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AMOS


des injustices, par le vol et l’usure ; les marchands faussaient les mesures : ils faisaient l'épha aussi petit et le sicle aussi grand que possible, Am., viii, 5, 6 ; tous se livraient à l’orgueil, au luxe, à la vie molle et voluptueuse. D’auire part, l’idolâtrie dominait partout : on sacrifiait sur les hams lieux ; à Béthel, dans le petit temple élevé par le roi (miqdas mélek), on adorait Jéhovah sous la figure d’un jeune taureau d’or ; de même à Galgala. Am., iv, 4. On allait en pèlerinage sur les frontières à Bersabée. Am.. v, 5. On observait les fêtes, on offrait des holocaustes, on payait les dîmes, sans doute, mais sans esprit de vérité et de justice..On conçoit que l’habileté et l’activité guerrière de Jéroboam II n’aient pu arrêter la décadence. Elle devait se précipiter. La perte était certaine.

Ce fut à cette date et dans ces conditions que parut Amos. Il vint de Juda, trait déjà caractéristique ; il se rendit à Béthel, en plein centre d’idolâtrie. Dieu lui avait confié une double mission : reprocher à Israël ses infidélités à la loi, et lui dénoncer un châtiment devenu inévitable. Il remplit cette mission comme il convenait. Il parlait durement, sans voiler le crime, sans dissimuler la punition, sans crainte. Ses discours étaient brefs, pleins d’images. Il les répétait sans doute. Il avait des visions qu’il exposait comme il les avait eues. On s’imagine aisément la profonde impression qu’il dut produire sur Israël. L'épisode d’Amasias rapporté plus haut en est une preuve. Am., vu, 10-21. Son ministère de terreur fut très court, à ce qu’il semble. Il était terminé deux ans avant le tremblement de terre dont il est parlé, Ain., i, 1. Amos était sans doute retourné à ïhécué.

M. Renan a dénaturé le caractère et la mission de ce prophète. Amos, selon lui, « fut l’interprète des protestations de la démocratie théocratique contre les nécessités d’un monde qui échappait chaque jour aux rêves enfantins. » Ce fut « la première voix de tribun que le monde ait entendue… On peut dire que le premier article de journaliste intransigeant a été écrit 800 ans avant J.-C, et que c’est Amos qui l’a écrit… Il y a beaucoup d’exagération dans le tableau qu’il trace des crimes qui se commettaient dans Samarie. Homme d’opposition à outrance, Amos voit tout en noir… » Histoire du peuple d’Israël, Paris, 1889, t. ii, p. 425, 431 ; cꝟ. 432, 434, 436. Rien ne justilie ces appréciations. Tout ce que l’on peut savoir d’Amos les contredit. S’il fut l’interprète de protestations, ce fut des protestations de Lieu, comme il le dit lui-même. S’il fut homme d’opposition, c’est sur l’ordre de Dieu, et, à cet égard, il a conquis notre admiration. Quant à l’exagération de ses peintures morales, elle n’existe pas : M. Renan sait-il mieux qu’Amos, un contemporain, ce qu’il en était des mœurs et de la société de ce temps ? — Aucun autre rationaliste n’a osé traiter Amos avec cette injustice.

III. Authenticité de la prophétie d’Amos. — Rentré en Juda, Amos voulut mettre ses prophéties par écrit. Il rédigea donc le livre tel que nous l’avons aujourd’hui. A quelle date, ou ne le sait pas au juste. Il paraît. bien que ce fut après le tremblement de terre. Am., i, 1. Qu’il soit l’auteur de ce livre, c’est ce qui est prouvé : 1° par la tradition tant juive que chrétienne ; 2° par le style du livre lui-même, qui est, par les tournures et les images qui le distinguent, celui d’un berger, comme était Amos ; 3° par l’affirmation explicite qu’il contient, Am., vii, 1, 4, et viii, 1 ( « Jéhovah m’a montré ces choses » ) ; vii, 2, 5, 8 ; vin, 2 ; ix, 1. L’emploi du style indirect, Am., i, 1, 2 (ce Paroles d’Amos », etc.) ; vii, 14 ( « Et Amos répondant », etc.) n’infirme pas cette dernière preuve. D’ailleurs les adversaires l’avouent : « Il est incontestable, dit Th. Nôldeke (Schenkel’s Bibel-Lexicon, au mot Amos), que l’ouvrage doit être attribué à Amos. Jamais un doute ne s'élèvera à cet égard. » Il s’en est élevé un cependant, car on lit dans il. Vernes, Les Résultats de l’Exégèse biblique, Paris, 1890, p. 208 : « Quelques lignes d’Amos… peuvent surnager, mais le corps eu doit être sacrifié sans hésita

tion. » De son côté, M. Renan, ouvr. cit., p. 435, note 2 ; p. 439, note 1, attribue en général la compilation, ou, si l’on veut, l’extrait des prophètes à des écrivains du Sud, qui l’auraient fait d’une « manière tendencieuse ». Mais ces affirmations ne tiennent pas debout : ce sont des hypothèses. Du reste, elles ont pour cause un préjugé dogmatique connu, la négation de l’existence de la pro' phétie. Voir, sur l’origine du livre, O. Sehmoller, Die Pmpheten Hosea, Joël und Amos, Bielefeld et Leipzig, 187-2, p. 152-158.

Amos est donc l’auteur de ce petit écrit, et cet écrit est inspiré. Ce point ne fait aucun doute. L'Écriture, en effet, le cite comme tel : Tob., ii, 6 : « par le prophète Amos » ; cf. Am., viii, 10 ; I Mac, i, 41 ; Act., vii, 42, 43 : « Comme il est écrit dans le livre des prophètes » ; voir Am., v, 25, 26 ; Act., xv, 15, 16, 17 : « Les paroles des prophètes s’accordent avec lui (Pierre), selon qu’il est écrit » ; voir Am., ix, 1. Les prophètes postérieurs y font souvent allusion, surtout s’il s’agit des peuples étrangers (O. Sehmoller, ouvr. cit., p. 158). Aussi existe-t-il dans toutes les listes canoniques, privées ou officielles. Son inspiration et sa canonicité sont un point de foi.

IV. Plan et analyse de la prophétie. — Cet écrit ne renferme pas toutes ies prophéties faites par Amos. Il n’en contient que les idées principales, et encore y sont-elles présentées dans un ordre nouveau. R. Cornely, Introductio in utriusque Test, libros sacros, II, 2, Paris, 1887, p. 57. — Le plan est simple : une introduction et deux parties. L’introduction est une série d’oracles analogues contre les peuples étrangers et Juda. Ils amènent naturellement les prophéties contre Israël. À leur tour, ces prophéties affectent, les unes la forme de discours, les autres celles de visions. Les discours, comme les visions, sont étroitement unis entre eux : un discours appelle l’autre, et les visions se rattachent aux discours par la similitude du sujet traité. Am., viii, 4-14, explique la suite des visions. Or ce texte suppose les reproches et les menaces qui sont dans les discours. Tel est le plan du livre en général. Cꝟ. 0. Sehmoller, ouvr. cit., p. 153, 154. — En voici l’analyse. Introduction, i-ii. Inscription, 1, 1. Menace générale tirée de Joël, 1, 2. Amos reproche à Damas, à Gaza (Philistins), à Tyr, les crimes qu’ils ont commis contre Israël. Il leur prédit le châtiment distinct qui va les frapper, i, 3-10. Il agit de même vis-à-vis d'Édom, d’Aminon et de Moab, trois peuples apparentés, i, ii-ii, 3. Amos passe de là à Juda, qui sera puni par le fer pour avoir violé la loi et couru après les idoles, ii, 4, 5. Il s’arrête ensuite à Israël lui-même. Israël vend le juste pour de l’argent et le pauvre pour une paire de sandales. Il opprime le faible ('ébyôn) par l’usure, par les gages qu’il exige de lui. Il est ingrat pour les bienfaits passés. Aussi Dieu ne peut-il le souffrir, et sa colère éclatera avec bruit comme le char qui grince sous le poids du foin qu’il porte, et Israël périra inévitablement, ii, 6-10.

Première partie, m-vi : elle contient trois discours. — Premier discours, iii, 1-15 : Israël est un peuple choisi, il sera donc puni pour cela des péchés qu’il commet. La punition qu’il mérite est proche. Il renverse tout ordre ; il opprime le juste ; il accumule dans ses palais tout l’or ravi aux pauvres. Dieu le châtiera : il renversera les palais des grands : maisons d’hiver et maisons d'été ; il détruira les autels qui sont à Béthel. — Deuxième discours, iv, 1-13 : Les femmes sont l’origine de tous ces maux. Dures envers les faibles qu’elles oppriment, elles se livrent à la bonne chère. Dieu le jure par sa sainteté, elles seront prises et traînées en captivité. L’idolâtrie est incurable en Israël. La famine, la sécheresse, les sauterelles, la peste et la guerre sont déjà venues pour l’en punir. Il ne s’est pas converti, c’est pourquoi Dieu le frappera plus fort pour l’amener au repentir. — Troisième discours, v, vi : Élégie sur la ruine de la maison d’Israël, v, 1-3. Dieu avait averti Israël de fuir les idoles ; il ne l’a pas écouté ; il n’a pas pris garde à sa toute-puissance ; il s’est

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