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AMTHAR — AMULETTE

AMTHAR (hébreu : Hammeṭô’ar ; Septante : Μαθαραοζά ; dans quelques manuscrits : Ἀμμαθαρίμ), ville de la tribu de Zabulon, citée entre Remmon et Noa. Jos., xix, 13. Il est possible cependant que ce mot soit simplement le participe puai du verbe ṭâ’ar, avec l’article au lieu du pronom relatif. Or ce verbe signifie, à la forme kal, « s’étendre, appartenir ; » à la forme piel, « déterminer, décrire. » Cf. Gesenius, Thesaurus linguæ heb., p. 1490-1491. Il faudrait donc traduire la fin de ce verset : « qui (la limite) est déterminée par Noa (Hannêʿâh) », ou « s’étend vers Noa ». C’est ainsi que l’entendent la plupart des auteurs modernes. La paraphrase chaldaïque, suivie et expliquée par Jarchi, donne de même : « Et de là elle faisait un détour vers Néa. » Cf. Rosenmüller, Scholia in Vetus Testamentum, Josué, t. i, p. 366. Il est juste néanmoins de ne pas négliger l’autorité des plus anciennes versions, qui se trouvent d’accord pour faire d’Amthar un nom propre : syriaque, Mathûa ; arabe, Mathoua (th anglais dur) ; Septante, Μαθαραοζά. Ce dernier nom est un curieux exemple de la confusion des mots produite par la scriptio continua du texte original, aussi bien que de la confusion de certaines lettres semblables : au lieu de Bimrnôn Hammetô’ar Hannê’âh, הנעה ךטון הטתאך , il est probable que les traducteurs grecs auront lu Eimmônâh Mafârd Eôzâh, ךטונה טתאךה ךצה, prenant, dans ce dernier mot, nun, i, pour cholem, ו, et ʿaïn, ע, pour tsadé, צ, ou zaïn, ו. Eusèbe cite Amthar sous la forme Ἀμμαθά, Onomasticon, Gœttingue, 1870, p. 223, et saint Jérôme, sous celle d’Amathar, Liber de situ et nominibus locorum heb., t. xxiii, col. 872 ; mais tous deux avec cette seule indication : « dans la tribu de Zabulon. »

AMULETTE. Ce nom vient du latin amuletum, qui se rencontre pour la première fois dans Pline, et qui a sans doute une origine orientale ; on le rattache avec vraisemblance à la racine qui a donné en arabe le verbe ḥamala, « porter, » d’où ḥamalet, « ce qui est porté. » Cependant ce que nous désignons par amulette est appelé talisman en arabe et en persan. En grec on se servait de l’expression περίαμμα, περίαπτον, d’où le latin ligatura, alligatura, que l’on trouve spécialement chez les écrivains ecclésiastiques. Cf. Pline, H. N., xxxvii, 12, qui dit en parlant de l’ambre : infantibus alligari amuleti rations solet. Nous trouvons aussi l’idée d’attache dans le nom araméen dont se servent les auteurs talmudiques et rabbiniques : qamêăʿ, קטיע, de qemaʿ, « attacher. » Cf. Buxtorf, Lexicon chald. et talmud. ; Lakemacher, Observationes philolog., t. si, édit. 1727, p. 143 et suiv. Les Juifs désignaient surtout par là des formules de prière ou des noms cabalistiques que l’on portait sur soi pour détourner l’influence des démons, et qui étaient autorisés à certaines conditions par le Talmud. Tr. Schabouot, vi, 2. Au moyen âge on a appliqué ce même nom, sous la forme camée, à des pierres dures taillées en relief qui avaient dû servir non seulement d’ornements, mais aussi d’amulettes. — On appelait, en effet, ainsi des objets de différentes sortes destinés à protéger contre les maléfices, le mauvais œil, les maladies attribuées à des puissances occultes, et en général contre les influences malignes de certains dieux ou esprits, les personnes ou les choses sur lesquelles ils étaient placés. C’étaient tantôt des bandes d’étoffes ou des plaques de terre cuite, sur lesquelles on traçait certains signes ou certaines formules, comme les lettres éphésiennes (fig. 129), Plutarque, Sympos., vii, 5, tantôt des pierres taillées, des coquillages ou des fragments de certains métaux. Pline, H. N., xxxvii, passim ; Strabon, xvi. Ces objets faisaient le plus souvent partie des ornements et des bijoux : colliers, bracelets, pendants d’oreille (fig. 130). L’usage des amulettes remontait d’après Pline, H. N., xxx, 15, à une très haute antiquité. Cf. aussi Bérose, Fragm., xvi, édit. Lenormant. Partout où l’on a cru à l’efficacité des pratiques magiques, on a eu recours à des objets matériels destinés à en conjurer les effets.

Chez les deux grands peuples civilisés avec lesquels les Hébreux se trouvèrent successivement en contact, les Égyptiens et les Babyloniens, la magie était très répandue. Aussi les amulettes se rencontraient-elles chez eux en grand nombre.


129. — Lettres éphésiennes.
Plaque de terre cuite, conservée à Syracuse. La Diane d’Ephèse est représentée au milieu de la plaque. L’inscription est inintelligible. On lit seulement à la première ligne d’en haut les mots :

APTEM ΦAOΣ IEPON.

Les papyrus égyptiens nous ont fourni plusieurs des formules de conjuration que l’on portait sur soi dans un étui. De plus on en munissait même les morts, dont les momies étaient couvertes, comme d’une armure magique, d’une quantité d’objets retenus dans les bandelettes : plaques constellées d’hiéroglyphes, rouleaux de papyrus, figurines de dieux ou d’animaux sacrés, surtout scarabées funéraires (fig. 131), qui remplissent aujourd’hui les vitrines de nos musées. Ces objets étaient destinés à ouvrir au défunt le chemin des sphères infernales et à détourner de lui tous les dangers. Lenormant et Babelon, Histoire ancienne des peuples de l’Orient, t. au, p. 130 et suivantes.

Chez les Babyloniens, l’usage des amulettes et des talismans était encore plus répandu. La Chaldée était par excellence le pays de la magie ; là surtout on éprouvait le besoin d’échapper aux incantations des sorciers et à l’action des mauvais génies. Or on croyait que les dieux malfaisants ou les démons étaient mis en fuite par leur image. On a la preuve de cette croyance dans plusieurs formules d’incantations où on recommande, pour chasser les malins esprits, de former sur le sol leur image. Marduk apprend de son père Éa la recette suivante