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ANGE


l’étymologie de leur nom latin angélus et de leur nom français ange. Ils sont aussi appelés fils de Dieu, Job, I, 6 ; ii, 1 ; saints, Dan., viii, 13 ; habitants du ciel, Matth., xviii, 10 ; armée des cieux, II Esdr., ix, 6 ; esprits, Ps. cl, 6 ; Hebr., i, 14. L’Écriture nous indique, en outre, les noms de divers chœurs d’anges. Ce sont les Chérubins, Gen., iii, 24 ; Exod., xxv, 22 ; Ezech., x, 1-20 ; les Séraphins, Is., VI, 2, 6 ; les Principautés, les Puissances, les Dominations, Eph., i, 21 ; Col., i, 16 ; les Vertus, Eph., i, 21 ; les Trônes, Col., i, 6 ; les Archanges, I Thess., iv, 15 ; Judæ, 9.

Les livrés inspirés ne nous donnent que trois noms propres d’anges : Gabriel, « Dieu est force, » Dan., viii, 16 ; îx, 21 ; Luc, i, 19, 26 ; Michel, « qui est comme Dieu ? » Dan., x, 13, 21 ; xii, 1 ; Juda>, 9 ; Apoc, xii, 7 ; Raphaël, « Dieu guérit, » Tob., iii, 25. Le quatrième livre d’Esdras met en scène les anges Jérémiel, iv, 36, et Uriel, v, 20, et les rabbins croient connaître les noms d’autres anges encore ; mais l’Ecriture ne nous fournit que les trois noms de Gabriel, de Michel et de Raphaël. Aussi les autres noms ont-ils été rejetés par le pape Zacharie au concile de Rome de 745 et par le xvie chapitre du concile d’Aix-la-Chapelle de 789. Héfelé, Histoire des conciles, traduction Delarc, Paris, 1870, § 367, t. iv, p. 446, et § 393, t. v, p. 87 ; cf. § 93. Il est clair d’ailleurs que les noms par lesquels nous désignons les anges ne sont pas ceux qu’ils se donnent mutuellement, attendu que leur langage n’a rien de vocal et de sensible. On a remarqué aussi que le nom d’aucun ange n’avait été connu des Juifs avant la captivité de Babylone. Cette ignorance contribua sans doute à les empêcher d’adorer les anges, Jud., xiii, 18, comme ils y auraient été portés au temps des Juges et des rois.

II. Erreurs et opinions sur l’existence et la nature des anges. — L’existence des anges a été niée autrefois par les Sadducéens, Act., xxiii, 8, qui rejetaient également la spiritualité de l’âme et la résurrection des corps. Tous les chrétiens ont toujours cru à la réalité des esprits angéliques, dont il est si souvent parlé dans le Nouveau Testament ; mais quelques Pères se sont trompés plus ou moins gravement sur leur nature. Origène, De princ, I, viii, 4 ; II, viii, 3, t. xi, col. 180, 222 et passim, entraîné par les théories platoniciennes, et imitant en cela Philon, De confusione linguarum et De gigantibus, Opéra, Genève, 1613, p. 270, 222, soutint que la nature des anges ne différait pas de celle de nos âmes. Il pensait, en effet, que celles-ci avaient été unies à un corps en punition d’une faute. Voir Ame. L’opinion d’Origène sur la communauté de nature des anges et des âmes a été renouvelée par les spirites de nos jours. Un assez grand nombre de Pères des premiers siècles, trompés par l’autorité qu’ils accordaient au livre d’Hénoch (voir ce mot), pensèrent que les anges avaient un corps plus ou moins subtil, voir IUee, Histoire des dogmes, traduct. Mabire, Paris, 1848, t. i, p. 343, etPetau, De Angelis, lib. I, c. ii, édit. Vives, 1865, t. iii, p. 607. Plusieurs crurent même que la Genèse parle des anges, quand elle rapporte, vi, 2, que les fds de Dieu épousèrent les filles des hommes et en eurent des enfants. Quelques rabbins ont été jusqu’à penser qu’il y a entre les anges différence de sexe et qu’ils se multiplient par la génération. Calmet, Dissertation sur les bons et les mauvais anges, en tête de son Commentaire sur saint Luc. Ce que Notre-Seigneur dit dans l’Évangile, Matth., xxii, 30, des anges de Dieu qui ne se marient point, n’a permis à aucun auteur chrétien d’admettre qu’ils ont un sexe. Cependant M. Reuss conteste que telle ait été la pensée de Notre-Seigneur, Histoire de la théologie chrétienne au siècle apostolique, Strasbourg, 1864, t. i, p. 464.

Les exégètes rationalistes ne veulent point reconnaître l’existence des anges. Ils expliquent donc de diverses manières ce que la Bible rapporte du monde angélique. Les uns prétendent que notre notion des anges n’existait pas

chez les Juifs avant la captivité ; ils la recueillirent parmi les Babyloniens, et elle devint chez eux une croyance populaire ; Notre -Seigneur et les évangélistes n’admirent pas cette croyance, bien qu’ils y aient accommodé leur langage. Voir Oswald, Angelologie, 2e édit., Fribourg-en Brisgau, 1889, p. 6. D’autres pensent que les Juifs étaient primitivement polythéistes ; à mesure qu’ils devinrent monothéistes, ils regardèrent les anges comme d’une nature inférieure à celle de Jéhovah ; ils en firent, en conséquence, ses messagers et les ministres de ses desseins auprès des hommes, et Jésus-Christ et les auteurs du Nouveau Testament adoptèrent cette conception. Haag, Théologie biblique, Paris, 1870, § 96, 108, 121, 132, p. 338, 411, 459, 497. Cette manière de voir est fort en vogue aujourd’hui.

III. Doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges. — La doctrine catholique sur l’existence et la nature des anges a été formulée par le quatrième concile de Latran (1215) et par le concile du Vatican (voir § v), qui affirment l’existence et la complète spiritualité des anges, et les distinguent non seulement des créatures corporelles, mais encore des hommes composés de corps et d’âme. Les théologiens catholiques admettent que la connaissance des anges s’est accrue depuis Moïse jusqu’à Jésus-Christ par des révélations successives (voir § 7) ; mais, à leurs yeux, c’est une erreur de penser que la croyance aux anges est la simple transformation d’un polythéisme primitif, ou qu’elle n’est pas confirmée et démontrée par le Nouveau Testament. — Montrons que le témoignage des plus anciens livres de la Bible, comme celui des plus récents, confirment la doctrine catholique et renversent les théories qui lui sont opposées.

Les anges sont très souvent en scène dans les récits des premiers livres de la Bible, le Pentateuque, Josué, les Juges. Ils y jouent un rôle qui démontre qu’on les regarde comme des êtres absolument personnels et qu’ils le sont réellement. Pour ne rien dire des chérubins, dont il sera question dans un article spécial, un ange apparaît à deux reprises, Gen., xvi, 7 ; xxi, 17, à Agar fugitive dans le désert et lui parle ; des anges prédisent à Abraham la naissance d’Isaac et vont délivrer Loth de Sodome, xviii, xix ; un ange empêche Abraham d’immoler son fils, xxii, 11-19 ; Jacob, endormi, voit des anges qui montent au ciel par une échelle et en descendent, xxviii, 12 ; cf. xxxi, 11 ; xxxii, 1 ; xlviii, 16 ; un ange apparaît à Balaam et lui marque ce qu’il devra faire, Num., xxii ; un ange, l’épée à la main, promet à Josué de combattre avec lui, Jos., v, 13-16 ; un ange rappelle au peuple les bienfaits et les volontés de Dieu, Jud., ii, 1-4 ; un ange donne à Gédéon sa mission, Jud., vi, 11-23 ; un ange annonce la naissance de Samson, Jud., xm. Ces anges sont sans aucun doute des êtres doués d’intelligence et de volonté, et ils se présentent dans les autres livres de la Bible avec les mêmes caractères. Le Nouveau Testament raconte des apparitions semblables à Zacharie, à la sainte Vierge, à saint Joseph, aux bergers de Bethléhem, aux saintes femmes après la résurrection. Notre-Seigneur dit que les anges des petits enfants voient la face de Dieu, Matth., xviii, 10 ; il parle de ceux qui assisteront au jugement dernier, et sépareront les bons des méchants, de ceux qui sont au ciel et auxquels les élus seront semblables. Matth., xxii, 30 ; Marc, xii, 25. Il serait trop long d’énumérer ici toutes ces apparitions et tous ces témoignages ; ce qui précède montre suffisamment que les auteurs des premiers livres de la Bible et ceux du Nouveau Testament regardaient les anges comme de véritables personnages.

Quant à la nature de ces personnages, reconnaissons qu’elle n’est pas complètement expliquée dans les plus anciens livres de la Bible. Cependant le Pentateuque et les livres suivants nous fournissent bien des traits qui la caractérisent de plus en plus. On ne leur attribue point la nature de l’homme. Sans doute ils revêtent souvent sa

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