent dès lors dans ce pays avec un nouveau zèle, en même temps qu’en Angleterre. L'édition fruit de tous ces travaux a paru enfin. Le Nouveau Testament a vu le jour en 1881 ; l’Ancien, en 1884. Cette publication a été applaudie et attaquée avec passion ; l'émotion qu’elle a soulevée n’est pas encore calmée, et les avis sont très partagés sur la valeur du travail exécuté par les nouveaux éditeurs. Voir, sur les règles suivies dans la revision, la préface placée en tête du New Testament of our Lord and Saviour Jésus Christ, translatcd out of the Greek : being the version set forth A. D. 1011 comparée with the most ancient authorities and revised A. D. 1881, in-32, Oxford, 1881, p. v-xviii.

IV. Version catholique anglaise de Reims et de Douai. — Les catholiques anglais, écrasés par la tyrannie d’Henri VIII et d’Elisabeth, ne pouvaient plus pratiquer librement leur religion sur le sol de la Grande-Bretagne ; un grand nombre avaient été obligés de se réfugier sur le continent et surtout en France. C’est dans l’exil que fut faite et publiée la traduction anglaise des Écritures à l’usage des catholiques. Des hommes de grand mérite, professeurs du collège anglais de Reims : Grégoire Martin, gradué de Cambridge ; Allen, depuis cardinal, et Bristow, traduisirent et publièrent dans cette ville le Nouveau Testament, en 1582, d’après la Vulgate, avec des notes dogmatiques et polémiques. L’Ancien Testament parut à Douai, en deux volumes, en 1609 et 1610. Cette version a été attaquée fort injustement par plusieurs critiques protestants k Voi ci ce qu’a écrit sur cette traduction un juge compétent, Ms r Kenrick, archevêque de Baltimore : « L’auteur de l’introduction historique des Hexaples anglais reconnaît que « les traducteurs possédaient toutes les qualités néces « saires pour remplir leur tâche, en tant que le savoir et « l’habileté peuvent y servir ». Scrivener dit de cette version : « Elle est très recommandable pour son exacti » tude scrupuleuse et sa fidélité. C’est un acte de justice