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ANE


et en Occident, il résulte qu’il n’est pas dans nos Livres Saints, comme il l’est parmi nous, l’objet de comparaisons désavantageuses et méprisantes. Au contraire, il est considéré comme un animal noble, auquel on assimile les personnages dont ou veut faire l'éloge, dans la plus haute poésie. Ainsi lssachar est appelé « un âne fort », Gen., xwx, 14, dans la prophétie de Jacob. Voir aussi Jud., v, 10 ; 1s., 1, 3, etc. Cf. Iliade, xi, 588. Néanmoins, après sa mort, cet animal utile est jeté à la voirie. De là la prophétie de Jérémie, xxii, 19, contre Joakim, roi de Juda : « Il aura la sépulture d’un âne ; il sera traîné (pourri, dit la Vulgate) et jeté hors des portes de Jérusalem. » Voir Joakjm.

On ne se servait point primitivement de selle pour monter l'âne, mais on étendait simplement sur son dos une couverture ou un morceau d'étoile qu’on attachait

Épiphane, en pillant le temple de Jérusalem, yavait découvert une tête d'âne en or. Josèplie, Cont. Apion., il, 7. On retrouve des traces de cette calomnie dans Plutarque, Sympos., iv, 5, et dans Tacite, Hist., v, 3-4. On sait que le même reproche fut fait aux chrétiens. Voir J. G. Miiller, dans les Theologische Studien und Kritiken, 1843, p. 906-912, 930-935, et ce que nous avons dit nous-même sur ce sujet dans Les Livres Saints et la critique rationaliste, 4e édit., t. i, p. 99-102.

111. Prescriptions légales relatives à l'âne. — On voit souvent aujourd’hui, en Egypte et en Syrie, des animaux d’espèce différente attelés à la même charrue. La loi de Moïse, Deut., xxii, 10, défend d’attacher au même joug le bœuf et l'âne, parce qu’on se servait de ces deux espèces d’animaux pour labourer les champs. La prescription de Moïse était fort humaine en interdisant de faire travailler

145, — Ane de la reine de Pount. La reine, remarquable par son embonpoint, vient de descendre de son âne pour aller au-devant des Égyptiens a qui elle apporte son tribut. Temple do Delr el-Baliari.

pour l’empêcher de tomber. C’est ce que le texte original appelle « lier autour » ou « ceindre » l'âne. Gen., xxii, 3 ; Num., xxii, 21 ; Jud., xix, 10 ; II Sam., xvi, 1 ; IV Reg., IV, 24, etc. Les Apôtres étendirent leurs vêtements sur l'âne dont se servit Notre-Seigheur pour faire son entrée solennelle à Jérusalem. Matlh., xxi, 7. L'ânier ou un serviteur accompagnait souvent la monture (flg. 142), Jud., xix, 3 ; IVReg., iv, 24 ; Erubin, iv, 10, en courant à côté ou en arrière, comme cela se pratique de nos jours en Orient. Le mari marchait aussi à pied, à côté de l'âne qui portait sa femme et ses enfants, Exod., IV, 20 ; c’est ce qu’on voit encore fréquemment, quand on voyage en Palestine. L'Évangile ne nous donne point de détails sur la manière dont s’accomplit la fuite en Egypte ; mais l’art chrétien, en représentant la sainte Vierge et l’enfant Jésus sur un âne, et saint Joseph à pied, a reproduit fidèlement les coutumes orientales.

On recourait aux services de l'âne, même en temps de guerre, où il était chargé de porter les bagages. IV Reg., vu, 7. Chez les Perses, on faisait même monter cet animal par des soldats, et Isaïe nous montre la cavalerie de Cyrus, composée non seulement de chevaux, mais aussi de chameaux et d'ânes. Is., xxi, 7. Cet usage est attesté par Strabon, xv, 14, édit. Didot, p. 618, qui rapporte que les Caramaniens, peuple qui faisait partie de l’empire perse, combattaient sur des ânes, et aussi par Hérodote, iv, 129, . édit. Teubner, 1874, p. 350, qui nous apprend que Darius, fils d’Hystaspe, marcha avec des ânes contre les Scythes. Chez les Phéniciens et les Syriens, l'âne était un animal sacré. Les Juifs furent accusés par les païens d’adorer une tête d'âne. Le grammairien Apion prétendait qu’Antiochus

ensemble des bêtes de force et de taille très différentes. Il est probable que cette défense avait aussi une portée morale plus haute et qu’elle était destinée, comme les ordonnances de Lev., xix, 19, à inspirer aux Israélites l’horreur de tout commerce avec les païens, pour leur faire mieux conserver la pureté de leur foi religieuse. Moïse avait prescrit aussi de prendre soin de l'âne de son prochain, s’il s'était égaré ou s’il lui était arrivé un accident. Deut., xxii, 3-4.

Chez les Perses et les Tartares, on faisait grand cas de la chair de l'âne sauvage. Chez les peuples chananéens, il ne devait pas en être de même. Cf. Ezech., xxiii, 20. Ils ne paraissent pas avoir fait usage de la viande d'âne. Les règles posées par le Lévitique, xi, 20 (cf. Deut., xrv, 6-8), rangent cet animal domestique parmi les animaux impurs, parce qu’il ne rumine pas. En cas de famine, on mangeait cependant les ânes, comme bien d’autres espèces d’animaux. Pour donner une idée de l’extrémité à laquelle était réduite la ville de Samarie, lorsqu’elle fut assiégée, sous Jorarn, par Benadad, roi de Syrie, l’auteur sacré raconte qu’une tête d'âne se vendait dans cette ville quatre-vingts sicles d’argent (225 francs environ). IV Reg., vi, 25. Plutarque rapporte un trait analogue. Il dit qu’Artaxercès ayant fait la guerre en Egypte, ses troupes manquèrent complètement de vivres dans un désert, de sorte qu’on mangea la plupart des chevaux et qu’on avait peine à trouver une tête d'âne à acheter au prix de soixante drachmes ( 52 francs environ). Artax., xxiv, 1, édit. Didot, t. ii, p. 1219.

IV. L’une dans la grotte de Bethléhem. — L’art chrétien représenta de bonne heure un âne et un bœuf à côté