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ANÉMONE — ANGE

« Je suis le šôšannâh des vallées, » Cant., ii, 1, et sa couleur rouge fournit à l’épouse la comparaison de Cant., v, 13 : « Ses lèvres sont des šôšannîm qui distillent la myrrhe. »

On objecte contre l’identification de l’anémone avec le šôšannâh que les Septante ont rendu le mot hébreu par κρίνον, et la Vulgate par lilium, « lis ; » ce qui, assure-t-on, ne permet pas de douter que le terme sémitique ne désigne une plante liliacée, quoique tout le monde reconnaisse qu’il ne saurait être question du lis ordinaire. Mais la raison tirée des anciennes versions peut n’être pas aussi concluante qu’elle le semble de prime abord. On peut admettre, en effet, sans difficulté, que le terme šôšannâh s’appliquait en général, chez les Hébreux, aux diverses espèces de lis, et que les traducteurs grecs devaient par conséquent le traduire naturellement par lis ; toutefois il ne suit point de là que l’anémone ne fut pas comprise dans le mot šôšannâh. Les Hébreux n’avaient point fait, tant s’en faut, dans la flore de la Palestine toutes les distinctions qu’a établies la science occidentale ; ils rangeaient sous un même nom des plantes très différentes. Aujourd’hui encore, et c’est une remarque importante dans la question présente, les Arabes comprennent l’anémone dans les fleurs qu’ils appellent susan. En Egypte, le sėšen désignait le lotus. Les anciens Hébreux ont donc bien pu comprendre l’anémone parmi les plantes qu’ils appelaient šôšannîm et avoir voulu souvent désigner par ce mot, dans leurs descriptions poétiques, cette belle fleur, si commune en Terre Sainte. Les Septante ayant traduit le šôšannâh de l’Ancien Testament par κρίνον, il est naturel que l’Évangile ait employé le même mot, quoique κρίνον fût le nom du lis véritable chez les Hellènes. On peut observer enfin que si le šôšannâh ne s’applique pas à l’anémone, il en résulte que cette fleur, l’une des plus belles et les plus communes en Palestine, n’est jamais nommée dans l’Ecriture, ce qui est difficile à admettre et paraît peu vraisemblable. S’il existe quelques difficultés contre l’identification du « lis des champs » avec l’anémone, il faut donc convenir du moins que l’on peut apporter aussi, en sa faveur, des raisons qui ne sont pas sans force. Voir Lis.

F. Vigouroux.

ANER, hébreu :‘Ânêr ; Septante : Αυνάν.

1. ANER, un des trois chefs amorrhéens d’Hébron qui avaient fait alliance avec Abraham, et l’aidèrent à poursuivre Chodorlahomor et ses alliés, et à reprendre le butin qu’ils emportaient. Gen., xiv, 13, 24.

2. ANER (hébreu :‘Ânêr ; Septante : τὴν Ἀνάρ, ville de la tribu de Manassé occidental, attribuée, avec ses faubourgs, aux fils de Caath. I Par., vi, 70 (hébreu, 55). Dans la liste parallèle de Jos., xxi, 25, on lit, à sa place, Thanach. On peut donc admettre ici une corruption de mot ou une faute de copiste, ענר, ‘Aner, pour תענך, Ṭa‘ânâk, par l’omission du thav initial et la confusion entre le resch et le caph final. Cependant Conder et les auteurs de la carte anglaise proposent de l’identifier avec ‘Ellâr, localité située « sur les collines sud —ouest de la plaine d’Esdrelon », à quelque distance au nord-ouest de Sebastiyéh (Samarie). Cf. G. Armstrong, W. Wilson et Conder, Names and places in the Old and New Testament, Londres, 1889, p. 11 ; Old and New Testament Map of Palestine, Londres, 1890, feuille 10. Voir Thanach.

A. Legendre.

ANESSE. Voir Ane et Anon.

ANETH. Voir Axis.

ANGARIER (Ἀγγαρεύω ; Vulgate : angariare), terme vieilli qu’on n’emploie plus en français. Il est d’origine perse, et signifie « contraindre, forcer », parce que les courriers publics des rois de Perse, appelés ἄγγαροι, obligeaient ceux dont ils avaient besoin à un service forcé.

Ces courriers étaient chargés de porter les lettres et les édits des rois de Perse, appelés dans les livres de l’Ancien Testament écrits sous la domination perse, ’iggerôṭ (singulier : iggéreṭ ; perse : انڭاره, engâré, « écrit. ») Neh. (II Esdr.), ii, 7, 8, 9 ; vi, 5, 17, 19 ; II Par., xxx, 1, 6 (Vulgate : epistola, epistolæ). L’organisation de la poste perse a été décrite en détail par Hérodote, viii, 98. Les rois Achéménides, pour faire transmettre plus rapidement leurs messages, avaient créé des relais d’hommes et de chevaux, stationnés de distance en distance. Les courriers, montés sur leurs chevaux, n’étaient arrêtés ni par le mauvais temps ni par l’obscurité, et ils se remettaient de main en main leurs lettres, comme les lampadophores grecs se remettaient le flambeau allumé dans la λαμπαδηφορία ou course aux flambeaux. Afin de ne pas éprouver de retard, ils avaient le droit d’exiger de vive force les hommes, les chevaux et les barques qui leur étaient nécessaires. Ces courriers sont nommés dans Esther, viii, 10, 14 : hârâṣim rokbê hârékėš, « des coureurs montant des chevaux rapides » (Vulgate : veredarii celeres). Le mot ἀγγαρεία devint ainsi synonyme de contrainte et de corvée forcée pour le service public.

La domination perse introduisit le nom et la chose en Palestine. Le nom se trouve sous la forme ’angaryâ’ dans le Talmud. Voir Buxtorf, Lexicon talmudicum, col. 131 ; Lightfoot, Horæ hebraicæ, in Matth., v, 41. Entre autres avantages que Démétrius Soter offrit au grand prêtre Jonathas Machabée pour l’attacher à sa cause, il lui proposa d’affranchir les Juifs de l’obligation de fournir (ἀγγαρεύεσθαι leurs animaux domestiques pour le service public, d’après ce que raconte Josèphe, Ant. jud., XIII, ii, 8. Tous ces détails montrent que l'’angaryâ’ était odieuse aux populations qui avaient à la supporter ; mais l’organisation perse de la poste était si avantageuse aux gouvernements, qu’elle avait été adoptée par les Séleucides après la ruine de l’empire de Darius, et qu’elle le fut plus tard par les Romains, qui latinisèrent le mot sous la forme angario (cf. Pline, H. N., x, 14, 121, 122), comme les Hellènes l’avaient grécisé sous la forme ἀγγαρεύω. Cf. Xénophon, Cyrop., viii, 6, §17, 18 ; Athénée, iii, 91, 122 ; Eschyle, Agamemnon, 282 ; Pers., 217 (édit. Dindorf) ; Plutarque, De Alexandro, p. 326.

Le mot ἀγγαρεύω, angariare, se lit trois fois dans les Évangiles : une première fois dans le Sermon sur la montagne, Matth., v, 41 : « Si quelqu’un te force (t’angarie comme un courrier) à faire avec lui un mille de chemin (ou mille pas), fais-en deux autres milles. » Les deux autres passages où se retrouve ce mot sont les deux passages parallèles de Matth., xxvii, 32, et Marc, xv, 21, où il est rapporté comment ceux qui conduisirent Jésus au supplice, ayant rencontré sur leur passage Simon le Cyrénéen, l’« angarièrent », c’est-à-dire exigèrent de lui comme un service public de porter la croix du Sauveur.

1. ANGE. On donne le nom d’anges d’une manière générale à des esprits que Dieu a créés sans les destiner, comme nos âmes, à être unis à des corps. Leur vertu ayant été mise à l’épreuve, plusieurs de ces esprits se révoltèrent contre Dieu et devinrent ainsi de mauvais anges. En punition, ils furent précipités en enfer. Ce sont les démons. D’autres furent fidèles à Dieu, qui les confirma en grâce et leur donna le bonheur du ciel. Ce sont les bons anges, qui sont appelés d’une façon plus particulière anges tout court. C’est de ces derniers uniquement que nous nous occuperons dans cet article.

I. Noms des anges.

Les anges sont désignés dans la Bible par des noms multiples qui ne leur sont pas exclusivement réservés. Leur nom le plus habituel est celui de messager : en hébreu, mal’âk ; en grec, ἄγγελος, que la Vulgate a presque toujours traduit par angelus, mais qu’elle a aussi rendu parfois par nuncius, legatus, « messager, envoyé. » C’est ce nom grec ἄγγελος, qui a fourni