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Mo

AMOS

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livré a l’injustice, à la haine de ceux qui le reprenaient, au luxe des palais, à la vie sensuelle ; aussi partout s’entendra un chant de deuil et partout retentira : « Malheur ! malheur ! » Il y en a qui désirent le jour de Dieu : ils ne le connaissent pas ; ce jour sera horrible : ce sera comme quand un homme fuyant devant un lion se trouve face à face avec un ours ; ou comme si, entrant dans sa maison et s’appuyant contre le mur, un serpent le mord. L’horreur de ce jour ne sera pas diminuée par les sacrifices extérieure que Dieu a en dégoût, comme le montre l’histoire du séjour dans le désert du Sinaï. Ce jour apportera l’exil au delà de Damas. Malheur aux grands du pays qui se fient à leur force ! Ils mènent une vie de plaisir, sans souci du « brisement de Joseph ». Eux aussi iront en exil. Dieu le jure par son àme, il exterminera Israël. Il frappera ville, maisons, et ceux qui les habitent. Un peuple viendra, qui détruira le royaume dans son étendue actuelle. — Ces trois discours s’ouvrent par les mêmes mots : Sim'û haddâbâr hazzêh, « Écoutez cette parole, » Am., iii, 1 ; iv, 1 ; v, 1. On y trouve répétées deux choses : des reproches et des menaces. Il est facile de voir qu’il y a dans ces discours une gradation ascendante.

Deuxième partie, vn-ix : elle comprend cinq visions symboliques, qui ont toutes pour objet la ruine et la chute d’Israël. — "Vision des sauterelles, vii, 1-3 : Amos voit des sauterelles dévorant toute l’herbe du pays. À sa prière, Dieu promet que cette vision ne sera pas réalisée. — Vision du feu, vii, 4-6 : Amos voit un feù de justice ravageant l’abîme des mers et Israël, la part de Dieu. Il prie encore, et Dieu promet de ne pas l’envoyer. — Les autres visions révèlent la chute imminente de la maison royale et du royaume. Il n’y a plus d’intercession efficace. — Vision de la truelle (quelques-uns disent du fil à plomb ; en réalité d’un crépissage qui est interrompu. Knabenbauer, Prophet. min., p. 314 et suiv.), vii, 7-17 : Amos voit Dieu sur un mur qu’il va cesser de crépir. Israël sera détruit, et la dynastie régnante périra par le glaive. — Épisode d’Amasias, terminé par une prédiction de la captivité. — Vision du crochet à fruits, viii, 1-14 : Amos voit un crochet préparé pour cueillir les fruits, image de la ruine du pays : à cause des iniquités commises à l'égard des pauvres, Dieu jugera la terre, changera les fêtes en jours de deuil et les chants de joie en plaintes lugubres. Il amènera sur la terre, comme peine suprême, la faim de la parole prophétique. — - Vision de Dieu sur l’autel, IX : Amos voit Dieu debout sur l’autel des holocaustes, ordonnant de frapper un chapiteau (Vulgate : cardinem) du temple. Tous tombent dans cette chute. Les fuyards périssent par le glaive, la mort les atteint partout. Dieu est puissant. Israël est devenu semblable à un peuple païen. Il ne périra pas cependant tout entier, les pécheurs seuls mourront. Après cela viendra le jour du Seigneur. Il relèvera la maison de David, étendra son règne sur toutes les nations. Un âge d’or apparaîtra. Le peuple choisi reviendra, et jamais plus il ne sera arraché à sa terre : magnifique espérance se levant sur les jours sombres qui viennent d'être prédits. — Voir, sur la division du texte et le sujet traité, Riiekert, Hebràische Propheten, Leipzig, 1831, p. 09 ; R. Cornely, ouvr. cit., p. 547-550.

V. Style d’Amos. — La langue du livre est pure. Quelques mots s'écartent de l’orthographe ordinaire, ce qu’il faut attribuer ou à une variante de copiste ou à l’existence d’un dialecte plus doux usité dans le Sud. D’ailleurs ces mots sont peu nombreux : mê'iq pour mêsîq, ii, 13 ; basés pour basés, v, 11 ; metà'êb pour metà'êb, vi, 8 ; mesàrêf pour meSârêf, vi, 10 ; yishâq pour yishâq, vii, 9, 1C ; nisqâh pour nisqe'âh, viii, 8 (F. Keil, Die zwôlf kleinen Propheten, Leipzig, 1873, p. 167). Elle a plusieurs expressions qui ne se trouvent que là : iv, 6, « la propreté des dents » ; iv, 13, « créant le vent » ; v, 11 (bôsês) ; vii, 7, 8 ('ànâk, stannatio) ; vii, 9, « les hauts lieux d’Isaac »

(Vulgate : « les hauts lieux de l’idole » ) ; vii, 14, bôlês, « ouvrant, fendant » ; vii, 16, « la maison d’Isaac » (Vulgate : « la maison de l’idole » ). Les images abondent. « Nulle part ailleurs chez les prophètes, dit II. Ewald, Die Propheten des alten Blindes, Gœttingue, 1878, t. î, p. 84, on ne rencontre tant de souvenirs de la vie champêtre, exprimés avec la vérité et l’originalité la plus pure, et aussi avec une inépuisable richesse. » G. Baur a signalé toutes ces images. Indiquons au hasard, i, 2 ; ii, 13 ; iii, 12 ; iv, 13 (Dieu) ; ix, 6 ; v, 16, 17 ; v, 18, 19, « le jour de Jéhovah » ; vi, 4-6 (vie des grands) ; iv, 1-3 (grandes dames samaritaines) ; viii, 8-14 (invasion assyrienne) ; vin, 2-3 ; ix, 2-5, 13-15 (âge d’or). Jeux de mots : v, 5 (hagilgâl gâlôh yiglêh, « Galgala sera emmenée captive » ) ; vin, 2 (qâyîs… bâ' haqqês) ; vi, 7 (vesâr mirzâh serûhîm). Il résulte de là un style clair, vif, pressé, original. Le soin que prend Amos de séparer les sujets qu’il traite, Am., IV, 1 ; v, 1, etc., fait que chaque division est un morceau achevé. On y sent un rythme plein, souvent sonore. On y distingue aussi parfois des strophes régulières. Sa diction a été comparée à celle de Job. Quoi qu’il en soit, Amos écrit comme un grand prophète. Il est savant ; sa connaissance du Pentatcuque surtout est évidente. Trochon, Les Petits prophètes, p. 137. Il est éloquent, mais de cette éloquence qui ne s’apprend pas aux écoles selon les règles classiques ; c’est une éloquence divine : « Neque enim ha ; c humana industria composita, sed divina mente sunt fusa et sapienter et eloquenter. » S. Augustin, De Doct. chr., iv, 7, 21 ; t. xxxiv, col. 98. C’est en ce sens qu’il faut entendre le mot de saint Jérôme : « imperitus sermone, sed non scientia, » mot appliqué par lui à Amos, et qui a égaré beaucoup d’appréciateurs de son style. Saint Augustin, loc. cit., a fait la critique littéraire d’Amos, vi, 1-6, et sa conclusion est que les écrivains sacrés peuvent être des modèles du bien dire. Les modernes s’accordent à parler comme saint Augustin. R. Lowth, un juge excellent, écrit à cet égard : « Evolvat modo scripta ejus (Amos) œquus judex, de re, non de homme qusesiturus ; censebit, credo, potius pastorem nostrum [at|8cV OtjTEp^xévat xwv uTtsp Xav irpocpriTwv ut sensuum elatione et magnificentia spiritus prope sunimis parem, ita ctiam dictionis splendorc et eompositionis elegantia vix quoque inferiorem. » De sacra poesi Hebrœorum, Oxford, 1775, 3= édit., 1. 1, p. 287. Ce jugement, il faut le reconnaître, est un peu enthousiaste. 0. Schmoller, ouvr. cit., p. 158 et suiv.

VI. Histoire du texte. — Le texte d’Amos nous est parvenu dans toute son intégrité. Les citations qui en sont faites par Osée, Sophonie, Jérémie (A. Kueper, Jeremias librorum sacrorum interpres atque vindex, p. 71-73, 79-82, 98, 99), Zacharie, l’auteur de Tobie et les anciennes versions le prouvent assez. G. Baur, après avoir soumis ces versions à un examen sérieux, conclut ainsi : « À comparer le texte actuel au texte primitif, tel qu’on le rétablit suivant les anciennes versions, nous devons dire que celles-ci portent en faveur de l’antiquité du texte présent un témoignage décisif. Les différences que l’on constate dans la version grecque sont en grande partie, si l’on y regarde de près, l’effet de quelques méprises du traducteur. Les autres versions grecques, comme aussi le Targum, la Peschito, la version hiéronymienne, offrent partout les mêmes leçons que notre hébreu actuel. Si quelqu’une s’en écarte, cet écart est redressé par l’accord des autres avec le texte que nous avons. Un certain nombre de variantes reposent sur une vocalisation différente, ce qui ne change en rien le texte, et prouve seulement que les traducteurs l’ont lu ou compris autrement que nous. D’autres variantes sont plus importantes, comme, par exemple, en fait de consonnes, kî'ôr au lieu de kâye'ôr, Am., viii, 8, etc. Ouvr. cit., p. 148, 149. » On pourrait en citer d’autres. Quant aux variantes des manuscrits massorétiques eux-mêmes, elles sont peu importantes (De Rossi, Variée lectiones, etc., t. iii, p. 186-190 ; Scholia